Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1907251 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de saisir de nouveau la commission du titre de séjour ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet du Val-de-Marne ne justifie pas avoir donné connaissance aux membres de la commission du titre de séjour, d'une part, des motifs ayant présidé à son intention de refuser la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, de son dossier, et notamment des preuves de dix ans de sa résidence habituelle ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 8 juillet 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me C..., avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 11 janvier 1953, est entré en France le 24 juin 2002, selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour [...] ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / [...] ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " [...] L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". Aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. / La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3. / Cette demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de retrait, de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour réside habituellement en France depuis plus de dix ans ".
3. M. A... soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet du Val-de-Marne ne justifie pas avoir transmis aux membres de la commission du titre de séjour les documents nécessaires à l'examen de son dossier, à savoir, en particulier, les motifs l'ayant conduit à envisager de refuser de lui délivrer un titre de séjour ainsi que les preuves de sa résidence habituelle depuis plus de dix ans. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que, préalablement à son édiction, le préfet du Val-de-Marne a saisi la commission du titre de séjour dès lors que M. A... établissait sa résidence habituelle depuis plus de dix ans. En application de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne devait assortir cette demande d'avis de l'ensemble des documents nécessaires à l'examen de la situation de M. A..., à savoir, notamment, les motifs qui le conduisaient à envisager une décision de refus de délivrance de titre de séjour, ainsi que les pièces justifiant que l'intéressé réside habituellement en France depuis plus de dix ans. Le préfet du Val-de-Marne n'établit pas avoir assorti sa demande d'avis de tels éléments et, faute de mémoire en défense, n'apporte aucune précision sur les informations qu'il aurait transmises sur ce point aux membres de la commission du titre de séjour, ou dont ils auraient eu connaissance par un autre biais. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la procédure ayant conduit au prononcé de l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que ce vice de procédure l'a privé d'une garantie.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Val-de-Marne délivre un titre de séjour à M. A.... En revanche, elle implique nécessairement que le préfet du Val-de-Marne saisisse de nouveau la commission du titre de séjour et réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les dépens :
6. La présente instance n'ayant occasionné aucun des frais prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les dépens de l'instance doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1907251 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de saisir de nouveau la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2021.
Le rapporteur,
K. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA04029 2