Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 mai, 21 septembre et 5 octobre 2017, M.A..., représenté par Me Maillet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1518807/5-3 du 19 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Ecole normale supérieure à lui verser la somme de 50 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du détournement de procédure consistant pour l'Ecole normale supérieure à systématiquement recruter des agents contractuels pour occuper un emploi permanent normalement réservé à un fonctionnaire ;
- l'Ecole normale supérieure, qui n'établit pas que les conditions permettant le recrutement à titre dérogatoire d'un agent contractuel étaient remplies, a commis une faute en le plaçant dans un statut précaire ;
- elle a aussi commis une faute en lui dissimulant l'existence des conflits sociaux au sein du restaurant où il devait travailler, ce qui lui a fait perdre une chance de refuser son recrutement ;
- il a été contraint d'effectuer un nombre d'heures de travail contraire aux dispositions du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 en raison du manque de personnel qualifié du restaurant, ce qui est à l'origine d'un épuisement dont il a établi la réalité ;
- il a fait l'objet d'une mutation sur un poste ne correspondant pas à ses qualifications ;
- les mauvaises conditions de travail qu'il a subies ont dégradé son état de santé, l'Ecole normale supérieure ayant ainsi manqué à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur elle en qualité d'employeur et l'ayant mis délibérément en danger, ce qui justifie une indemnité d'un montant de 25 000 euros ;
- son manque à gagner doit être réparé par une indemnité de 25 000 euros correspondant à la différence entre les indemnités que lui verse Pôle emploi et le traitement qu'il aurait perçu comme fonctionnaire chef de cuisine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2017, l'Ecole normale supérieure, représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public ;
- et les observations de Me Maillet, avocate de M. A...et de Me Coudray, avocat de l'Ecole normale supérieure.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. M.A..., recruté par l'Ecole normale supérieure par un contrat à durée déterminée signé le 20 juin 2013 pour occuper du 26 août 2013 au 31 août 2014 l'emploi de " chef de cuisine du restaurant de l'ENS (site Ulm) " a fait valoir en première instance que l'établissement public, qui avait selon lui comme pratique de recruter illégalement des agents contractuels sur cet emploi normalement réservé à un fonctionnaire, avait ainsi été l'auteur d'un " détournement de procédure " fautif. Le Tribunal administratif, au point 2 de son jugement, a regardé le recrutement de M. A...comme légalement effectué sur le fondement des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984 en vertu desquelles des agents contractuels peuvent être recrutés pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Il a ainsi nécessairement bien qu'implicitement répondu au moyen soulevé par le requérant et son jugement n'est par suite pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En admettant même que l'Ecole normale supérieure ait commis une faute en recrutant M. A...comme agent contractuel dans des conditions irrégulières au regard des dispositions de la loi du 11 janvier 1984, le requérant n'établit pas qu'il avait une chance sérieuse d'être recruté comme fonctionnaire. Il n'est dès lors pas fondé à demander la condamnation de l'établissement public à lui verser une indemnité correspondant à la différence entre les indemnités que lui verse Pôle emploi et le traitement qu'il aurait perçu comme fonctionnaire.
3. M. A...soutient également que l'Ecole normale supérieure a commis une faute en lui dissimulant l'existence des conflits sociaux au sein du restaurant où il devait travailler, ce qui lui a fait perdre une chance de refuser son recrutement et demande, en réparation de son préjudice, la condamnation de l'établissement public à lui verser une indemnité correspondant à la différence entre les indemnités que lui verse Pôle emploi et le traitement qu'il aurait perçu comme fonctionnaire. Ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'il n'existe aucun lien direct de causalité entre la faute et le préjudice dont la réparation est ainsi demandée.
4. Si M.A..., dont l'engagement a été renouvelé du 1er septembre 2014 au 31 août 2015, a été victime d'un accident du travail le 24 novembre 2014, il résulte du compte rendu d'enquête du 9 janvier 2015 qu'il a glissé sur le sol du local " préparation froides " où il travaillait. Il n'est par ailleurs pas établi par les pièces qu'il a produites que la dégradation de son état de santé, révélée par les congés de maladie dont il a bénéficié au premier trimestre de l'année 2015, après sa mutation au " service logistique, à la " cafétéria du site ENS de Jourdan ", comme le précise la lettre du 2 février 2015 de la directrice générale des services explicitant les motifs de cette mesure, soit liée à de mauvaises conditions de travail dont l'établissement public serait fautivement responsable, et en particulier aux nombreuses heures supplémentaires qu'l a effectuées.
5. Le comité technique de l'Ecole normale supérieure, réuni le 11 septembre 2014, a émis un avis favorable à la création d'un " service de la restauration d'Ulm ", dans le cadre duquel M. A...devait être assisté d'un agent de catégorie A, mais les représentants du personnel ont souhaité que M. A...ne dirige pas ce service. Il résulte de l'instruction que M. A...et l'agent recruté le 1er novembre 2014 en qualité de responsable administratif du restaurant ne sont pas parvenus à travailler ensemble de manière satisfaisante. Par ailleurs, un syndicat a déposé le 22 octobre 2014 un préavis de grève motivé par les plaintes de salariés affectés au restaurant à l'encontre de M.A.... De plus, la lettre du 2 février 2015 mentionnée au point 4 expose qu'à la suite d'une altercation entre M. A...et un agent du restaurant, le personnel a décidé de cesser le travail et que la directrice générale des services a dû intervenir personnellement pour que les agents reviennent sur cette décision. Dans ces conditions, en mutant M.A..., dans l'intérêt du service, à titre temporaire, à partir du 9 février 2015, au " service logistique, à la " cafétéria du site ENS de Jourdan ", l'Ecole normale supérieure n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Ecole normale supérieure, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Ecole normale supérieure tendant à l'application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Ecole normale supérieure présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à l'Ecole normale supérieure.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019 .
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01849