Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2021 et le 3 juin 2021, la SAS Camshop, représentée par Me Richard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912013/1-1 du 2 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière car la proposition de rectification du 26 décembre 2017 n'a pu valablement interrompre le délai de prescription au titre de l'année 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Camshop ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jurin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Camshop a pour activité principale la vente à distance de dispositifs de surveillance et de protection. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue de cette vérification, par une proposition de de rectification du 26 décembre 2017, et selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des rehaussements d'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014. La société a contesté ces impositions par une réclamation notifiée le 1er octobre 2018 qui a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 6 mai 2019. Par un jugement n° 1912013/1-1 du 2 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions restant en litige au titre de l'exercice 2014. La société Camshop interjette appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ". Aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : (...) - la date de présentation ; / - la date de distribution ; (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; - la date de distribution ; (...) ".
4. Il résulte de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales que les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
5. La société Camshop soutient que la proposition de rectification du
26 décembre 2017 n'a pas interrompu le délai de prescription visé par les dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que ce document lui a été remis le 2 janvier 2018, après l'expiration du délai de reprise. L'administration, à qui incombe la preuve de la notification régulière de ce document, soutient que le document a été remis le 29 décembre 2017. Au soutien de ces allégations, l'administration ne produit toutefois pas les documents qui ont dû être remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale et attestant de cette date de délivrance mais se borne à produire une attestation peu circonstanciée de l'administration postale émise le 20 avril 2018 attestant d'une présentation le 29 décembre 2017. Or, la société Camshop produit quant à elle un bordereau de remise de pli qui indique que le courrier en litige lui a été présenté le 2 janvier 2018. Elle produit également une copie des documents remis le 2 janvier 2018 laissant apparaître que l'avis de passage n'a pas été détaché du bordereau correspondant et qu'il n'a aucunement été complété afin d'inviter le cas échéant la société à solliciter une deuxième présentation. Ainsi, les documents produits par la société Camshop sont de nature à établir que la proposition de rectification du 26 décembre 2017 lui a été notifiée, contrairement à ce que soutient l'administration, le 2 janvier 2018, soit après l'expiration du délai de reprise et qu'ainsi, le délai de prescription n'a pas été valablement interrompu avant le 31 décembre 2017. Pour ce motif, il y a lieu de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à ce titre ainsi que des pénalités et de l'amende correspondantes.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Camshop est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions contestées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Camshop en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1912013/1-1 du 2 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La SAS Camshop est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 ainsi que des pénalités et de l'amende correspondant à cette année.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Camshop la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Camshop, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - pôle juridictionnel administratif).
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.
La rapporteure,
E. JURINLe président de chambre,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00543