Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 15 septembre 2017, la société Caleco Environnement représentée par la SELARL d'avocats Milliard-Million, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler le lot n° 1 du marché de gestion et d'exploitation des centres de tri et de transfert du SIVM Sud ;
3°) de condamner le SIVM Sud à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de sélection des offres est entachée d'irrégularité dès lors que la société Pacifique Environnement n'était pas présente lors de la visite obligatoire des lieux prévue par l'article 2.4 du règlement particulier d'appel d'offres (RPAO) ;
- la commission d'appel d'offres était irrégulièrement composée dès lors qu'il n'est pas justifié que M. A... B...avait reçu une délégation du président du SIVM pour la présider et que M. D... membre de la commission et gérant de la société CBE qui a rédigé le rapport d'analyse des offres, avait des liens professionnels avec la société Pacifique Environnement ;
- la SIVM Sud aurait dû constater le caractère particulièrement bas de l'offre de la société Pacifique Environnement eu égard notamment à l'obligation de reprise des salariés disposant d'une certaine ancienneté, de l'augmentation des horaires et jours d'ouverture nécessitant d'embaucher de nouveaux salariés et des charges d'entretien très élevées telles que les vidanges.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 11 juillet 2017 et 29 septembre 2017, le Syndicat intercommunal à vocation multiple du Sud (SIVM Sud) représenté par Me C...conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Caleco Environnement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les candidats évincés d'un contrat administratif ne peuvent soulever utilement tous moyens, seuls sont opérants les moyens tirés des irrégularités entachant la passation du contrat qui sont à l'origine directe de l'éviction du candidat ; en l'espèce, dans la mesure où l'offre de la société Caleco Environnement a été rejetée en raison de son prix trop élevé, et dans une moindre mesure en raison de sa politique de formation, seules les irrégularités qui auraient pu aboutir à un classement défavorable sur ces deux critères peuvent être utilement critiquées dans cette instance ;
- le moyen tiré de l'absence de la société Pacifique Environnement à la visite des lieux est inopérant ; le SIVM Sud pouvait prendre en considération la connaissance des sites acquise par la société attributaire dans le cadre de son activité ; en outre, l'offre de la société requérante devrait être regardée comme non conforme au regard de ce critère dès lors qu'elle n'a visité que trois sites sur les quatre faisant l'objet du marché ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de sélection des offres est inopérant ; M. B... avait bien compétence pour présider cette commission ; la société CBE a pu évaluer l'offre de la société Pacifique Environnement de façon tout à fait objective dès lors que cette offre concernait un secteur géographique pour lequel la société CBE n'est jamais intervenue dans le cadre du contrat d'assistance technique conclu avec Pacifique Environnement en 2015 ; compte tenu de l'étroitesse du marché local des déchets et du nombre restreint d'opérateurs agissant en Nouvelle-Calédonie, les relations de travail ponctuelles entre ces opérateurs est inévitable ; l'élimination de la société requérante est fondée sur le prix de son offre, soit une raison purement arithmétique ;
- la société requérante ne saurait soutenir que l'offre de la société Pacifique Environnement aurait dû être éliminée eu égard à son caractère particulièrement bas dès lors qu'aucun critère de sélection des offres ne prévoyait que la structure du prix serait prise en compte dans l'analyse et qu'aucune disposition de la délibération n° 136 ne permet une telle décision lorsqu'une offre est anormalement basse ; l'offre de la société Pacifique Environnement était supérieure non seulement à la moyenne arithmétique du prix des autres offres affectée d'un abattement de 25 % mais également de l'estimation du SIVM Sud affectée du même abattement, le prix proposé n'étant inférieur que de 11 % par rapport à cette estimation ; le prix proposé par la société requérante était considérablement supérieur à celui qu'elle facturait lors du précédent marché.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2017, la société Pacifique Environnement représentée par Me E...conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Caleco Environnement à lui verser la somme de 400 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens développés par la société requérante ne répond aux critères pouvant conduire le juge à prononcer l'annulation du marché litigieux ;
- la société requérante n'apporte aucun élément permettant d'apprécier en quoi la présence de M. B... à la commission d'appel d'offres aurait eu un impact sur son éviction ;
- en ce qui concerne la prétendue partialité de M. D..., gérant de la société CGE, d'une part, le pouvoir adjudicateur n'est pas lié par le rapport d'analyse des offres, d'autre part ce rapport était extrêmement favorable à la société Caleco Environnement qui a obtenu une meilleure note technique que la société Pacifique Environnement, enfin, c'est le critère du prix qui a permis à cette dernière d'être retenue ;
- en ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de visite des lieux, le manquement allégué n'est pas en lien direct avec l'éviction de la société requérante ni avec le choix de la société Pacifique Environnement ; le RPAO ne prévoyait pas d'éviction à raison de l'absence de visite au stade de l'analyse des candidatures ou des offres ; aucune des sociétés n'a pu procéder aux visites prévues le 15 février 2016 ;
- à titre subsidiaire, l'ensemble des vices opposés, à les supposer établis, eu égard à leur nature et compte tenu de l'intérêt général qui s'impose, permettent au juge de décider la poursuite de l'exécution du marché.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;
- la délibération de la commission permanente du congrès n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération modifiée n° 136 du 1er mars 1967 ;
- l'annexe 1 à la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 1er février 2016, le syndicat intercommunal à vocation multiple du Sud (SIVM Sud) a lancé une procédure d'appel d'offres pour un marché portant sur la gestion et l'exploitation des déchetteries de Boulouparis, Bourail, La Foa et Thio dont le lot n° 1 a été attribué à la société Pacifique Environnement. La société Caleco Environnement, candidate évincée, relève appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation du lot n° 1 du marché.
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Les tiers au contrat, autres que le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
3. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
4. La société Caleco Environnement soutient, en premier lieu, que la procédure de sélection des offres est entachée d'irrégularité dès lors que la société Pacifique Environnement n'était pas présente lors de la visite obligatoire des lieux, prévue par l'article 2.4 du règlement particulier d'appel d'offres (RPAO). Toutefois, elle n'établit pas en quoi cette méconnaissance par l'attributaire du lot n° 1 de cette disposition du RPAO, qui aurait d'ailleurs également pu être opposée à sa propre candidature dès lors que le SIVM Sud soutient sans être contredit qu'elle n'a pas effectué les quatre visites obligatoires des sites, serait en lien avec son éviction. Par suite, ce moyen est inopérant.
5. La société requérante soutient, en deuxième lieu, que la commission d'appel d'offres était irrégulièrement composée dès lors qu'il n'est pas justifié que M. A... B...ait reçu délégation du président du SIVM Sud pour assurer sa présidence et que M. D..., membre de la commission et gérant de la société CBE à qui avait été confié le rapport d'analyse des offres, entretenait des liens professionnels avec la société Pacifique Environnement.
6. D'une part, la société Caleco Environnement n'établit ni même n'allègue que la présidence par M. B... de la commission d'appel d'offres serait en lien avec son éviction.
7. D'autre part, si au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, il résulte de l'instruction que le rapport d'analyse des offres a attribué à la société Caleco Environnement une note supérieure ou égale à la société Pacifique Environnement sur tous les critères techniques, à savoir références techniques et professionnelles (coefficient 20 %), moyens humains et matériels (coefficient 20 %), qualification du personnel et politique de formation (coefficient 10 %), à l'exception de la politique d'hygiène, de sécurité et environnement (coefficient 10 %) avec une différence d'un point seulement en sa défaveur et qu'en conséquence, l'attribution du lot à la société Pacifique Environnement est due à une offre moins-disante de cette dernière de 177 861 600 francs CFP contre 254 400 000 francs CFP pour la société Caleco Environnement. Par suite, la circonstance que la société CBE aurait en 2013 et 2014 collaboré avec la société Pacifique Environnement ou subventionnerait une école de rugby dont l'entraîneur est le gérant de la société Pacifique Environnement, est restée sans influence sur l'éviction de la société Caleco Environnement.
8. Aux termes de l'article 27 de la délibération susvisée n° 136 /CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics : " (...) La commission peut également éliminer toute offre considérée comme anormalement basse selon les critères suivants. Une offre est considérée comme telle si cumulativement elle est : - inférieure à la moyenne arithmétique de l'ensemble des offres des candidats agréés à concourir dans le cadre d'une consultation, après application d'un abattement à cette moyenne d'un coefficient de 25 %, - inférieure à l'estimation retenue par le maître d'ouvrage après abattement par application du même coefficient fixé ci-dessus. (...) ".
9. La société requérante soutient, en troisième lieu, que le SIVM Sud aurait dû constater le caractère particulièrement bas de l'offre de la société Pacifique Environnement eu égard notamment à l'obligation de reprise des salariés disposant d'une certaine ancienneté, de l'augmentation des horaires et jours d'ouverture nécessitant d'embaucher de nouveaux salariés et des charges d'entretien très élevées telles que les vidanges. Toutefois, elle ne conteste pas les motifs du jugement attaqué qui a relevé que le prix de l'offre de la société Pacifique Environnement, était supérieur non seulement à la moyenne arithmétique du prix des autres offres après application d'un abattement de 25 %, mais également à l'estimation du SIVM Sud corrigée du même abattement. Par suite, c'est à bon droit qu'il a jugé qu'en application des dispositions précitées, il n'appartenait pas au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre de cette société comme anormalement basse.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Caleco Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation du lot n° 1 du marché de gestion et d'exploitation des déchetteries de Boulouparis, Bourail, La Foa et Thio.
Sur les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le SIVM Sud, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la société Caleco Environnement la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche, de condamner la société Caleco Environnement à verser une somme de 1 500 euros respectivement au SIVM Sud et à la société Pacifique Environnement sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Caleco Environnement est rejetée.
Article 2 : La société Caleco Environnement versera une somme de 1 500 euros respectivement au SIVM Sud et à la société Pacifique Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caleco Environnement, au Syndicat intercommunal à vocation multiple du Sud (SIVM Sud) et à la société Pacifique Environnement. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juin 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. HEERS
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°°17PA01309 4