Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 4 janvier, 27 mai et
1er juillet 2021, M. A..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005478/1-1 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui accorder pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil Me Langlois d'une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de deux omissions à statuer dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré, d'une part, de l'erreur de droit commise par le préfet de police qui s'est considéré à tort en situation de compétence liée et, d'autre part, de l'erreur de fait concernant sa situation personnelle et familiale ;
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente et vise un arrêté de délégation erroné ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le rapport médical du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) comporte une erreur sur la pathologie dont il souffre ainsi que des inexactitudes et des omissions qui revêtent un caractère substantiel, que les informations sur lesquelles s'est fondé le collège de médecins de l'OFFI pour prendre son avis ne lui ont pas été communiquées, qu'il n'est pas possible de s'assurer de la collégialité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII et que les signatures électroniques apposées sur l'avis sont irrégulières ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale comme étant fondée sur une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour elle-même illégale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de police s'est considéré à tort en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant de délai de départ volontaire :
- elle est illégale comme étant fondée sur le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale comme étant fondée sur le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été rendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les observations de Me Langlois, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 30 avril 1979, est entré en France le
29 mars 2015 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 janvier 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Suite à l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juillet 2018 qui a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. A..., le préfet de police a pris à son encontre le 2 juillet 2019 un arrêté par lequel il a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2005478/1-1 du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission (...) ". En vertu des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le certificat médical confidentiel du
12 octobre 2018 adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration par le requérant mentionnait au titre du diagnostic principal " omarthrose centrée de grade 4 épaule G " et au niveau de la rubrique suivi et examens médicaux " radio et IRM épaule G " et du stade évolutif de la maladie " adressé à Beaujon pour intervention et prise en charge orthopédique ". Or, le rapport médical confidentiel du 14 janvier 2019 établi par le médecin rapporteur mentionne qu'il souffre d'une pathologie " M139 Arthrite sans précision " au lieu de l'arthrose et s'abstient également de mentionner la nécessité de réaliser une intervention chirurgicale, alors qu'il ressort par ailleurs des certificats médicaux produits qui sont postérieurs à l'arrêté attaqué mais qui révèlent une situation antérieure que la pose d'une prothèse totale d'épaule devra être pratiquée. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir qu'eu égard au caractère erroné et incomplet de ce rapport, l'avis rendu le
25 avril 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été émis au terme d'une procédure irrégulière et que le vice de procédure ainsi commis l'a privé d'une garantie.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif pour lequel elle est prononcée, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Langlois de la somme de 1 500 euros, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005478/1-1 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 2 juillet 2019 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Langlois la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00019