Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1713785/8 du 9 septembre 2017 du magistrat délégué par le président duTribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le requérant n'avait pas soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- les autres moyens soulevés par M. C...en première instance n'étaient pas fondés.
La requête a été communiquée au M.C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003,
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Luben a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police relève appel du jugement du 9 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2017 décidant du transfert de M. C...aux autorités italiennes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté du préfet de police du 21 août 2017 par lequel le préfet de police a décidé de transférer M. C...aux autorités italiennes, le magistrat délégué a retenu que la décision en litige avait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. En se fondant sur un tel vice de procédure, qui n'est pas d'ordre public, alors que M. C...n'avait pas soulevé ce moyen, le tribunal administratif a entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que le jugement attaqué doit, pour ce motif, être annulé.
3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du 21 août 2017.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. En premier lieu, aux termes l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur (...) l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles (...) et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert (...). 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".
5. Les circonstances, à les supposer établies, que, d'une part, l'arrêté litigieux a été notifié à M. C...dans une langue qu'il ne comprend pas et, d'autre part, que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix n'aurait pas été porté à sa connaissance au moment de la notification de la décision contestée, sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du règlement du 2 septembre 2003 : " 1. Une requête aux fins de prise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe I. "
7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a requis l'Italie aux fins de prise en charge du requérant, selon le modèle figurant à l'annexe I du règlement CE 1560/2003 du 2 septembre 2003. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 manque en fait.
8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. /(..) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) ". Il ressort des dispositions de cet article que l'entretien individuel qu'elles prévoient n'a pour objet que de permettre de déterminer l'Etat responsable d'une demande d'asile et de veiller, dans l'hypothèse où les dispositions de l'article 4 du même règlement trouvent à s'appliquer, à ce que les informations prévues par cet article ont été comprises par l'intéressé. La tenue de cet entretien ne présente pas un caractère obligatoire si l'administration dispose d'éléments d'information suffisants pour déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".
9. Il ressort des pièces du dossier qu'un entretien individuel avec M. C...a été conduit le 18 janvier 2017 à la préfecture de police par un fonctionnaire du 10ème bureau de la direction de la police générale chargé de l'asile ; par suite, l'entretien a été menée par une personne qualifiée, nonobstant l'absence de la mention de l'agent ayant procédé à cet entretien. En outre, si, comme le relève M.C..., le compte rendu dudit entretien ne comporte ni le nom et les coordonnées de l'interprète, l'omission de telles indications ne saurait être regardée comme ayant privé M. C...d'une garantie et n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat initialement désigné comme responsable parce qu'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Enfin, aux termes de l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ".
11. M. C...n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il serait exposé à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en Italie, que l'Italie présenterait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités italiennes conformément aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 août 2016 décidant la remise aux autorités italiennes de M.C.... Les conclusions de M. C...à fins d'annulation, ainsi que celles à fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1713785/8 du magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris du 9 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
I. LUBEN Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLOLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03283