Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020 sous le numéro 20PA03019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2013328/8 du 21 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêt contesté portant transfert de M. D... A... aux autorités allemandes n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. D... A... ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2020 sous le numéro 20PA03061, le préfet de police demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2013328/8 du 21 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
Les requêtes ont été communiquée à M. D... A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;
- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de M. D... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant somalien né selon ses déclarations le 25 avril 1982, est entré irrégulièrement en France, et a sollicité le 2 juillet 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités suédoises le 1er octobre 2015 et auprès des autorités allemandes le 13 août 2018. Le 3 juillet 2020, le préfet de police a adressé aux autorités allemandes une demande de reprise en charge de M. D... A... en application des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités allemandes ont acceptée le 9 juillet 2020. Le préfet de police a décidé du transfert de M. D... A... aux autorités allemandes par un arrêté en date du 14 août 2020, lequel a été annulé par un jugement du 21 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris dont le préfet de police relève appel.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
3. En application de ces dispositions, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
5. L'arrêté attaqué vise le règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers et mentionne que les critères prévus par le chapitre III n'étant pas applicables à M. D... A..., les autorités allemandes sont responsables de l'examen de sa demande d'asile en application des articles 3 et 18-1 d). Il énonce ainsi les considérations de droit qui en sont le fondement. Il indique ensuite qu'il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. D... A... au moyen du système " EURODAC " que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes le 13 août 2018, que ces autorités ont été saisies le 3 juillet 2020 d'une demande de reprise en charge, que cette demande a été acceptée le 9 juillet 2020, que M. D... A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement UE n° 604/2013, que l'intéressé ne pouvant se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France ni être dans l'impossibilité de retourner en Allemagne, la décision ne porte pas atteinte à sa vie privée et familiale, et enfin qu'il n'existe pas de risque personnel en cas de remise aux autorités de l'Etat responsables de sa demande d'asile. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait qui en sont le fondement. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué pour en prononcer l'annulation.
6. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. D... A... :
7. En premier lieu Mme E... C... ayant reçu délégation du préfet de police en vertu d'un arrêté du 16 juin 2020, régulièrement publié le 23 juin 2020 au recueil des actes administratifs spécial, notamment pour la mise en oeuvre des dispositions permettant de déterminer l'État européen responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, la prise d'arrêtés de transferts et d'arrêtés d'assignations à résidence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... A... s'est vu remettre contre signature, le 3 juillet 2020, les documents intitulés " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) en langue Somali qu'il a déclaré comprendre. La circonstance que le guide du demandeur d'asile, qui lui a été remis de manière surabondante, était rédigé en langue anglaise est sans incidence sur le respect des stipulations précitées. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir reçu ces informations dans une langue qu'il comprend.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1./4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. "
11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... A... a bénéficié d'un entretien individuel le 2 juillet 2020 dans les locaux de la préfecture de police, réalisé en présence d'un interprète en langue somali, langue comprise par l'intéressé, et que celui-ci a reçu le même jour, contre signature, le compte rendu de cet entretien. Cet entretien a par ailleurs été mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police, qui doit être regardé comme un agent qualifié au sens du droit national. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " :
" 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".
13. L'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable ", dispose par ailleurs que : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
14. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
15. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.
16. Les critères du chapitre III du règlement (UE) n°604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté des demandes d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) , c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.
17. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de
M. D... A..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il avait présenté, le 1er octobre 2015 , une demande d'asile aux autorités suédoises, puis, le 13 août 2018, une demande d'asile aux autorités allemandes, qui ont explicitement accepté, le 9 juillet 2020, de reprendre en charge M. D... A... sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile.
18. Par suite, contrairement à ce qu'il soutient la situation de M. D... A... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Il s'ensuit que M. D... A... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Allemagne comme Etat responsable de sa demande d'asile, le préfet de police aurait fait une application erronée des articles 3 et 18 du règlement n° 604/2013.
19. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule par ailleurs que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. Le requérant soutient qu'en cas de transfert vers l'Allemagne il sera renvoyé en Somalie, où encourt des risques pour sa vie compte tenu de la situation d'insécurité généralisée régnant dans ce pays. Toutefois, et même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Allemagne, qui ne présente pas de défaillances systémiques, est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. Par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes ont définitivement rejeté sa demande d'asile. Dans ces conditions, l'existence d'un risque sérieux de renvoi en Somalie de
M. D... A..., qui ne démontre pas qu'il ne serait pas à même d'exercer un recours effectif contre une éventuelle mesure d'éloignement prise par ces mêmes autorités allemandes, n'est pas établie. Le moyen tiré de ce que, pour ce motif, la décision méconnaît les stipulations précitées et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit dès lors être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 14 août 2020 décidant la remise aux autorités allemandes de M. D... A... et lui a enjoint de réexaminer sa situation et de lui remettre une attestation provisoire de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement :
22. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA03019 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 septembre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03061 par laquelle le préfet de police sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03061.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2013328/8 du 21 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par M. D... A... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles le jugement mentionné à l'article 2 a fait droit sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... D... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2021.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20PA03019, 20PA03061