Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2112428/8 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans les plus brefs délais ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Sangue, conseil de M. A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de police, en décidant de son transfert aux autorités allemandes, a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 dès lors que sa remise aux autorités allemandes impliquera nécessairement son renvoi en Afghanistan où il craint pour sa vie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 29 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 24 avril 1993, a présenté le 22 mars 2021 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. La consultation du fichier Eurodac a mis en évidence que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes les 30 octobre 2015 et 27 février 2020. Par un arrêté du 10 juin 2021, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes. M. A... relève appel du jugement du 2 juillet 2021 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 29 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à M. A... le bénéfice d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) / 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. M. A... soutient que n'ayant pas d'éléments nouveaux à faire valoir au soutien de sa demande d'asile alors que celle-ci a été plusieurs fois rejetée en Allemagne, sa remise aux autorités de ce pays impliquera son renvoi en Afghanistan où il craint pour sa vie compte tenu de son appartenance à l'ethnie hazara, cible privilégiée des talibans et groupes radicaux, mais également en raison de l'aggravation depuis 2019 du climat d'insécurité qui règne dans la province de Balkh, désormais en proie à de violents combats entre talibans et forces de sécurité afghanes et qu'il devra nécessairement traverser pour se rendre dans sa province d'origine de Mazar-e Sharif. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non en Afghanistan. Par ailleurs, l'Allemagne est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De ce fait, le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est présumé conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A..., qui ne produit aucune pièce, n'établit pas qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne serait pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, même à supposer établie la circonstance que ses demandes d'asile auraient définitivement été rejetées en Allemagne il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités de ce pays n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant son transfert aux autorités allemandes, aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas plus fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'appliquer les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03896