Par une requête en date du 4 septembre 2017, complétée le 29 août 2018, M. B..., agissant en tant que mandataire judiciaire de Mme A... D..., a demandé à la commission centrale d'aide sociale de bien vouloir réétudier le dossier de Mme D... pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 15 mai 2016, date de sa première demande.
Il soutient que :
- les revenus mensuels de Mme D... ajoutés à la valorisation de ses biens immobiliers et de ses valeurs mobilières, dont le montant global s'élevait en mai 2016 à 138 907,25 euros, conformément aux articles L 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, ne suffisent pas au règlement de ses frais d'hébergement, les valeurs mobilières ne produisant pas d'intérêts ;
- Mme D... est veuve et sans enfants ; en février 2006, elle a fait donation de la nue-propriété de sa maison à son neveu et à sa petite-nièce.
Par mémoires enregistrés les 25 janvier 2017 et 21 janvier 2021, le président du conseil départemental du Jura a demandé le rejet du recours introduit par M. B... pour Mme D....
Il soutient que :
- le déficit mensuel évalué à 898,46 euros peut être couvert par les disponibilités dont dispose Mme D... pour un montant de 54 579,07 euros de placements ;
- la maison dont Mme D... a gardé l'usufruit pourrait être louée, location dont le produit pourrait compléter ses ressources mensuelles.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00488.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., magistrat honoraire,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été admise à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à compter du 22 août 2012. Le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Beaune a nommé M. C... B... mandataire judiciaire à la protection des majeurs pour représenter Mme D... par jugement du 17 mai 2016. M. B... a demandé l'admission de Mme D... à l'aide sociale à l'hébergement, qui a été refusée par le département du Jura par décision du 10 novembre 2016. M. B... demande l'annulation de la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Jura a rejeté son recours contre cette décision.
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement ". A cette fin, conformément à l'article L. 132-1 de ce même code, " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". L'article R. 132-1 du même code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".
3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, il a prévu d'évaluer fictivement les revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l'estimation de ces ressources.
4. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient, à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse.
6. Il résulte de l'instruction que les ressources de Mme D... sont tirées d'une pension de retraite d'un montant de 1 010,01 euros, d'une allocation logement d'un montant de 60,48 euros et d'intérêts de placement pour un montant de 124,37 euros. Il résulte également de l'instruction que, par un acte passé par devant notaire en date du 9 février 2006, Mme D... a fait donation de la nue-propriété d'une maison d'habitation d'une valeur de 115 000 euros, dont elle a conservé l'usufruit et dont la valeur locative s'élève à 2 270 euros. En vertu des dispositions de l'article R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, selon lesquelles " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis (...) ", cette maison doit être considérée comme procurant à Mme D... un revenu annuel égal à 50 % de sa valeur locative, soit un montant mensuel de seulement 94,38 euros, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme ne pouvant utilement se prévaloir à cet égard des circonstances dans lesquelles la donation est intervenue. Mme D... doit ainsi être regardée comme disposant de revenus mensuels s'élevant à la date de sa demande, au montant de 1 904,47 euros avant déduction du montant de 10% prévu par les dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles, du montant de sa cotisation mutuelle, soit 79,46 euros, et du montant des frais de gestion de sa tutelle, soit 13,99 euros. Le coût de son hébergement atteint le montant de 2 574,24 euros. Les ressources de
Mme D... ne lui permettent donc pas de régler ces frais d'hébergement.
6. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler ensemble les décisions du président du conseil départemental du Jura du 10 novembre 2016 et de la commission départementale d'aide sociale du Jura du 6 juillet 2017 et de renvoyer Mme D... devant le président du conseil départemental du Jura pour liquidation de ses droits
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions du président du conseil départemental du Jura du 10 novembre 2016 et de la commission départementale d'aide sociale du Jura du 6 juillet 2017 sont annulées.
Article 2 : Mme D... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 15 mai 2016 et est renvoyée devant le président du conseil départemental du Jura pour le calcul et la liquidation de ses droits.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... ès qualités de mandataire judiciaire de Mme A... D... et au président du conseil départemental du Jura.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Vinot, président de chambre,
M. Luben, président assesseur,
Mme E..., magistrat honoraire,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 08PA04258
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N° 19PA00488