Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2020, M. B... A..., représenté par Me Fozing, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1918925/8 du 29 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Fozing sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est dépourvu de base légale dès lors que s'agissant d'une procédure de reprise en charge, il ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation dès lors qu'il n'a pas pris en compte la circonstance selon laquelle il est marié avec une ressortissante afghane résidant régulièrement en France ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que les brochures lui ont été remises en français, langue qu'il ne comprend pas ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Croatie ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa remise aux autorités croates l'éloignera de son épouse qui bénéficie d'une carte de résident en France ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du
19 décembre 2019.
Par un courrier du 7 octobre 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise aux autorités croates.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant afghan reçu en préfecture le 24 juin 2019, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 14 août 2019, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités croates. M. B... A... relève appel du jugement du 29 octobre 2019 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision. / La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi. " et aux termes des dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat (...) ".
3. Lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution. La computation est similaire lorsque le délai d'exécution est porté à dix-huit mois compte tenu de la fuite de l'intéressé.
4. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes de M. B... A... avaient été enregistrées en Croatie le 10 février 2019. Le 25 juin 2019, le préfet de police a saisi d'une demande de reprise en charge de l'intéressé les autorités croates qui ont accepté leur responsabilité par un accord du 9 juillet 2019 sur le fondement de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 14 août 2019, le préfet de police a ordonné le transfert de M. B... A... aux autorités croates. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités croates du 9 juillet 2019 a été interrompu par l'introduction d'un recours contentieux par l'intéressé devant le Tribunal administratif de Paris, le 22 août 2019. Ce délai a recommencé à courir à compter du 13 novembre 2019, date de notification du jugement du Tribunal administratif de Paris à l'administration. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait en fuite et que le délai d'exécution de la mesure de transfert aurait ainsi été porté à dix-huit mois à compter de la notification du jugement du Tribunal administratif, la décision de transfert est devenue caduque et a pour effet de priver d'objet la demande de M. B... A... tendant à son annulation. En conséquence, les conclusions de M. B... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019 sont devenues sans objet ainsi que, par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et il n'y a plus lieu d'y statuer.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me Fozing au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019 ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction.
Article 2 : Les conclusions de M. B... A..., présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
La rapporteure,
A. COLLETLe président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00307