Par un jugement n° 1600013 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, et un mémoire de communication de pièces enregistré le 28 avril 2017, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600013 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision, en date du 10 février 2016, par laquelle la commission nationale instituée pour l'application de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945, confirmant la décision en date du 25 novembre 2013 de la commission régionale de Guadeloupe, a refusé de l'autoriser à demander son inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables ;
3°) d'enjoindre à l'ordre des experts-comptables de Guadeloupe de procéder à son inscription sur la liste des experts-comptables ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision litigieuse de la commission régionale est entachée d'irrégularité en ce que les membres présents lors de la séance du 10 février 2016 et les modalités de vote n'ont pas été indiqués sur cette décision ; cette omission ne permet pas de vérifier si le quorum a été respecté et si la composition de la commission était régulière ; les principes fondamentaux de la procédure et les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont ainsi été méconnus ;
- la décision contestée de la commission régionale est entachée d'irrégularité en ce que l'intéressé n'a pas été convoqué, alors qu'il s'agit d'un principe fondamental de la procédure ; les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont ainsi été méconnues ;
- la décision attaquée de la commission nationale est insuffisamment motivée et a omis de statuer sur certaines critiques qu'il avait formulées à l'encontre de la décision de la commission régionale ;
- la procédure suivie, du fait de délais anormalement longs, de l'opacité en la forme de la décision litigieuse, de son omission à statuer sur certains points et de l'absence d'analyse des pièces produites et d'une réelle motivation, méconnaît le droit au procès équitable et ainsi les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il répond aux deux conditions posées par l'article 7 bis de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et l'article 84 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a décidé d'attribuer à la Cour le jugement de l'affaire n° 17BX01294 pendante devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
- le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;
- le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
1. Aux termes de l'article 7 bis de l'ordonnance susvisée du 19 septembre 1945 : " Les personnes ayant exercé une activité comportant l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité, et qui ont acquis de ce fait une expérience comparable à celle d'un expert-comptable particulièrement qualifié, pourront être autorisées à demander, dans les conditions fixées par le décret prévu à l'article 84 bis ci-après, leur inscription au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable. ", et aux termes de l'article 84 du décret susvisé du 30 mars 2012 : " Les personnes mentionnées à l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée et âgées de quarante ans révolus peuvent demander l'autorisation de s'inscrire au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable lorsqu'elles justifient de quinze ans d'activité dans l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité, dont cinq ans au moins dans des fonctions ou missions comportant l'exercice de responsabilités importantes d'ordre administratif, financier et comptable. ".
2. D'une part, s'agissant de la justification des quinze ans d'activité dans l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité exigés par les dispositions réglementaires précitées, il ressort des pièces du dossier que M. C... a notamment produit, à l'appui de sa demande, des justificatifs ayant une valeur suffisamment probante concernant les activités d'organisation ou de révision de comptabilité qu'il a effectuées au sein des sociétés APS Presta-tertiaire, de 1986 à 1988, pendant deux ans et demi, où il a été chef comptable adjoint puis chef comptable, KPMG, Fiduciaire de France, de 1988 à 1992, pendant quatre ans, où il a été premier assistant contrôleur, STN3R, en 1992, pendant huit mois, où il a été responsable administratif et financier, Baratte, de 1999 à 2005, pendant sept ans, où il a simultanément assumé les fonctions de direction commerciale, administrative, comptable et financière et de responsable des ressources humaines, et Acces, en 2010, pendant un an à la date de la présentation de la demande, où, en qualité d'associé de cette société, il exerçait des fonctions équivalentes à celles d'expert-comptable. Ainsi, M. C... répondait à la première condition posée par les dispositions précitées de l'article 84 du décret susvisé du 30 mars 2012 relative à la justification de quinze ans d'activité dans l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité.
3. D'autre part, s'agissant de la justification des cinq ans, au moins, passés dans des fonctions ou missions comportant l'exercice de responsabilités importantes d'ordre administratif, financier et comptable exigés par les dispositions réglementaires précitées, il ressort des pièces du dossier que M. C... a justifié, de manière probante et documentée, qu'il avait exercé, de 1999 à 2005, au sein de la société Baratte, entreprise normande d'un effectif de 52 personnes spécialisée dans la fourniture et la pose de parquets, les fonctions d'administrateur et de directeur général jusqu'en 2003, puis de président directeur général, assumant en outre les fonctions liées à la direction commerciale, administrative, comptable et financière et la responsabilité des ressources humaines. Ainsi, M. C... répondait à la seconde condition posée par les dispositions précitées de l'article 84 du décret susvisé du 30 mars 2012 relative à la justification de cinq ans, au moins, passés dans des fonctions ou missions comportant l'exercice de responsabilités importantes d'ordre administratif, financier et comptable.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision contestée du 10 février 2016, la commission nationale a rejeté sa demande aux motifs que les " 15 années exigées par les textes concernant l'exécution de travaux comptables (...) ne sont cependant pas justifiées par des attestations d'entreprise " et " qu'elle ne disposait toujours pas d'éléments de preuve suffisants pour se prononcer sur la satisfaction ou non de la condition de disposer d'une expérience d'au moins cinq ans dans des fonctions ou missions comportant l'exercice de responsabilités importantes d'ordre administratif, financier et comptable ", " la demande de l'intéressé [étant rejetée] comme n'étant pas étayée des justificatifs nécessaires pour permettre d'apprécier la satisfaction des conditions légales ". Il s'en suit que la décision du 10 février 2016 de la commission nationale instituée pour l'application de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et le jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que M. C... soit inscrit au tableau de l'ordre de Guadeloupe en qualité d'expert-comptable. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables de procéder à cette inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables de Guadeloupe dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros à M. C... au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600013 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy et la décision du 10 février 2016 de la commission nationale instituée pour l'application de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables de procéder à l'inscription de M. A... C... au tableau de l'ordre des experts-comptables de Guadeloupe dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA21294