Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2020 et le 5 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Servet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1606175 du 26 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Meaux à lui verser la somme totale de 28 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2014 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Meaux le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- les faits qui sont établis ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire de licenciement ;
- en tout état de cause la sanction est disproportionnée aux faits reprochés ;
- elle a subi du fait de son licenciement illégal un préjudice financier et moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2021, le grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits du centre hospitalier de Meaux, représenté par Me Lesne, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de Mme B... était tardive et par suite irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 7 juin 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la requête d'appel était tardive.
Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2021, Mme B... soutient que sa requête n'est pas tardive compte tenu de la notification irrégulière du jugement à son ancienne adresse.
Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2021, le grand hôpital de l'Est francilien soutient que la requête est tardive dès lors que le jugement a été notifié à la seule adresse régulièrement communiquée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., titulaire d'un agrément accordé par le directeur de l'établissement public de santé de Meaux pour l'accueil permanent d'un adulte, dans le cadre du placement familial thérapeutique, a été engagée par un contrat à durée indéterminé à compter du 8 septembre 2008 pour accueillir des patients adultes confiés par l'établissement. Par décision du 30 mai 2014, le directeur délégué du centre hospitalier de Meaux a prononcé à son égard la sanction disciplinaire de licenciement. Mme B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation du grand hôpital de l'est francilien, venant aux droits du centre hospitalier de Meaux, à lui verser la somme totale de 28 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de son licenciement illégal.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable au présent litige par application de l'article 15 de l'ordonnance n° 202-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. "
3. Il résulte de l'instruction que le jugement du Tribunal administratif de Melun dont Mme B... relève appel lui a été régulièrement notifié, à l'adresse mentionnée dans sa requête introductive, par une lettre recommandée retournée au Tribunal avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée " le 20 janvier 2020. Mme B... n'a fait connaître sa nouvelle adresse au tribunal administratif que le 29 janvier 2020. Si la notification du jugement attaqué doit être regardée comme ayant eu lieu régulièrement à la date du 20 janvier 2020, faute de mention sur l'avis de réception de la date de présentation du pli recommandé, le délai d'appel ayant commencé à courir à cette date expirait pendant la période visée à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, à savoir entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, de sorte que lui étaient applicables les dispositions rappelées au point 2. Par suite, la requête de Mme B... enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2020 n'est pas tardive.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Le grand hôpital de l'est francilien n'est pas fondé à soutenir que la demande de Mme B... était tardive pour avoir été formée après l'expiration du délai raisonnable d'un an dont elle disposait pour former un recours pour excès de pouvoir contre la décision prononçant son licenciement, dès lors que cette règle issue du principe de sécurité juridique ne trouve pas à s'appliquer aux recours, tel que celui formé par Mme B..., tendant uniquement à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés.
Sur la responsabilité :
5. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil départemental de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue et une initiation aux gestes de secourisme organisées par le président du conseil départemental et si un suivi social et médico-social des personnes accueillies peut être assuré. Un décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément (...) ". L'article L. 443-10 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions relatives à l'accueil thérapeutique, les personnes agréées mentionnées à l'article L. 441-1 peuvent accueillir des malades mentaux en accueil familial thérapeutique organisé sous la responsabilité d'un établissement ou d'un service de soins. (...) Pour chaque personne accueillie, l'établissement ou service de soins passe avec l'accueillant familial un contrat écrit. ". Enfin, aux termes de l'article 39 du décret du 6 février 1991 susvisé, applicable en l'espèce à Mme B... eu égard à sa relation contractuelle avec l'établissement public de santé de Meaux : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agent recrutés pour une période déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis, ni indemnité de licenciement. (...) ".
6. La sanction de licenciement prononcée à l'encontre de Mme B... a pour motifs le fait que celle-ci a commis une faute grave en s'étant absentée de son domicile le lundi 5 mai 2014 malgré le refus exprimé par l'équipe de suivi du service de l'accueil familial thérapeutique, en laissant la garde de la patiente qui lui était confiée à un tiers, à savoir sa fille, non titulaire d'un agrément permettant l'accueil familial thérapeutique d'un adulte handicapé.
7. Mme B... ne conteste pas que les services du centre hospitalier lui avaient rappelé, quelques jours avant le 5 mai 2014, en réponse à une demande de congés formulée en urgence, qu'elle n'était pas autorisée à confier la patiente dont elle assurait l'accueil familial thérapeutique à une personne tierce sans autorisation. Dans ces conditions le fait d'avoir malgré ce rappel confié la patiente dont elle avait la charge à une personne non titulaire d'un agrément permettant l'accueil familial thérapeutique d'un adulte handicapé constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
8. Toutefois Mme B... relève sans être contestée d'une part que son absence, d'une durée limitée à la journée du 5 mai 2014, ne correspondait pas à une prise de congés mais répondait à une urgence familiale et que le centre hospitalier autorisait ponctuellement des déplacements sans être accompagnée de la patiente dont elle avait la charge, d'autre part qu'elle n'a jamais fait l'objet d'appréciations défavorables quant à l'exécution des tâches lui étant contractuellement confiées. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que la sanction de licenciement prononcée à son encontre était disproportionnée et, par suite, entachée d'une illégalité de nature à engager la responsabilité du grand hôpital de l'est francilien.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices.
Sur les préjudices :
10. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.
11. Compte tenu de l'ancienneté de Mme B... et de sa rémunération antérieure, mais également de la faute qu'elle a commise, il y a lieu de condamner le grand hôpital de l'est francilien à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice financier et de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, soit la somme totale de 6 000 euros, tous intérêts compris.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le grand hôpital de l'est francilien demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du grand hôpital de l'est francilien une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1606175 du 26 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Le grand hôpital de l'est francilien est condamné à verser à Mme B... la somme de six mille euros.
Article 3 : Le grand hôpital de l'est francilien versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du grand hôpital de l'est francilien présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... au ministre des solidarités et de la santé et au grand hôpital de l'est francilien.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
La rapporteure,
P. HAMON
Le président,
C. JARDINLa greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01093