Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 9 mai 2019, M.A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1811297/5-2 du 25 octobre 2018, du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet de police, il justifie d'une présence habituelle en France depuis 2007 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le centre de ses attaches familiales se situe désormais en France où résident ses parents et frère et soeur.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant libyen, né le 1er juin 1997 à Alger, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à fin d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France au cours de l'année 2007 et y a résidé de manière régulière jusqu'à la fin de l'année 2016, soit une période continue de près de dix années au cours de laquelle il a été scolarisé dans différents établissements d'enseignement privés internationaux et a bénéficié de documents de circulation pour étranger mineur puis d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 23 décembre 2016. Il est par ailleurs constant que le père de l'intéressé est de nationalité française, et que sa mère, titulaire d'une carte de résident longue durée, ainsi que ses frère et soeur résident en France de manière régulière. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la durée du séjour de M. A...sur le territoire français et à l'importance de ses liens familiaux en France, l'arrêté du 30 mai 2018 du préfet de police doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A...le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1811297/5-2 du tribunal administratif de Paris du 25 octobre 2018 et l'arrêté du préfet de police du 30 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03664