2°) de condamner l'hôpital Tenon à lui verser la somme totale de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis ;
3°) avant dire droit, de condamner l'hôpital Tenon à lui communiquer son dossier administratif, son dossier disciplinaire ainsi que son dossier médical.
Par un jugement n° 1513050 du 6 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision rejetant implicitement la demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de M.C..., et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 29 juin 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner l'exécution de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 mars 2017 et d'enjoindre à l'AP-HP d'examiner sa demande de reconnaissance d'accident de service ;
2°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus en ce qu'elle a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) d'annuler cette décision implicite ;
4°) de faire droit à ses conclusions indemnitaires de première instance ;
5°) d'enjoindre à l'AP-HP de lui accorder rétroactivement le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
6°) de mettre à la charge de l'hôpital Tenon le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative en ce qui concerne les propos injurieux qu'il aurait tenus, les faits de harcèlement moral dont il a été victime et l'existence d'un lien entre sa pathologie et son service ;
- il a, à tort, écarté l'existence de faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel ;
- le seul fait qu'il a fait l'objet d'une plainte déposée par son cadre de santé pour propos injurieux, justifiait la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle ;
- les dispositions de l'article 6 quinquies et de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, et de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision du 17 décembre 2015 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est entachée d'illégalité et constitue une faute ;
- il a subi un préjudice moral et " de santé " et un préjudice de carrière dont il fondé à demander réparation ;
- il doit également être indemnisé des frais exposés dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet, et de la procédure pénale qu'il a engagée ;
- l'absence de communication de ses dossiers administratifs personnel, disciplinaire et médical, l'absence de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et l'absence de saisine de la commission de réforme lui ont aussi causé des préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2017, l'AP-HP, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 1 440 euros soit mis à la charge de M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'AP-HP soutient que les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 13 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de MeE..., pour M.C...,
- et les observations de MeB..., pour l'AP-HP.
Une note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2019, a été présentée par Me E...pour M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...a été recruté au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à compter du 20 janvier 1992, titularisé en qualité d'aide-soignant le 13 février 1996, puis réintégré, à l'issue d'un détachement pour raisons de santé, à la filière ouvrière en qualité de maître ouvrier le 1er novembre 2013, et affecté à la pharmacie de l'hôpital Tenon. Le 16 octobre 2014, son supérieur hiérarchique a adressé un courrier électronique à la cheffe du service du personnel de l'hôpital Tenon, pour dénoncer des propos homophobes imputés à M. C.... Le 17 octobre 2014, M. C...a été sanctionné d'un avertissement pour " comportements irrespectueux envers son cadre ", en raison d'autres faits signalés dans un précédent rapport de son supérieur hiérarchique en date du 30 septembre 2014. Le service du personnel a alors diligenté une enquête interne qui a conclu à la réalité des propos mentionnés ci-dessus. Par une décision du 22 décembre 2016, le directeur général de l'AP-HP a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de dix-huit mois à compter du 16 janvier 2017, en raison de son " comportement inadapté dans l'exercice de ses fonctions envers son cadre et envers ses collègues ", en se fondant notamment sur les propos mentionnés ci-dessus.
2. Par courrier du 27 mars 2015, M. C...a sollicité de la directrice de l'hôpital Tenon la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle pour faits de harcèlement moral ainsi que la reconnaissance de l'imputabilité au service de la dégradation de son état de santé, et a demandé à être indemnisé des différents préjudices qu'il estimait avoir subis. Puis, M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet portant refus de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle et refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la dégradation de son état de santé, et d'autre part, la condamnation de l'AP-HP au versement de la somme de 25 000 euros. Par un jugement du 6 mars 2017, le tribunal administratif a annulé la décision rejetant implicitement la demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de M.C..., et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. C...fait appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M.C..., a suffisamment répondu au moyen tiré des faits de harcèlement moral dont il soutenait avoir été victime en contestant avoir tenu les propos injurieux qui lui ont été attribués, et en faisant état de la dégradation de son état de santé. Le bien-fondé de la réponse que le tribunal a apportée à ce moyen, est sans incidence sur la régularité de son jugement. Les moyens soulevés par M. C...devant la Cour, tirés de méconnaissances des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent donc être écartés.
Sur la légalité de la décision refusant à M. C...le bénéfice de la protection fonctionnelle :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire./(...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. En premier lieu, si M. C...conteste la décision lui refusant implicitement le bénéfice de la protection fonctionnelle en soutenant avoir été victime d'actes de harcèlement moral, l'engagement de la procédure disciplinaire qui a conduit à la décision du directeur général de l'AP-HP du 22 décembre 2016 prononçant la sanction d'exclusion temporaire mentionnée au point 1, ne permet pas de faire présumer l'existence de tels faits. En effet, d'une part, la réalité des propos tenus notamment lors d'un déjeuner au restaurant administratif le 16 octobre 2014, à raison desquels cette procédure a été engagée, est établie par les témoignages précis et circonstanciés de plusieurs de ses collègues présents le même jour au restaurant administratif, alors que les attestations d'autres collègues produites par M. C...sont rédigées en des termes stéréotypés et généraux et émanent, pour deux d'entre elles, d'agents dont l'administration établit, en se référant aux données du système informatique de gestion des badges de la cantine, qu'ils n'étaient pas présents lors du déjeuner en cause. D'autre part, compte tenu de ces propos et d'autres propos dégradants et insultants, tenus à de multiples reprises sur son lieu de travail, ainsi que de son comportement agressif, intimidant et parfois accompagné d'actes de violence, qui s'est poursuivi malgré plusieurs rappels à l'ordre, la sanction qui lui a été infligée ne peut être regardée comme disproportionnée ou comme entachée d'une erreur d'appréciation. Sa demande tendant à l'annulation de cette sanction a d'ailleurs été rejetée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 février 2018. Cette sanction ne peut donc faire présumer l'existence du harcèlement moral dont il prétend avoir été victime.
7. En deuxième lieu, ainsi que le tribunal administratif l'a relevé à bon droit dans son jugement du 6 mars 2017, les demandes répétées du supérieur hiérarchique de M. C...et de la cheffe du personnel de l'hôpital Tenon, de positionnement prévisionnel de ses jours de congés, les divers rappels à ses obligations professionnelles qui lui ont été adressés, et les réserves exprimées par sa hiérarchie quant à son changement de statut, n'ont pas excédé les limites du pouvoir hiérarchique.
8. En troisième lieu, les certificats médicaux produits par M. C...ne permettent pas d'établir un lien entre l'altération de sa santé et ses conditions de travail.
9. En quatrième lieu, M. C...n'établit pas la réalité des faits de harcèlement sexuel dont il fait état, de la part de son supérieur hiérarchique.
10. Ainsi, aucune des circonstances mentionnées ci-dessus ne permet pas de faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral de nature à justifier la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle.
11. M. C...ne saurait enfin faire état de la plainte déposée à son encontre par son supérieur hiérarchique en raison des propos mentionnés au point 6, qui ont le caractère d'une faute personnelle.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'AP-HP de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
13. Compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 6 à 12, M. C...n'est pas fondé à demander réparation du préjudice moral et du préjudice " de santé " résultant selon lui, de pressions de sa hiérarchie à son encontre, de la dégradation de ses conditions de travail et d'accusations infondées d'homophobie, et du préjudice de carrière résultant du harcèlement moral dont il aurait été victime. S'il fait allusion à d'autres fautes de l'AP-HP tenant à l'absence de communication de ses dossiers administratif, disciplinaire et médical, à l'absence de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et à l'absence de saisine de la commission de réforme, il n'a en tout état de cause assorti ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices correspondants, au demeurant non chiffrées, d'aucun moyen et d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'AP-HP d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 mars 2017 :
14. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'annulation par le jugement du 6 mars 2017, de la décision rejetant implicitement la demande de M. C...tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la dégradation de son état de santé, en raison d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission de réforme, M. C...a, le 25 avril 2017, été convoqué devant cette commission qui a, lors de sa séance du 23 mai suivant, sursis à statuer sur sa demande dans l'attente de la communication de documents médicaux. Il a été de nouveau convoqué devant la commission le 21 novembre 2017. Cette instance a alors émis un avis défavorable à la reconnaissance d'un accident de service. M. C... n'est donc, en tout état de cause, pas fondé à demander à la Cour d'enjoindre à l'AP-HP d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 mars 2017 et d'examiner sa demande de reconnaissance d'accident de service.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de l'AP-HP présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'AP-HP, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., et au directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01573