Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1819465/2-1 du 19 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la réduction de l'imposition contestée ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de difficultés économiques structurelles et avérées de son employeur à la date de ce licenciement ;
- la société a accepté de conclure avec elle un accord transactionnel ;
- l'employeur n'a pas satisfait à l'obligation de recherche loyale de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens soulevés au soutien des conclusions aux fins de décharge n'est fondé ;
- les conclusions tendant au paiement d'intérêts sont irrecevables dès lors qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et Mme A... concernant ces intérêts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., alors directrice " finance et acquisition " au sein de la succursale parisienne de la Bank of Scotland, a été licenciée pour motif économique par une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 3 juin 2016. Après avoir contesté les motifs de son licenciement, Mme A... a conclu, le 9 décembre 2016, un accord transactionnel avec la Bank of Scotland qui prévoit, notamment, le versement d'une indemnité conventionnelle de licenciement de 58 909,93 euros bruts ainsi que d'une indemnité transactionnelle de 230 000 euros bruts. Mme A..., qui a déclaré une somme de 57 213 euros au titre de cette indemnité transactionnelle sur sa déclaration des revenus de l'année 2016 a, par la suite, demandé une réduction de son imposition au motif que, selon elle, l'indemnité transactionnelle devait être intégralement exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions combinées de l'article 80 duodecies du code général des impôts et de l'article L. 1235-3 du code du travail. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge.
2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2 et L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail. / [...] ". L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. [...] ".
3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition.
4. Les difficultés économiques invoquées à l'appui d'un licenciement pour motif économique s'apprécient au niveau du groupe ou du secteur d'activité du groupe, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national. La cause économique s'apprécie à la date du licenciement.
5. Il résulte de l'instruction que l'imposition en litige a été établie conformément à la déclaration d'impôt sur le revenu souscrite par Mme A... au titre de l'année 2016. Dès lors, il lui incombe, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré de cette imposition.
6. En premier lieu, il résulte des termes de la lettre de licenciement en date du 3 juin 2016, dont les termes sont repris dans l'accord transactionnel signé le 9 décembre 2016, que le groupe Lloyds Banking, auquel appartient la société Bank of Scotland, a décidé, eu égard notamment à ses difficultés économiques et financières, de limiter sa présence mondiale et de baser l'ensemble de ses effectifs " finances et acquisitions " à Londres, et partant de cesser la poursuite de cette activité au sein de la succursale de Bank of Scotland en France. Mme A... soutient que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il n'existait pas une menace réelle sur la compétitivité de l'entreprise et que le groupe était revenu à une situation bénéficiaire à la suite de mesures antérieures de réorganisation. Elle se prévaut, à cet égard, d'une note d'information remise, le 12 février 2016, aux délégués du personnel de la succursale française de la société Bank of Scotland, ainsi que du rapport annuel pour 2016 de cette société, lesquels font état, d'une part, de bénéfices annuels s'élevant à 335 millions de livres sterling en 2013, et à 2,666 milliards de livres sterling en 2014, d'autre part, de versements de dividendes, en 2015, à hauteur de 9,5 milliards de livres sterling, et en 2016, à hauteur de 3,4 milliards de livres sterling. Toutefois, il résulte de l'instruction que la dégradation de la conjoncture économique mondiale à compter de 2007 a contraint le groupe Lloyds Banking à mener une politique de restructuration impliquant notamment un plan de licenciement de plus de 50 000 personnes. En dépit de cet important effort de réorganisation, il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement du 3 juin 2016, qui confirme sur ce point l'analyse financière exposée dans la note d'information du 12 février 2016, que le revenu du groupe Lloyds Banking a accusé, depuis 2012, une dégradation très significative, d'un montant de 4,1 milliards de livres sterling, en raison des évolutions de la politique monétaire, caractérisée notamment par les taux d'intérêt historiquement bas imposées par les banques centrales. Par ailleurs, à compter de 2014, le groupe Lloyds Banking a fortement augmenté ses provisions relatives aux " assurances protection de paiement ", augmentation qui a entraîné une baisse du rendement des capitaux propres, lequel s'élevait à 3 %, soit un ratio beaucoup plus faible que celui de ses concurrents. Enfin, à la date du licenciement de Mme A..., les opérations de rachat d'entreprise réalisées par le secteur " finance et acquisition " du groupe avaient connu une forte diminution. Dans ces conditions, la nécessité de la réorganisation du groupe Lloyds Banking, afin de sauvegarder sa compétitivité, et pas seulement d'améliorer sa rentabilité, et, par suite, la cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme A... dont le poste a été supprimé dans ce cadre, doivent être regardées comme établis. A cet égard, la circonstance que la société a accepté de conclure avec Mme A... un accord transactionnel ne saurait avoir d'incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En second lieu, Mme A... soutient que son employeur n'aurait pas respecté l'obligation de reclassement qui lui incombait, de sorte, que, par voie de conséquence, le licenciement devrait être regardé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. A cet égard, Mme A... indique, en particulier, que son employeur lui a proposé un poste à Londres, au sein de l'activité " Strategic Debt Finance ", pour lequel elle a présenté une candidature le 23 mai 2016, qui n'a pas été retenue, son employeur lui envoyant un courriel de refus le 2 juin 2016. Toutefois, Mme A..., qui ne produit pas le courriel par lequel sa candidature a été refusée, ne démontre pas que le refus qui lui a été opposée reposerait sur des motifs illégaux. Elle n'établit pas davantage que la société Bank of Scotland aurait fait preuve d'un défaut d'impartialité dans l'examen de sa candidature ni qu'elle aurait fait obstacle à toute possibilité de reclassement. Ainsi, Mme A..., qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, supporte la charge de la preuve, n'établit pas que son employeur n'aurait pas justifié d'une recherche préalable, effective et sérieuse en vue de son reclassement. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement d'intérêts ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics sur ce point, de même que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
Le rapporteur,
K. B... Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00187 2