Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mars et 29 novembre 2016, les 19 juillet et 23 août 2017, M. et MmeA..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1405176/1-2 du 26 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée et l'imputation des déficits de l'activité de loueur en meublé sur leur revenu global des années 2009 à 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le service n'établit pas leur avoir régulièrement adressé une proposition de rectification ;
- le service n'a jamais répondu aux observations qu'ils ont formulées suite à l'envoi d'une copie de la proposition de rectification par courrier simple le 4 juillet 2013 ;
- M. A...n'a pas eu à sa disposition la totalité des sommes figurant au crédit du compte n° 4211 mais uniquement le solde résultant de cette inscription ; l'écriture constatée le 30 juin 2010 pour un montant de 290 000 euros correspond à l'attribution d'une rémunération pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 ; ils ont ainsi fait l'objet d'une double imposition en 2009 à raison du décalage entre l'exercice comptable de la société et l'année civile ;
- les sommes litigieuses n'étaient juridiquement pas disponibles dès lors que l'assemblée générale n'a pas voté l'octroi d'une rémunération au profit de son gérant au titre des années 2010 et 2011 ;
- les sommes litigieuses n'étaient pas disponibles dès lors que la situation de trésorerie de la Sarl Esca ne lui permettait pas de les percevoir ;
- ils peuvent bénéficier des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts à raison de leur qualité de loueur en meublé professionnel ; des erreurs ont été commises par le service dans le calcul de leurs cotisations d'impôt sur le revenu car il a omis de tenir compte de la circonstance que M. A...et son fils détiennent ensemble l'intégralité des parts de la Sarl Aux Trioux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet et 15 décembre 2016, 2 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- le service a, les 8 août 2016 et 3 août 2017, prononcé des dégrèvements d'un montant respectif de 7 144 euros et 6 606 euros ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette ;
- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.
1. Considérant que suite à la vérification de comptabilité de la Sarl Esca dont il est le gérant de droit et associé à hauteur de 75,6 % des parts sociales, M. A...a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel le service lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes ; que M. A...a par ailleurs demandé l'imputation des déficits de son activité de loueur en meublé sur le revenu global de son foyer fiscal des années 2009 à 2012 ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 26 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes résultant de ces redressements, ainsi que la prise en compte des déficits de son activité de loueur en meublé ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par deux décisions des 8 août 2016 et 3 août 2017, postérieures à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement à concurrence d'une somme 13 750 euros correspondant à la prise en compte des déficits de son activité de loueur en au titre des années 2011 et 2012 et à la prise en compte de l'emploi d'un salarié à domicile au titre de 2011 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A...sont, dans la limite de ce montant, devenues sans objet ; qu'il en va ainsi, en particulier, de leur contestation dirigée contre la cotisation d'impôt sur le revenu de l'année 2011, intégralement dégrevée ;
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne les rémunérations :
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce, la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée doit, avant tout versement à son profit, être déterminée soit par les statuts soit par une décision de la collectivité des associés ; qu'ainsi, en l'absence d'une telle stipulation ou d'une telle décision, le retrait de fonds par ce gérant au titre de sa rémunération est impossible en droit, alors même que les sommes en cause figureraient comme charges à payer dans les comptes de la société ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de clôture de l'exercice 2010, la rémunération du gérant de la Sarl Esca n'avait été déterminée ni par ses statuts ni par une décision de la collectivité des associés ; que dans ces conditions, et sans que l'administration puisse utilement faire valoir que M. A...aurait été le maître de l'affaire, celui-ci ne peut être regardé comme ayant eu la disposition, au plus tard le 31 décembre de l'année 2010, des salaires inscrits, en tant que charges à payer, dans les comptes de la Sarl Esca afférents à l'exercice clos en 2010 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête d'appel, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'imposition et pénalités procédant de la réintégration de la somme de 148 000 euros dans leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 ;
En ce qui concerne l'imputation des déficits de l'activité de loueur en meublé sur le revenu global :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à compter de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 : " (...) VII. Les articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l'objet d'une location directe ou indirecte lorsque cette activité n'est pas exercée à titre professionnel. L'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : (...) 2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 euros ; 3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. Pour l'application de la troisième condition, les recettes afférentes à une location ayant commencé avant le 1er janvier 2009 ou portant sur un local d'habitation acquis ou réservé avant cette date dans les conditions prévues aux articles L. 261-2, L. 261-3, L. 261-15 ou L. 262-1 du code de la construction et de l'habitation sont comptées pour un montant quintuple de leur valeur, diminué de deux cinquièmes de cette valeur par année écoulée depuis le début de la location, dans la limite de dix années à compter du début de celle-ci. La location du local d'habitation est réputée commencer à la date de son acquisition ou, si l'acquisition a eu lieu avant l'achèvement du local, à la date de cet achèvement. L'année où commence la location, les recettes y afférentes sont, le cas échéant, ramenées à douze mois pour l'appréciation des seuils mentionnés aux 2° et 3°. Il en est de même l'année de cessation totale de l'activité de location. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les déficits des loueurs en meublés non professionnels ne sont pas imputables sur le revenu global mais seulement sur les bénéfices industriels et commerciaux non professionnels réalisés au cours de l'année d'imposition et des six années suivantes ; que cette contrainte ne s'applique pas en revanche aux loueurs professionnels et que, pour avoir la qualité de loueur professionnel il faut tirer de cette activité plus de 23 000 euros toutes taxes comprises de recettes annuelles ou au moins 50 % de ses revenus ; qu'au cas où l'activité débute en cours d'année, les recettes à prendre en compte doivent être rapportées à l'ensemble de l'année, au prorata temporis ; que, dans ce cas, le début d'activité doit être fixé à la date à laquelle l'entreprise a pu effectivement commencer son activité, c'est-à-dire, s'agissant d'un loueur en meublés, la date à laquelle le contribuable a pu disposer des biens à louer et effectuer les premières opérations d'exploitation ;
7. Considérant que M. A...et son fils mineur détiennent l'intégralité des parts de la Sarl Aux Trioux qui exerce une activité de loueur en meublé professionnel et qui a opté pour le régime des sociétés de personnes ; que si M. et MmeA... demandent la prise en compte des déficits de cette activité de loueur en meublé professionnel au titre des années 2009 et 2010, il résulte de l'instruction que les recettes provenant de la location en meublé d'un montant respectif de 111 201 euros en 2009 et 112 212 euros en 2010 n'excèdent pas le total des autres revenus tirés d'activité du foyer fiscal qui s'élèvent respectivement à 165 630 euros en 2009 et 158 768 euros en 2010, déduction faite de la rectification infondée d'un montant de 148 000 euros ; que, par suite, en application des dispositions précitées du VII de l'article 151 septies du code général des impôts, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de faire droit à leur demande d'imputation de déficits nés de cette activité de loueur en meublé professionnel sur leur revenu global des années 2009 et 2010 ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes mises à leur charge au titre de 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme A...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et MmeA... à concurrence des dégrèvements des 8 août 2016 et 3 août 2017.
Article 2 : M. et MmeA... sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Article 3 : Le jugement n° 1405176/1-2 du 26 janvier 2016 du Tribunal Administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 avril 2018.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01005