Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20PA02307 le 17 août 2020 et un mémoire enregistré le 15 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2009110/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif ne pouvait lui enjoindre de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, la situation de l'intéressé relevant de la procédure accélérée ;
- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que son arrêté prononce la remise aux autorités néerlandaises de M. A... et non son renvoi en Afghanistan et qu'en conséquence, le moyen tiré des risques de persécutions dans le pays d'origine est inopérant ; M. A... ne démontre pas l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile aux Pays-Bas ; les autorités néerlandaises ayant accepté la reprise en charge de l'intéressé, l'éventuelle mesure d'éloignement qu'elles ont pu prendre antérieurement à cet accord doit être regardée comme devenue caduque ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés ;
- l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet de police ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de police a exécuté le jugement rendu le 29 juillet 2020 en lui délivrant une attestation de demandeur d'asile en procédure accélérée valable du 31 juillet 2020 au 30 janvier 2021, que sa demande d'asile a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 20 août 2020 ;
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- l'arrêté du 16 juin 2020 méconnaît les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013, l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que le préfet de police s'est cru en situation de compétence liée ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- l'administration n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté contesté est dépourvu de base légale dès lors que seul, l'article 18.1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 pouvait s'appliquer ;
- il méconnaît l'article 5 et l'article 35 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles L. 111-8 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît également l'article 4 de la directive (UE) " procédure " n°2013/32.
M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judidiaire de Paris.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20PA02326 le 19 août 2020 et un mémoire enregistré le 15 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2009110/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de police ne justifie pas que l'exécution du jugement entraînerait des conséquences difficilement réparables pour l'administration alors que l'inexécution du jugement entraînerait des conséquences disproportionnées à l'égard du requérant ;
- l'administration a déjà exécuté le jugement rendu le 29 juillet 2020, en lui délivrant une attestation de demandeur d'asile en procédure accélérée valable du 31 juillet 2020 au 30 janvier 2021 ;
- les moyens soulevés par le préfet de police ne présentent pas de caractère sérieux.
M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judidiaire de Paris.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant afghan, a présenté le 14 février 2020 une demande de protection internationale. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées le 2 décembre 2015 et le 29 août 2018 par les Pays-Bas, le préfet de police a saisi le 17 février 2020 les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 1 d) du règlement (UE) n° 604/2013. Par un accord explicite du 21 février 2020, les autorités néerlandaises ont accepté leur responsabilité. Par un arrêté du 16 juin 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités néerlandaises. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. A..., cet arrêté et demande, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20PA02307 et n° 20PA02326, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA02307 :
- En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer :
3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.
4. Pour assurer l'exécution du jugement du 29 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à M. A... une attestation de demande d'asile valable du 31 juillet 2020 au 30 janvier 2021. Ni une telle mesure d'exécution, ni la circonstance que la demande d'asile présentée par M. A... soit en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne privent d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. A... ne peut être accueillie.
- Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
5. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " (...) chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Pour annuler l'arrêté en litige au motif que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitées, le premier juge s'est fondé sur l'appréciation selon laquelle M. A... serait obligé, en cas de renvoi dans son pays d'origine, de passer par Kaboul, seul point d'entrée sur le territoire afghan par voie aérienne depuis l'étranger où il se trouverait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants prohibés par ces stipulations et sur celle selon laquelle sa demande d'asile ayant été définitivement rejetée par les autorités néerlandaises, il existe une forte probabilité qu'il sera éloigné vers l'Afghanistan en cas de transfert de sa demande d'asile aux Pays-Bas. Cependant, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé aux Pays-Bas et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, les Pays-Bas, Etat membre de l'Union européenne, sont partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques aux Pays-Bas dans la procédure d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, même à supposer établie la circonstance que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, que les autorités néerlandaises n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 16 juin 2020 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et la Cour.
- Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :
8. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
9. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
10. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.
11. Il ressort de ces jurisprudences que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement.
12. La décision de transfert en litige vise, notamment, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. A..., de nationalité afghane, a demandé l'asile en France le 14 février 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités néerlandaises le 2 décembre 2015 et le 29 août 2018, expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités néerlandaises doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, précise que ces autorités ont été saisies le 17 février 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et ont fait connaître leur accord le 21 février 2020 sur le fondement de l'article 18-1-d de ce règlement. Ainsi, au regard des précisions apportées par l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil, rappelées au point 9, la décision expose, de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit le préfet de police à estimer, sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que les Pays-Bas sont responsables de l'examen de la demande d'asile de M. A....
13. Au surplus, la décision en litige indique qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet de police, qui comme il a été dit a procédé à l'examen de la situation de M. A... notamment au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne s'est pas cru en situation de compétence liée pour ordonner le transfert de l'intéressé aux autorités néerlandaises.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre contre signature, le 11 février 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), et le guide du demandeur d'asile, et le 14 février 2020, la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), ainsi que la brochure Eurodac, que ces documents lui ont été remis en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre ainsi qu'il ressort de la notice d'information qu'il a signée le 11 mars 2020. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.
17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2013/32/UE : " 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive ".
18. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un tel entretien le 14 février 2020 dans les locaux de la préfecture de police et que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, comme il a déjà été dit. M. A... a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par ailleurs, M. A... ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. A... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. A... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2013/32/UE doit être écarté.
19. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".
20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié lors de l'entretien individuel avec l'agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police du 14 février 2020, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue dari de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Le requérant soutient que la nécessité de recourir à une assistance par voie téléphonique n'est pas établie et qu'il a été privé d'une garantie du fait du recours à ce moyen de télécommunication. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de l'entretien individuel, que M. A... aurait eu des difficultés de compréhension et d'interaction avec l'interprète ou des difficultés de communication avec l'agent ayant mené l'entretien. M. A... n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
21. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Toute décision de transfert (...) est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".
22. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet de police a prononcé le transfert de M. A... aux autorités néerlandaises a été notifiée à l'intéressé le 16 juin 2020 à l'issue d'un entretien mené en présence d'un interprète en langue dari, langue comprise par l'intéressé comme il a déjà été dit. En tout état de cause, les conditions de notification de la décision en litige sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
23. En septième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ".
24. Comme il a déjà été dit, M. A..., a été reçu par les services de la préfecture le 14 février 2020. Le préfet de police a saisi le 17 février 2020 les autorités néerlandaises d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... sur la base des résultats du système Eurodac communiqués le 11 février 2020 comme en atteste l'accusé de réception en provenance du point national néerlandais. Ainsi, les autorités néerlandaises ont été régulièrement saisies. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises dans les délais impartis par les dispositions précitées, doit être ainsi écarté.
25. En huitième lieu, M. A... soutient que la décision en litige serait dépourvue de base légale dès lors que le préfet de police ne pouvait saisir les autorités néerlandaises sur le fondement des dispositions du b) de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ces autorités ayant déjà rejetée sa demande d'asile ainsi qu'il le faisait valoir lors de son entretien. Cependant, il ressort des motifs de l'arrêté que le préfet de police a fondé la décision de transfert en litige sur les dispositions de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013, ainsi qu'il a été dit au point 12. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté comme manquant en fait.
26. En neuvième lieu, M. A... soutient qu'il souffre de troubles psychiatriques importants et que son transfert aux autorités néerlandaises entraînera une rupture des soins médicaux dont les conséquences seront d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Cependant, la seule production d'ordonnances médicales prescrivant des anxiolytiques, dont certaines sont établies au nom de son frère, d'une attestation du 8 juin 2020 établie par le centre d'accueil et d'évaluation des situations de Nanterre indiquant que l'état de santé de l'intéressé serait susceptible de se dégrader rapidement en cas de rupture de son traitement et d'une attestation du 8 juin 2020 d'une psychologue clinicienne indiquant la nécessité d'une prise en charge psychiatrique globale, systématique et continue, ces éléments ne sont pas de nature à établir que M. A... serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de remise aux autorités néerlandaises alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est même pas allégué qu'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé serait impossible aux Pays-Bas. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne citées au point 5 du présent arrêt, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'appliquer les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
27. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 juin 2020 décidant la remise aux autorités néerlandaises de M. A..., lui a enjoint de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :
28. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA02307 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02326 par laquelle le préfet de police sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais de l'instance :
29. Les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au conseil de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02326 du préfet de police.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2009110/8 du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public part mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA02307, 20PA02326