3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son intérêt à agir est caractérisé par la sous-évaluation de son propre poids et la sur-évaluation de celui des autres organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par l'arrêté en litige ;
- l'arrêté du 26 juillet 2017 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de justification du recueil effectif de l'avis du Haut Conseil du dialogue social ; le " procès-verbal " de la réunion du 19 juillet 2017 produit est un simple projet et ne comporte en tout état de cause aucun élément attestant de l'examen des résultats dans la convention collective nationale des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers ;
- l'arrêté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de toute vérification par les services ministériels des informations produites par le syndicat national des médecins biologistes (SNMB) à l'appui de son dossier de candidature ; les éléments de réponse qui ont été apportés sont en contradiction avec les statuts de cette organisation, dont ne peuvent être membres que des personnes physiques, et ne constituent en tout état de cause pas une vérification des données revendiquées par l'organisation candidate ;
- le nombre de salariés pris en compte pour le SNMB est manifestement et substantiellement erroné, voire insincère, dès lors que cette organisation était en 4ème et dernière position des quatre syndicats de biologistes médicaux libéraux considérés comme représentatifs, selon une enquête de représentativité menée sur les données arrêtées au 31 décembre 2013 sur le fondement de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale ; cette enquête faisait également apparaître une baisse constante du nombre d'adhérents au SNMB entre 2010 et 2013 ainsi que 309 adhérents toutes catégories confondues, y compris biologistes médicaux salariés, internes ou retraités au 31 décembre 2013, ce qui rend le chiffre de 315 adhérents employeurs au 31 décembre 2014 hautement improbable ; à supposer que le nombre d'adhérents soit exact, le nombre de salariés revendiqués est à tout le moins insincère dès lors qu'il suppose un ratio de 42 salariés par laboratoire, alors que la moyenne est de 8 salariés par biologiste médical libéral associé ou non et que le ratio de salariés par entreprise varie entre 9, 4 et 25 ; le SNMB regroupe en outre principalement des adhérents exerçant dans des petites structures ; il apparaît donc probable que le SNMB ait rattaché à ses adhérents, même non associés, l'ensemble des salariés de la société ou du groupe de société dans laquelle ou lequel ils exercent ou que les salariés concernés aient été pris en compte au titre de plusieurs adhérents ; il ressort des écritures du SNMB qu'il a rattaché à ses adhérents biologiste-responsable ou co-responsable au sens de l'article L. 6213-7 du code de la santé publique l'ensemble des salariés rattachés à la structure ; la même question se pose pour le syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) qui déclare 39 adhérents représentant 6 119 salariés, soit un ratio de 157 salariés par entreprise ;
- l'appréciation de l'audience " salariés " des organisations reconnues représentatives est entachée d'une erreur manifeste ;
- en l'absence d'éléments précis apportés en défense et alors que l'avis défavorable rendu par la commission d'accès aux documents administratifs sur la demande qui avait été formée n'était pas fondé, il appartiendra à la Cour soit de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour obtenir les documents justifiant de la sincérité et de la réalité des données prises en compte par l'arrêté du 26 juillet 2017 (notamment les rapports d'instruction des dossiers de candidature et tout autre document préparatoire), soit de tirer toutes les conséquences du refus des défendeurs d'apporter les justifications requises en annulant l'arrêté en litige ;
- l'arrêté en litige procède d'une rupture d'égalité de traitement, en l'absence de toute justification du caractère objectif, non discriminatoire et fiable de la détermination du poids respectif des organisations reconnues représentatives.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2018, le syndicat national des médecins biologistes (SNMB), représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat des biologistes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le syndicat des biologistes n'a pas d'intérêt à agir contre l'article 2 de l'arrêté du 26 juillet 2017 fixant le poids respectif des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dès lors qu'aucune de ces organisations n'atteint le seuil de 50 % prévu à l'article L. 2261-19 du code du travail permettant de s'opposer à l'extension d'une convention ou d'un accord ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2018 et le 21 mai 2019, la ministre du travail demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de supprimer, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administration, les passages du mémoire présenté pour le syndicat des biologistes enregistré le 10 octobre 2018 en page 8, 22°, en page 4, 26°, en page 7, 28° et en page 11, 34°.
Elle soutient que :
- la demande de communication des dossiers de candidature des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives est irrecevable puisqu'il appartenait au SDB de contester devant le tribunal le refus de communication ; elle est en tout état de cause non fondée puisque les documents en cause ne sont pas communicables à des tiers ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les passages identifiés du mémoire enregistré le 10 octobre 2018 revêtent un caractère injurieux et outrageant.
La requête a été communiquée au syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC), qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me A...de la SCP Lussan et associés, avocat du syndicat des biologistes,
- et les observations de Me Poupot, avocat du syndicat national des médecins biologistes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 26 juillet 2017, la ministre du travail a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers (0959). L'article 1er de cet arrêté reconnaît comme représentatifs le Syndicat des biologistes (SDB), le Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) et le Syndicat national des médecins biologistes (SNMB). L'article 2 prévoit que, pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du code du travail, le SDB dispose d'un poids de 30,58 %, le SLBC d'un poids de 21,87 % et le SNMB d'un poids de 47,55 %. Par un courrier reçu le 3 octobre 2017, le SDB a saisi la ministre d'une demande de retrait de l'arrêté du 26 juillet 2017. Par la présente requête, le SDB doit être regardé comme demandant l'annulation, à titre principal, de l'intégralité de l'arrêté du 26 juillet 2017 pour vice de procédure, à titre subsidiaire, de l'article 2 de ce même arrêté pour erreur d'appréciation ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 3 décembre 2017.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, si l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2017 ne fait pas grief au SDB en tant qu'il le reconnaît comme organisation professionnelle d'employeurs représentatives au sein de la branche concernée, le syndicat requérant dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de cet article 1er en tant qu'il reconnaît représentatives deux autres organisations professionnelles d'employeurs, comme à l'encontre de l'article 2 de cet arrêté fixant le poids respectif des trois organisations concernées pour l'application de l'article L. 2261-19 du code du travail. La fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du SDB opposée par le syndicat national des médecins biologistes doit dès lors être écartée.
3. En second lieu, si la ministre du travail soutient à raison que la Cour n'est pas compétente pour connaître du litige relatif à sa décision refusant au SDB la communication de certains documents administratifs, le syndicat requérant ne présente pas de conclusions tendant à l'annulation de cette décision mais invite la Cour à ordonner une mesure d'instruction. La fin de non-recevoir opposée ne peut par suite être accueillie.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. (...) " et aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs :/ 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;/ 2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2152-6 du code du travail : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 2152-18 : " Le ministre chargé du travail présente au Haut Conseil du dialogue social les résultats enregistrés et le consulte sur la liste des organisations professionnelles d'employeurs représentatives par branche et au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel ". L'article R. 2122-5 du même code dispose enfin que : " Les avis du Haut Conseil du dialogue social, requis en application de la loi, sont retracés dans le compte rendu des séances ".
6. L'arrêté du 26 juillet 2017 vise la présentation des résultats de l'audience au Haut Conseil du dialogue social le 26 avril 2017 et l'avis rendu par cette instance le 19 juillet 2017. Si la ministre du travail a produit les comptes rendus des séances des 26 avril et 19 juillet 2017, ces documents ne comportent, ainsi que le fait valoir le SDB dans son mémoire en réplique, aucune mention relative à l'examen par le Haut Conseil du dialogue social des résultats de la mesure de l'audience dans la convention collective nationale des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers. Bien que le mémoire en réplique du syndicat requérant ait été communiqué à la ministre du travail, celle-ci n'a produit en réponse aucun nouvel élément. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'avis du Haut Conseil du dialogue social aurait été recueilli préalablement à l'édiction de l'arrêté du 26 juillet 2017, comme l'exigent les dispositions précitées du code du travail. Compte tenu en particulier des résultats d'audience " entreprises " et " salariés " retenus respectivement pour les organisations concernées, le vice affectant le déroulement de la procédure préalable à la fixation de la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives et à la détermination de leur poids respectif a été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise. L'arrêté du 26 juillet 2017 est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que le SDB est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2017, en tant qu'il reconnaît comme représentatifs le SLBC et le SNMB, de l'article 2 de ce même arrêté et, par voie de conséquence, de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cet acte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
8. Les passages du mémoire du SDB enregistré le 10 octobre 2018 identifiés par la ministre du travail n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ministre présentées sur le fondement des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDB, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le SNMB.
10. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, la somme de 1 500 euros à verser au SDB au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2017, en tant qu'il reconnaît comme représentatifs le syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) et le syndicat national des médecins biologistes (SNMB), l'article 2 de ce même arrêté et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par le syndicat des biologistes (SDB) sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au syndicat des biologistes (SDB) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des biologistes, à la ministre du travail, au syndicat des laboratoires de biologie clinique et au syndicat national des médecins biologistes.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA00365