Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mai 2016, 30 juin 2016 et 28 juin 2017, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Casden Banque Populaire ;
3°) de mettre à la charge de la société Casden Banque Populaire le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Nouvelle-Calédonie soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une " procédure irrégulière " ;
- la demande présentée par la société Casden Banque Populaire devant le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie, enregistrée plus de sept ans après la naissance de la décision statuant implicitement sur sa réclamation préalable, n'a pas été exercée dans un délai raisonnable et est dès lors tardive ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société Casden Banque Populaire, en ne facturant pas à son établissement stable la quote-part des charges de personnel correspondant à son activité en Nouvelle-Calédonie, a commis une erreur comptable volontaire dont elle n'est pas fondée à demander la rectification.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août 2016, 25 avril 2017, 24 août 2017 et 11 septembre 2017, la société Casden Banque Populaire, représentée par le CMS Bureau Francis Lefebvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Casden Banque Populaire soutient que :
- le moyen tiré de ce que jugement attaqué a été rendu à la suite d'une " procédure irrégulière " est inopérant ;
- les autres moyens invoqués par la Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés.
Par un courrier du 6 avril 2017, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision était susceptible d'être fondée sur des moyens relevés d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Conseil du Gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en date des 31 mars et 5 mai 1983, approuvée par la loi du 26 juillet 1983 ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la Nouvelle-Calédonie et de Me B...pour la société Casden Banque Populaire.
1. En application de la combinaison des stipulations des articles 5 et 7 de la convention franco-calédonienne et des dispositions de l'article Lp. 15 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, et en vertu d'une convention de partenariat conclue le 30 juin 1999 avec la société générale calédonienne de banque (SGCB), la société Casden Banque Populaire a été soumise à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie à raison des bénéfices provenant des activités conduites, sur ce territoire et pour son compte, par un agent de la SGCB concernant les prêts à la consommation et les prêts immobiliers destinés aux résidents calédoniens. La société Casden Banque Populaire a ainsi notamment réglé des cotisations d'impôt sur les sociétés et des cotisations d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM) au titre des exercices clos en 2004 et 2005. A la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, de la part de l'administration fiscale métropolitaine, au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 et de la proposition de rectification en date du 29 juin 2007, la société Casden Banque populaire a transmis à l'administration fiscale calédonienne un courrier, daté du 18 décembre 2007, ayant pour objet l'" impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2004 et 2005 " et tendant à la " réduction de ses résultats fiscaux 2004 et 2005 " pour des montants respectivement de 682 817 euros et de 844 027 euros.
2. Par un jugement du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, diminué la base d'imposition de la société Casden Banque Populaire au titre de l'impôt sur les sociétés, de la contribution exceptionnelle de solidarité et de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières de 81 481 742 francs CFP et de 100 719 212 francs CFP respectivement au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et, d'autre part, déchargé la société Casden Banque Populaire de la différence entre les sommes acquittées au titre de l'impôt sur les sociétés, la contribution exceptionnelle de solidarité et l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières et celles résultant de cette diminution. La Nouvelle-Calédonie relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. La Nouvelle-Calédonie, en se bornant à indiquer, dans sa requête sommaire, que le jugement attaqué " a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière, tous les mémoires échangés entre les parties n'ayant pas été régulièrement notifiés ", sans apporter aucun autre élément dans son mémoire complémentaire, n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté, opposée à la demande de première instance de la société Casden Banque Populaire :
4. Aux termes de l'article 1105 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation aux services fiscaux ". Aux termes de l'article 1111 du même code : " Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie statue sur les réclamations dans un délai de 6 mois à compter de la date de leur présentation, en décidant soit du rejet, soit de l'admission totale ou partielle de ces demandes. / En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée ". Enfin, aux termes de l'article 1113 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de 3 mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu avis de la décision de l'administration dans le délai de 6 mois suivant la date de présentation de sa réclamation peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. ".
5. Il résulte de ces dispositions que si, en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation présentée par un contribuable pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée.
6. En l'espèce, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'a pas statué expressément sur la réclamation présentée par la société Casden Banque Populaire.
7. Par ailleurs, à supposer même, comme le fait valoir la Nouvelle-Calédonie, que le destinataire d'une décision implicite de l'administration fiscale rejetant une réclamation ne puisse exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, le contribuable peut toujours se prévaloir de circonstances particulières de nature à justifier un dépassement de ce délai.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier du courrier du chef de mission de la direction générale des finances publiques du 4 septembre 2017, et il n'est pas contesté que, dès le 22 janvier 2008, l'administration fiscale calédonienne a informé l'administration fiscale métropolitaine de la demande d'ouverture de la procédure amiable prévue par l'article 23 de la convention fiscale franco-calédonienne, présentée par la société Casden Banque Populaire, en vue de remédier à la situation de double imposition que le groupe Casden Banque Populaire estimait subir du fait des rehaussements notifiés par l'administration métropolitaine, à raison de son activité exercée en Nouvelle-Calédonie, au titre des exercices clos dans les années 2003 à 2007. Il ressort de ce même courrier que les autorités métropolitaines et calédoniennes ont alors échangé leurs analyses et que, le 27 février 2015, l'autorité calédonienne a finalement entendu exclure du périmètre de la procédure amiable l'un des rehaussements discutés relatif aux charges salariales non refacturées à l'établissement stable calédonien par le siège de la société Casden Banque Populaire, en estimant qu'il devait être tranché par le juge de l'impôt. Cette prise de position de l'administration fiscale calédonienne a été communiquée à la société. Ces circonstances particulières étaient de nature à justifier que le tribunal administratif de Nouvelle Calédonie n'ait été saisi que plus de sept ans après la naissance de la décision par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a implicitement rejeté sa réclamation.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la Nouvelle-Calédonie, tirée de la tardiveté de la demande de première instance, doit être écartée.
S'agissant de l'irrecevabilité partielle, relative à la nature des impositions contestées, de la demande de première instance :
10. Aux termes de l'article Lp. 15 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés par les entreprises exploitées, ou ayant leur siège social en Nouvelle-Calédonie, ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la Nouvelle-Calédonie par une convention fiscale. / La notion d'entreprise exploitée en Nouvelle-Calédonie s'entend de l'exercice habituel d'une activité qui peut soit s'effectuer dans le cadre d'un établissement autonome, soit être réalisée par l'intermédiaire de représentants dépendants économiquement ou juridiquement, soit résulter de la réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet (...) ". Aux termes de l'article 21 du même code : " I - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges à condition : / - de se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou d'être exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; - de se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise ; - de correspondre à une charge effective et d'être appuyées de justifications suffisantes ; - de ne pas être exclues par une disposition particulière. / Ces charges comprennent, notamment : a) Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ". Aux termes de l'article 528 du même code : " Les personnes morales relevant de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières sont soumises à une taxation normale (dispositions générales) ou à une taxation forfaitaire (dispositions spéciales) selon qu'elles ont leur siège social dans ou hors de la Nouvelle-Calédonie ". Aux termes de l'article 529 de ce code : " Sous réserve des exemptions et des dispositions spéciales concernant les sociétés étrangères et les sociétés relevant de la zone monétaire franc prévues aux articles 551 à 553, l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières s'applique annuellement : / 1°. aux dividendes, intérêts, arrérages, revenus et tous autres produits de toute nature des sociétés, compagnies et entreprises quelconques financières, industrielles, commerciales ou civiles, ayant leur siège social en Nouvelle-Calédonie quelle que soit l'époque de leur création (...) ". Aux termes de l'article 538 dudit code : " I - Les revenus désignés à l'article 528 sont déterminés pour le paiement de l'impôt conformément aux dispositions des articles 540 à Lp. 543.1. / L'impôt est dû, que les sommes ou valeurs distribuées soient ou non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 545 de ce code : " (...) II.- L'impôt est versé à l'appui de la déclaration visée à l'article Lp. 544 : (...) 4°. pour les bénéfices réputés distribués en application des articles 551, 552 et 553, dans les 6 mois suivant la clôture de chaque exercice ". Aux termes de l'article 550 du même code : " Les personnes morales (...) qui, n'ayant pas leur siège social en Nouvelle-Calédonie, y exercent cependant une activité qui les y rendrait imposables si elles y avaient leur siège social, sont redevables à la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure de cette activité, de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, dans les conditions prévues au présent titre ". Enfin, aux termes de l'article 553 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Les bénéfices réalisés en Nouvelle-Calédonie, par l'intermédiaire d'établissements stables de sociétés visées à l'article 550 ayant leur siège dans un Territoire lié à la Nouvelle-Calédonie par une convention fiscale, sont réputés distribués au titre de chaque exercice. / Les bénéfices visés à l'alinéa précédent s'entendent du montant du résultat comptable ".
11. Il résulte de l'instruction que la société Casden Banque Populaire, en déclarant ses résultats des exercices 2004 et 2005, a renseigné, de manière séparée, des documents intitulés " Impôt sur les sociétés (à 30%) bordereau-avis de versement " et " déclaration des revenus de valeurs mobilières ". Elle a réglé des cotisations d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2004 et 2005, de respectivement 140 775 200 francs CFP et 169 910 700 francs CFP ainsi que des cotisations d'IRVM, au titre des mêmes exercices, de 32 842 937 francs CFP et 35 650 369 francs CFP.
12. Si le courrier du 18 décembre 2007 que la société Casden Banque Populaire a transmis au directeur des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie, qui a pour objet l'" impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2004 et 2005 " et qui tend à la " réduction de ses résultats fiscaux 2004 et 2005 " pour des montants respectivement de
682 817 euros et de 844 027 euros, doit être analysé comme une réclamation au sens et pour l'application de l'article 1105 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la société Casden Banque Populaire doit seulement être regardée, compte tenu des termes de ce courrier, comme ayant demandé la restitution partielle d'une partie des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2004 et 2005 à raison des bénéfices provenant de son établissement stable sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. La société Casden Banque Populaire n'était dès lors pas recevable à soumettre directement au juge de l'impôt, faute d'une réclamation en ce sens préalablement adressée à l'administration fiscale, des conclusions tendant à la restitution de sommes versées au titre de " contributions additionnelles " ou de " l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières " relatifs à ces mêmes exercices.
13. Le litige soumis au juge de l'impôt par la société Casden Banque Populaire n'est dès lors recevable qu'à hauteur de la demande de restitution de la partie des sommes acquittées au titre de l'impôt sur les sociétés, respectivement de 140 775 200 francs CFP et 169 910 700 francs CFP, et correspondant à la réintégration, dans les résultats fiscaux des exercices clos en 2004 et 2005, de charges de personnel pour un montant respectivement de 81 481 782 francs CFP (682 817 euros) et 100 719 212 francs CFP (844 027 euros).
En ce qui concerne les charges de personnel de l'établissement stable de la société Casden Banque Populaire :
14. Aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-calédonienne des 31 mars et 5 mai 1983 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression établissement stable" comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau (...). 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un territoire de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans ce territoire pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise (...) 6. Une entreprise n'est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un territoire du seul fait qu'elle exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un territoire ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre territoire mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un territoire exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque territoire, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés soit dans le territoire où est situé cet établissement stable, soit ailleurs (...) ". Enfin, aux termes de l'article 9 de cette convention : (...) 8. (...) lorsqu'une société qui est un résident d'un territoire exerce dans l'autre territoire une activité industrielle ou commerciale par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, les bénéfices de cet établissement stable peuvent, après avoir supporté l'impôt sur les sociétés, être assujettis, conformément à la législation de cet autre territoire, à un impôt dont le taux ne peut excéder 10 p.cent ".
15. En premier lieu, il résulte de ces dispositions qu'une entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans un territoire, soit lorsqu'elle y dispose d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit lorsqu'elle a recours à une personne, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, ayant le pouvoir d'y conclure des contrats au nom de l'entreprise. Toutefois, dans ce dernier cas, l'établissement stable n'est constitué que si cette personne utilise effectivement sur ce territoire, de façon non occasionnelle, le pouvoir qui lui est ainsi dévolu.
16. En l'espèce, il est constant que la société Casden Banque Populaire dispose d'un établissement stable, au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-calédonienne, dès lors qu'un agent de la SGCB, en vertu de la convention mentionnée au point 1, exerce une partie de ses activités au nom de la société Casden Banque Populaire.
17. En deuxième lieu, il ressort des pages 5 à 8 de la proposition de rectification du 29 juin 2007 que l'administration fiscale métropolitaine, lors de la vérification de la comptabilité de la société Casden Banque Populaire au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, a notamment estimé que si cette société disposait d'un établissement stable situé en Nouvelle Calédonie pour les activités liées à certains prêts personnels et de consommation, pour lesquels il existait une " délégation de pouvoir ", les activités liées aux prêts personnels et de consommation " hors norme " ainsi qu'aux prêts immobiliers ne pouvaient pas y être rattachées en l'absence de " délégation de pouvoir ". Elle a ainsi considéré que cette société avait minoré son résultat fiscal en augmentant ses charges, lesquelles étaient normalement imputables à son établissement secondaire installé en Nouvelle-Calédonie, et en diminuant ses produits par un transfert auprès de cet établissement secondaire. Le service vérificateur a dès lors réintégré, dans les bénéfices imposables de la société Casden Banque Populaire des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, la quote-part des bénéfices déclarés par cet établissement correspondant aux opérations relatives aux prêts immobiliers et aux prêts de personnel et consommation " hors normes ". Le service a également réintégré dans les bénéfices imposables les produits correspondant aux omissions de facturation pour la quote-part des frais de personnel supportés au lieu du siège à raison d'activités exercées par son établissement secondaire, et les a évalués, pour les exercices clos en 2004 et 2005, selon une clé de répartition, dite " méthode PNB ", entre les frais généraux du siège et celle de l'établissement stable. La quote-part de ces frais de personnel supportés au lieu du siège pour des activités exercées par son établissement secondaire a été valorisée à 2,96 % pour l'exercice clos en 2004 et à 3,55 % pour l'exercice clos en 2005, soit respectivement 682 817 euros et 844 027 euros.
18. La Nouvelle Calédonie ne conteste ni la méthode retenue par l'administration métropolitaine ni le montant de la quote-part des frais de personnel supportés au lieu du siège à raison des activités exercées par l'établissement secondaire de la société Casden Banque Populaire. En revanche, elle soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société Casden Banque Populaire, en ne facturant pas à son établissement stable la quote-part de ces charges de personnel, a commis une erreur comptable volontaire dont elle n'est pas fondée à demander la rectification.
19. Tout d'abord, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification du 29 juin 2007, que si le vérificateur métropolitain a estimé que la société Casden Banque Populaire s'était méprise sur la portée des stipulations de la convention de partenariat conclue le 30 juin 1999 avec la SGCB et n'avait, à tort, pas distingué les activités de l'agent de la SGCB liées à certains prêts personnels et de consommation, pour lesquels il existait une " délégation de pouvoir ", de celles concernant les prêts " hors norme " et les prêts immobiliers, qui ne pouvaient pas être rattachées à cet établissement stable en l'absence de " délégation de pouvoir ", il a cependant considéré que la " bonne foi " de la société n'était pas " mise en cause " et ne lui a pas appliqué la majoration pour manquement délibéré prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts.
20. Par ailleurs, si la Nouvelle-Calédonie fait valoir que la société a répété cette erreur depuis 1999, la société Casden Banque Populaire précise toutefois, sans être contredite, que l'erreur ainsi commise n'a été révélée qu'à la suite des vérifications opérées par l'administration fiscale métropolitaine en 2007.
21. Ensuite, la société Casden Banque Populaire soutient, sans être contestée, que le taux d'imposition global, en France métropolitaine, des résultats dégagés par ses activités en Nouvelle-Calédonie était de 36,33 % en 2004 et de 34, 83 % en 2005, tandis que, compte tenu des dispositions particulières du code des impôts de Nouvelle-Calédonie mentionnées au point 10, le taux d'imposition global (IS + IRVM) de ces mêmes activités en Nouvelle-Calédonie était de 40 %, de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt fiscal à ce que ses résultats soient imposés, pour l'essentiel, en Nouvelle-Calédonie.
22. Enfin, la Nouvelle-Calédonie ne produit aucun autre élément de nature à établir que la société Casden Banque Populaire, qui n'avait sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie aucune installation fixe d'affaires ni aucun personnel salarié, aurait sciemment fait une analyse erronée des stipulations de la convention du 30 juin 1999 en vue d'en minimiser la portée fiscale ou afin de tirer un profit, de quelque nature que ce soit, de ses écritures comptables erronées.
23. Compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 19 à 22, la société Casden Banque Populaire doit dès lors être regardée comme ayant méconnu ses obligations comptables par un comportement qui était en l'espèce involontaire.
24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et notamment de ce qui a été dit au point 13, que la Nouvelle-Calédonie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a statué sur la demande de la société Casden Banque Populaire pour des impôts autres que l'impôt sur les sociétés et à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Casden Banque Populaire le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par la Nouvelle-Calédonie et qui ne sont pas compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société Casden Banque Populaire au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1500324 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 17 mars 2016 sont annulés.
Article 2 : La base d'imposition de l'impôt sur les sociétés assigné à la société Casden Banque Populaire au titre des années 2004 et 2005 est respectivement diminuée de 81 481 742 franc CFP et 100 719 212 francs CFP.
Article 3 : La société Casden Banque Populaire est déchargée de la différence entre les cotisations à l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des années 2004 et 2005 et celles résultant de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Nouvelle-Calédonie et à la société Casden Banque Populaire.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA01649 2