Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 16 décembre 2019 ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 22 octobre 2019 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux semaines suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle n'est pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, l'Etat responsable du traitement de sa demande n'étant pas l'Espagne où il conteste s'être trouvé le 9 août 2019 ainsi que le préfet de police l'a retenu à tort, mais la France où il se trouvait au plus tard le 25 juillet précédent ;
- subsidiairement, la France qui est le premier Etat auprès duquel il déposé une demande d'asile, est l'Etat responsable du traitement de cette demande selon l'article 3, paragraphe 2, du même règlement ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il refuse de mettre en oeuvre la clause de l'article 17 de ce règlement, alors que son père réside régulièrement en France ;
- pour la même raison, il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, la brochure B ne lui ayant pas été remise en langue soninke, mais dans sa version française ; ni l'intervention téléphonique d'un interprète en langue soninke lors de la remise de cette brochure, ni la signature du compte-rendu d'entretien, également rédigé en français, ne sont de nature à pallier cette irrégularité.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 22 octobre 2019, le délai d'exécution de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 étant expiré.
Par deux mémoires complémentaires, enregistrés le 27 juillet et le 3 septembre 2020, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que l'expiration du délai d'exécution de l'arrêté attaqué n'est pas de nature à priver d'objet sa requête.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 11 juillet 1998 à Kayes (Mali), qui est entré irrégulièrement sur le territoire français, a, le 27 août 2019, sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé qu'il aurait irrégulièrement franchi les frontières de l'Espagne le 9 août 2019, le préfet de police a saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge de M. B... sur le fondement de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ces autorités ayant le 10 septembre 2019 accepté de le prendre en charge, le préfet de police a décidé le transfert de M. B... par un arrêté du 22 octobre 2019. M. B... fait appel du jugement du 16 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l'admission à titre provisoire de M. B... à l'aide juridictionnelle.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
4. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police doit être regardé comme ayant eu notification du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 16 décembre 2019, le 15 janvier 2020. Le délai de six mois prévu par les dispositions citées ci-dessus n'a, compte tenu de ce qui a été dit au point qui précède, pas été interrompu par l'appel de ce jugement, et est donc venu à expiration le 16 juillet 2020. La France est en conséquence, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, devenue l'Etat responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée par M. B.... Il y a donc lieu pour la Cour de constater un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de sa requête.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me A..., avocat de M. B..., sous réserve de l'admission définitive de M. B... à l'aide juridictionnelle, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. B....
DECIDE :
Article 1er : M. B... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de l'admission définitive de M. B... à l'aide juridictionnelle, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. B....
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. B....
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
M. C..., président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.
Le rapporteur,
J-C. C...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00498