Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2019, l'association tutélaire de protection 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... sous tutelle, représentée par Me I..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 13 décembre 2016 de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône rejetant le recours formé contre la décision du 26 mai 2016 du conseil départemental des Bouches-du-Rhône refusant l'admission de Mme F... veuve B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement ;
2°) d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône d'admettre Mme F... veuve B... le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement rétroactivement, à compter de mars 2016 ;
3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à compter du mois de mars 2016, Mme F... veuve B... ne disposait plus suffisamment de ressources pour s'acquitter de ses frais d'hébergement, ainsi l'aide sociale à l'hébergement doit lui être accordée à compter du 1er mars 2016 ;
- la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles ; les contributions mises à la charge des débiteurs d'aliments sont mises en recouvrement par les services du département ; en cas de désaccord des obligés alimentaires sur leur participation, le juge aux affaires familiales peut être saisi par le département, et la décision de ce dernier est opposable aux intéressés à compter de sa date d'effet ; la décision du 26 mai 2016 du département précisait qu'à défaut d'entente entre les débiteurs l'autorité judiciaire est seule compétente pour fixer la part de chacun, et cependant le département n'a pas notifié cette décision aux obligés alimentaires, ces derniers ayant été informés des sommes qu'ils devaient verser par la requérante en mars 2017, date à partir de laquelle seulement certains d'entre eux se sont acquittés, en tout ou partie, des sommes fixées par la commission ;
- le juge aux affaires familiales, saisi par la requérante, a statué sur la contribution de chacun des obligés alimentaires seulement par un jugement du 4 juillet 2019 ;
- le conseil départemental doit donc admettre Mme F... veuve B... à l'aide sociale à compter du 1er mars 2016 et payer l'intégralité de la dette ayant résulté de la partie non couverte par ses revenus et par les pensions alimentaires versées à compter de mars 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2020, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'association tutélaire de protection 13 la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle est dépourvue de moyens ;
- la demande n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... veuve B... est hébergée depuis le 15 janvier 2015 au sein de la maison de retraite " la Bosque d'Antonelle " à Aix-en-Provence. L'association tutélaire de protection 13 (ATP 13), agissant en son nom en tant que tutrice, a demandé au département des Bouches-du-Rhône une prise en charge de ses frais d'hébergement au titre de l'aide sociale à compter du 1er mars 2016. Une décision de rejet lui a été opposée le 26 mai 2016, au motif que ses ressources et éventuellement la contribution de ses obligés alimentaires couvrent ses frais de séjour. Par une décision du 13 décembre 2016 notifiée le 25 février 2017, dont l'ATP 13 relève appel, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours formé par l'ATP 13 contre la décision du président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, au motif que les ressources de Mme F... veuve B..., constituées d'une pension de retraite de 1 287,85 euros et d'une participation familiale à hauteur de 1 363,98 euros, sont suffisantes pour couvrir ses frais de séjour.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône :
2. La requête de l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... contient l'exposé des faits et moyens soulevés à l'appui de ses conclusions. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône, tirée de ce qu'elle serait dépourvue de moyens, doit être écartée.
Sur le bien-fondé de la demande d'aide sociale à l'hébergement :
3. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ". Aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part d'aide sociale ".
4. Il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de déterminer dans quelle mesure les frais d'hébergement des personnes âgées dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont pris en charge par les collectivités publiques au titre de l'aide sociale. Il a également compétence pour fixer, au préalable, le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et, le cas échéant, de ses débiteurs alimentaires. En revanche, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses. Dans le cas où cette autorité a, par une décision devenue définitive, statué avant que le juge de l'aide sociale ne se prononce sur le montant de la participation des obligés alimentaires, ce dernier est lié par la décision de l'autorité judiciaire.
En ce qui concerne la période courant à compter du 4 juillet 2019, date d'effet de la décision du juge aux affaires familiales :
5. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 4 juillet 2019, le juge aux affaires familiales de Marseille, qui avait été saisi le 14 février 2018 par l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B..., a fixé à 1 308 euros le montant de la contribution totale des obligés alimentaires de Mme F... veuve B... aux frais d'hébergement de l'intéressée s'élevant à 2 478 euros, et a assigné à chacun des intéressés le montant de leur participation à ces dépenses. Ainsi, le juge aux affaires familiales a condamné M. E... et Mme B... épouse E... à acquitter chaque mois 300 euros, M. B... et Mme A... épouse B... 425,77 euros, M. B... et Mme G... épouse B... 336,55 euros, Mme C... B... 121,95 euros et Mme H... B... 123,73 euros, les montants de ces contributions étant indexés sur l'indice national des prix à la consommation. Dans ces conditions, et compte tenu des ressources propres de 1 170 euros de Mme F... veuve B..., son état de besoin n'est pas établi à compter du 4 juillet 2019, date de la prise d'effet de la décision du juge aux affaires familiales.
En ce qui concerne la période antérieure au 4 juillet 2019, date d'effet de la décision du juge aux affaires familiales :
6. Par sa décision du 13 décembre 2016 notifiée le 25 février 2017, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a confirmé le rejet opposé par le département des Bouches-du-Rhône à la demande d'aide sociale présentée par Mme F... veuve B... au motif que les ressources propres de cette dernière constituées d'une pension de retraite de 1 287,85 euros, augmentées de la participation de ses obligés alimentaires à ses frais d'hébergement à concurrence de 1 363,98 euros, permettent de couvrir ces frais, évalués à 1 919,29 euros par cette décision.
S'agissant de la période courant à compter du 26 février 2017, lendemain de la date de la notification de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône :
7. La commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône, en fixant la participation des obligés alimentaires à la somme de 1 363,98 euros dans sa décision du 13 décembre 2016, a mis l'intéressée en mesure de percevoir effectivement leur participation sans délai après la notification de cette décision. Ainsi, dès le lendemain de la date du 25 février 2017 à laquelle la décision de la commission départementale d'aide sociale lui a été notifiée, il était loisible à Mme F... veuve B... ou à l'ATP 13 agissant en son nom de saisir, au besoin, l'autorité judiciaire d'une demande tendant à ce que cette dernière assigne à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant de leur participation aux dépenses d'hébergement de l'intéressée ainsi que le paiement de cette participation à compter de la date de sa saisine. Par suite cette décision, en tant qu'elle confirme le rejet de la demande d'aide sociale pour la période du 26 février 2017 au 3 juillet 2019, ne méconnaît pas la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles. Dès lors, et en l'absence de tout élément contraire, l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... n'est pas fondée à demander l'admission de cette dernière à l'aide sociale à l'hébergement au titre de cette période.
S'agissant de la période, antérieure à la date de la notification de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône, courant du 1er mars 2016 au 25 février 2017 :
8. D'une part, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône, qui devait tenir compte de la situation de fait existant à la date à laquelle elle statuait, a entaché sa décision d'une erreur de droit en postulant une participation des obligés alimentaires sur la période allant du 1er mars 2016 à la date de la notification de sa décision, alors qu'il apparaissait qu'aucune contribution n'avait été ou ne serait versée spontanément par les enfants de Mme F... veuve B... et que, le créancier d'aliments ne pouvant, en principe, réclamer devant le juge civil le versement d'une participation des obligés alimentaires pour la période antérieure à sa demande, ils ne pourraient être contraints à aucune participation au titre de l'obligation alimentaire pour une période antérieure à la date d'effet d'une décision de l'autorité judiciaire.
9. D'autre part, le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a méconnu la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles en rejetant la demande d'aide sociale au motif que les ressources de Mme F... veuve B... " et éventuellement la contribution de ses obligés alimentaires " permettraient d'assurer le paiement de ses frais de séjour, alors qu'il lui appartenait de fixer la contribution de l'ensemble des obligés alimentaires aux frais d'hébergement de cette dernière pour vérifier si leur participation, ajoutée à ses ressources propres, permettait de couvrir ses frais d'hébergement, ou à défaut et au besoin, en cas de carence de l'intéressée malgré celle de l'un ou plusieurs de ses obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir l'autorité judiciaire pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant.
10. A cet égard, le département ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il a, le 8 mars 2017, pris une nouvelle décision rejetant la demande d'aide sociale de Mme F... veuve B... dans laquelle il précisait qu'il retenait une participation financière des obligés alimentaires à hauteur d'un total de 1 363, 98 euros, dès lors que cette décision est postérieure à la notification de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône en litige et de plus, selon ses termes, ne concerne que la période " du 1/03/16 au 1/03/16 ".
11. Enfin, il résulte de l'instruction que les ressources propres de Mme F... veuve B..., constituées de sa pension de retraite, étaient insuffisantes pour couvrir ses frais d'hébergement pendant la période du 1er mars 2016 au 25 février 2017. Dès lors, l'état de besoin de Mme F... veuve B... pour régler ses frais d'hébergement est établi sur cette période.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... est seulement fondée à soutenir que cette dernière doit être admise à l'aide sociale à l'hébergement au titre de la période du 1er mars 2016 au 25 février 2017, et à demander pour ce motif l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 13 décembre 2016 et de celle du président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône en date du 26 mai 2016 en tant qu'elles ont rejeté, dans cette mesure, sa demande d'admission à l'aide sociale.
13. Il y a lieu de renvoyer l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... devant le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, en vue de la détermination du déficit constaté pendant la période du 1er mars 2016 au 25 février 2017 entre, d'une part, les ressources perçues par l'intéressée diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, augmentées du montant total des participations que tout ou partie des obligés alimentaires de l'intéressée ont effectivement versées pour couvrir ses frais d'hébergement au titre de la période antérieure à la date d'effet de la décision du juge aux affaires familiales, et, d'autre part, les frais de son hébergement au sein de la maison de retraite " la Bosque d'Antonelle", et du paiement de la somme ainsi calculée.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser au département des Bouches-du-Rhône la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône le paiement à l'ATP 13, agissant au nom de Mme F... veuve B..., de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône du 13 décembre 2016 et la décision du président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône du 26 mai 2016 sont annulées en tant qu'elles ont rejeté la demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement de Mme F... veuve B... pendant la période du 1er mars 2016 au 25 février 2017.
Article 2 : Mme F... veuve B... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement pendant la période du 1er mars 2016 au 25 février 2017. L'ATP 13 agissant au nom de Mme F... veuve B... est renvoyée devant le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône pour la détermination et le paiement de la somme due à ce titre.
Article 3 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à l'ATP 13, agissant au nom de Mme F... veuve B..., la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, et les conclusions du département des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association tutélaire de protection 13, au département des Bouches-du-Rhône et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03187