Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2017, M. A...B...représenté par Me C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700187 / 2-1 du 2 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 5 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Me C...renonçant le cas échéant à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à l'ancienneté de sa présence en France et à sa situation familiale ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2017, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stoltz-Valette a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...B..., ressortissant égyptien né le 6 janvier 1980 et déclarant être entré en France en octobre 1999, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 5 décembre 2016, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être reconduit ; que M. A...B...relève appel du jugement du 2 mai 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
3. Considérant, M. A...B...soutient résider en France depuis plus de dix années à la date de la décision contestée ; que pour établir sa résidence au titre de l'année 2007, le requérant produit des factures EDF, des relevés de compte de la banque postale et du crédit Lyonnais, un contrat d'assurance, une attestation d'aide médicale d'Etat et un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie ; que pour justifier sa présence en 2008, il verse au dossier des relevés bancaires du crédit Lyonnais et de la banque postale faisant apparaître des retraits réguliers et des remises de chèques ; que pour l'année 2009, il produit également des relevés bancaires du crédit Lyonnais avec des mouvements, une facture du magasin Darty du mois d'août et des factures d'électricité et de l'opérateur de téléphonie mobile Orange ; qu'en appel, l'intéressé produit quatre duplicatas de relevés bancaires de la banque postale d'octobre à décembre 2008 et de janvier 2009 ; qu'ainsi, ces pièces établissent la résidence habituelle du requérant sur le territoire français au titre des années 2007, 2008 et 2009 ; que, pour les autres années en litige, le requérant produit également des pièces probantes et concordantes de nature à justifier d'une résidence habituelle sur le territoire français ; que, dès lors, M. A...B...justifiant d'une résidence habituelle de plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté querellé, il est fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision et qu'en l'absence d'une telle consultation la décision de refus de séjour est illégale et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 5 décembre 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation, n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre un titre de séjour au requérant mais seulement qu'il réexamine sa situation administrative après consultation de la commission du titre de séjour ; que, par suite, en vertu des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à ce que le préfet de police délivre un titre de séjour à M. A...B...mais d'enjoindre à cette autorité, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt, de réexaminer la situation administrative de ce dernier en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens " ; que M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700187/2-1 du 2 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 5 décembre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A...B..., après consultation de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 avril 2018.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02505
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