Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 décembre 2019, le 25 novembre 2020 et le 13 janvier 2021, M. B..., représenté par Me E... puis Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900170 du 30 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 25 mars 2019 ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive ;
3°) de mettre à la charge de le Polynésie française le versement de la somme de 420 000 francs CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a fait appel du jugement correctionnel le concernant ;
- il n'est pas justifié que le conseil de discipline ne comportait pas d'agents d'un grade inférieur au sien ni que le quorum était atteint ;
- la signature, conformément à une pratique ancienne, d'ordres de déplacement, de réquisitions et d'états de transport maritime au-delà de la délégation qui lui était accordée ne constitue pas une faute disciplinaire ;
- le fait que certains des déplacements autorisés par lui n'aient pas été effectivement réalisés ne lui est pas imputable ;
- il ne peut lui être reproché l'émission de bons de commande signés en son absence ;
- il n'est pas établi qu'il aurait ordonné le paiement à une entreprise de travaux non réalisés ;
- il n'a pas détourné du stock de carburant mais utilisé les capacités de stockage d'une entreprise privée pour suppléer aux capacités insuffisantes de stockage de ses services ;
- il n'a jamais reçu d'argent liquide de sociétés sauf pour leur participation à des événements festifs, une faute ne justifiant pas une sanction de révocation ;
- il est recevable à soutenir que la décision attaquée constitue une seconde sanction, prohibée, de faits qui ont motivé la décision du 27 juillet 2016 mettant fin à ses fonctions de chef de subdivision, qui constitue bien une sanction compte tenu de ses effets ;
- la Polynésie française avait renoncé, lors de cette première sanction du 27 juillet 2016, à sanctionner les faits déjà connus et qui ne peuvent plus faire d'objet d'une sanction ultérieure ;
- il a eu une carrière exemplaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mai 2020 et le 11 décembre 2020, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens tirés de l'illégalité externe de la décision attaquée et de l'incidence de la première sanction sont nouveaux en appel et par suite irrecevables ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995 relative à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent de la fonction publique de la Polynésie française depuis 2004, au grade de technicien depuis 2010 et affecté à la subdivision de la direction de l'équipement de Moorea, a été nommé chef de cette subdivision le 1er mai 2013. Le ministre de l'équipement de la Polynésie française a mis fin à ses fonctions de chef de la subdivision le 27 juillet 2016, à raison de faits survenus durant l'exercice de ces fonctions. Par une décision du 25 mars 2019, le président de la Polynésie française lui a infligé la sanction de révocation. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les moyens de légalité externe invoqués en appel :
2. Les moyens soulevés par M. B... et tirés de ce que la décision attaquée serait entachée de vices de procédure dès lors que la Polynésie française n'établit pas la composition régulière du conseil de discipline en ce qui concerne le quorum et le grade des agents ayant siégé, nouveaux en appel et qui ne revêtent pas un caractère d'ordre public, sont fondés sur une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués en première instance. Par suite, de tels moyens ne sont pas recevables, comme le soutient la Polynésie française en défense. En revanche, M. B... est recevable à invoquer pour la première fois en appel le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe " non bis in idem ", lequel n'est pas fondé sur une cause juridique distincte des autres moyens de légalité interne soulevés en première instance.
Sur les autres moyens de la requête :
3. En premier lieu, il est constant que les faits d'avoir signé des ordres de déplacement et des réquisitions sans détenir une délégation de signature adéquate, d'avoir fractionné volontairement un marché de travaux afin d'échapper aux règles comptables et d'avoir engagé des travaux avec un prestataire sans bon de commande constituent les motifs de la décision du 27 juillet 2016 ayant retiré à M. B... les fonctions de chef de subdivision, et que ces mêmes faits ont également été retenus parmi les griefs fondant la sanction de révocation prononcée le 25 mars 2019.
4. Toutefois, à supposer que la décision du 27 juillet 2016, compte tenu de la perte de responsabilités qu'elle entraîne et de l'intention de la Polynésie française de sanctionner M. B..., ait constitué une sanction disciplinaire, il ressort des pièces du dossier que la Polynésie française aurait pris la même décision de révocation si ces trois griefs n'avaient pas été retenus à l'encontre de M. B..., dès lors que cette révocation est également fondée sur quatre autres griefs, à savoir l'utilisation frauduleuse de réquisitions et état de transports, l'attestation de la réalisation de travaux qui n'ont pas été effectués, le détournement à son profit personnel et au profit d'une entreprise tierce de 9 500 litres de carburant et enfin la perception de sommes en liquide de la part d'une entreprise dans le but de favoriser celle-ci dans l'attribution de marchés publics. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée de révocation aurait méconnu le principe " non bis in idem ".
5. En deuxième lieu, M. B... soutient que la Polynésie française aurait renoncé à sanctionner les faits qui lui sont reprochés, dont elle avait connaissance en juillet 2016 lors du retrait de ses fonctions de chef de subdivision, et qui n'ont pas fait l'objet d'une sanction à cette date. A supposer qu'il entende, ce faisant, soutenir que ces faits seraient atteints par une prescription de l'action disciplinaire, aucune disposition applicable aux agents de la Polynésie française ni aucun principe ne prévoient une telle prescription.
6. En troisième lieu, M. B... soutient que l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, il n'apporte en appel aucun argument de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen, le caractère non définitif du jugement correctionnel dont il a fait l'objet le 22 septembre 2020 étant à cet égard sans incidence. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Enfin, compte tenu de la gravité des faits commis par M. B... et de son niveau de responsabilités, la sanction de révocation prononcée n'est pas, malgré l'absence de sanction préalablement prononcée et les bonnes appréciations sur sa manière de servir, entachée de disproportion.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge pénal, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la Polynésie française une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04231