Par un jugement n° 2012864/3-2 du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2021, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2012864/3-2 du 9 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a retiré le certificat de résidence algérien valable du 10 août 2019 au 9 août 2029, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de retrait du certificat de résidence :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien dès lors que la fraude n'est pas établie ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de retrait du certificat de résidence ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision de retrait du certificat de résidence.
Par une ordonnance du 22 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2021 à 12 h.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Des pièces ont été produites pour M. E... par Me D... le 14 mai 2021 à 23 h 56, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me D..., avocat de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien né le 23 juin 1983, s'est vu délivrer un certificat de résidence en date du 21 novembre 2019, valable du 10 août 2019 au 9 août 2029, sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 24 juillet 2020, le préfet de police a procédé au retrait de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. M. E... relève appel du jugement du 9 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de retrait du titre de séjour :
2. En premier lieu, M. E... reprend les moyens, soulevés en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ces points. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens ainsi réitérés devant la cour.
3. En deuxième lieu, au titre de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) (...) / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".
4. Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.
5. M. E... est entré en France en 2015, bénéficiant alors d'un visa " C ". Il a rencontré Mme F... en octobre 2017, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 20 mars 2018, puis M. E... et Mme F... se sont mariés le 6 août 2018. A la suite et en conséquence de cette union, M. E... a obtenu un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ", valable du 10 août 2018 au 9 août 2019. Le 21 novembre 2019, il s'est vu délivrer un nouveau certificat de résidence, valable cette fois-ci du 10 août 2019 au 9 août 2029. Le requérant reconnait avoir passé la soirée et la nuit du 21 au 22 novembre 2019 hors du domicile conjugal puis avoir quitté le domicile conjugal le 27 novembre 2019, moins d'une semaine après l'obtention de ce certificat. Le 24 décembre 2019 Mme F... a déposé une main courante pour suspicion de mariage gris, en mentionnant le changement radical du comportement de M. E... dès qu'il a obtenu ce certificat de résidence de dix ans, et son propre sentiment d'avoir été victime de malhonnêteté de la part de ce dernier. Elle a ensuite produit des déclarations concordantes, lors de l'enquête de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne dans le cadre de laquelle elle a été entendue le 5 mars 2020. Elle a alors évoqué l'empressement constant de M. E..., qui a tenu à s'installer chez elle au début de janvier 2018, trois mois après leur rencontre dans les transports en commun, puis à conclure un PACS deux mois plus tard en mars 2018 et ensuite se marier dès le mois d'août 2018, après qu'il lui ait expliqué que sous le régime du PACS il devrait attendre cinq ans pour régulariser sa situation ce qui était trop long. Elle a aussi souligné le changement radical du comportement de M. E..., qui a déserté le domicile conjugal le soir même et la nuit ayant suivi le jour où il a obtenu son certificat de résidence de dix ans, puis a ensuite tout à fait quitté le domicile conjugal moins d'une semaine plus tard au motif qu'il " en avait marre .. et de toute façon il avait obtenu ce qu'il voulait ". Si, postérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige, les époux exposent désormais une explication concordante sur la cause du départ soudain de M. E..., qui serait lié à une mésentente avec la fille de Mme F..., il ressort des pièces du dossier que cette dernière se trouvait en fin de grossesse et que cette mésentente a été provoquée par le refus de M. E... à la proposition faite par Mme F... que sa fille réside chez le couple pour s'y reposer et éviter ainsi de se retrouver de nouveau confrontée à une situation difficile vécue lors d'une précédente grossesse. Et le courrier daté du 6 octobre 2020 par lequel Mme F... revient sur son dépôt de plainte et ses déclarations concordantes faites lors de son audition intervenue trois mois et demi après le dépôt de plainte et expose qu'elle aurait " agi à chaud et ne remettait nullement en cause la sincérité des sentiments de Monsieur E... ", est postérieur non seulement à l'arrêté en litige mais également à la réception du mémoire en défense produit le 30 septembre 2020 par le préfet de police devant le tribunal administratif, et en tout état de cause ne saurait justifier que M. E... ait pu quitter le domicile conjugal dès qu'il a obtenu son certificat de résidence de dix ans.
6. Ainsi, les quelques témoignages, photos et échanges de messages produits devant la Cour n'ont pas de valeur probante suffisante, dans les circonstances décrites ci-dessus, qui permettraient de démontrer la sincérité de l'engagement de M. E... dans le mariage. Au contraire, le caractère récent du mariage, le délai extrêmement court écoulé entre l'obtention du certificat de résidence et le départ de M. E... du foyer conjugal, les déclarations initiales de Mme F... auprès des services de police et les récits contradictoires des deux époux, sont suffisants pour démontrer l'intention frauduleuse de M. E.... A cet égard, ni les récents courriers de Mme F... et de sa fille, en date du 23 décembre 2020, ni les allégations selon lesquelles la communauté de vie aurait repris, ne permettent de remettre en doute le caractère frauduleux de l'obtention du certificat.
7. En troisième lieu, aux termes l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
8. M. E... est entré en France en octobre 2015. Il se prévaut de son droit à une vie privée et familiale sur le territoire français, toutefois, tel qu'il a été dit au point 6, il ressort des pièces du dossier que le requérant a contracté un mariage frauduleux. En outre, M. E... est sans charge de famille en France et ne justifie pas être démuni de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et sa fratrie, et où il ne conteste d'ailleurs pas se rendre régulièrement. Par ailleurs, si M. E... a bénéficié de plusieurs emplois depuis 2016, il ne ressort pas des avis d'impositions, eu égard notamment au faible montant des revenus qu'il en retire, que le requérant connait une forte intégration professionnelle. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En dernier lieu, M. E... reprend le moyen, soulevé en première instance, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du retrait du titre de séjour sur sa situation personnelle sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen ainsi réitéré devant la cour.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. Les moyens dirigés contre la décision portant retrait du certificat de résidence ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par M. E... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être qu'écartée. Ainsi le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Les moyens dirigés contre la décision portant retrait du certificat de résidence ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par M. E... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut être qu'écartée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente,
- Mme C..., première conseillère,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
L'assesseur le plus ancien,
A. C...
Le président-rapporteur,
H. B...
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00018 2