Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et des pièces complémentaires enregistrés respectivement les 12 mars 2020, 30 avril et 6 juillet 2021, Mme D... représentée par Me Sibertin-Blanc demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1924916 du 13 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la réalité et au montant de ses revenus ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le plan de son droit au séjour en qualité de salarié, et sur le plan de son droit au séjour au titre de la vie privée et familiale, tels que précisés par les critères définis par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus du titre de séjour ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le plan salarié et sur le plan vie privée et familiale, telles que précisées par les critères définis par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus du titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- et les observations de Me Sibertin-Blanc pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 13 février 1969, de nationalité russe, est entrée en France le 4 juin 2014, selon ses déclarations. Par un arrêté du 21 octobre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de salarié ainsi qu'au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris en son ensemble :
2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par M. François Lematre, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police. Par un arrêté n° 2019-00794 du 27 septembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial le 30 septembre 2019, le préfet de police a donné délégation de signature à MM. Jean-François E..., administrateur civil hors classe, sous-directeur de l'administration des étrangers et Emmanuel Yborra, administrateur civil hors classe, adjoint au sous-directeur de l'administration des étrangers, pour signer tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables, dans la limite de leurs attributions et a accordé délégation de signature, en cas d'absence ou d'empêchement, de M.M. E... et Yborra, à leurs adjoints, au nombre desquels figure M. A..., signataire de la décision attaquée. Ces dispositions, qui sont suffisamment précises contrairement à ce que soutient Mme D..., donnaient légalement compétence à M. A... pour signer l'arrêté attaqué, qui a été pris dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. La circonstance que le signataire de l'arrêté attaqué n'a pas fait apparaître sa qualité de subdélégataire, en signant non pour le subdéléguant immédiat, mais pour le premier délégataire mentionné ci-dessus, n'est pas susceptible d'entacher l'arrêté attaqué d'incompétence, M. A... ayant en outre fait état de sa qualité de chef du bureau mentionné. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 21 octobre 2019 aurait été édicté par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, Mme D... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., arrivée en France depuis juin 2014, soit plus de cinq ans avant la décision attaquée, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si elle soutient que le préfet a méconnu les dispositions citées au point 3, elle se borne à soutenir qu'elle travaille depuis janvier 2018 d'une part, en qualité d'aide à domicile d'une personne âgée résidant à Paris et, d'autre part, en qualité de garde d'enfants à domicile, pour une famille résidant à Issy-les-Moulineaux, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Elle ne justifie pas, ainsi, d'une insertion sociale et professionnelle intense, ancienne et stable en France en admettant même qu'elle ait donné entière satisfaction à ses employeurs. En outre, si elle fait valoir qu'elle est propriétaire d'un appartement et son insertion dans le milieu associatif au sein notamment du cercle international de l'ARC, de l'association Cerise et de l'association " A la source de la connaissance " où elle a animé des conférences culturelles, et qu'elle exerce une activité de bénévole depuis 2016 au sein de la cathédrale orthodoxe russe, elle ne possède aucune attache familiale en France et ne s'y prévaut d'aucune attache privée particulière, sa seule qualité de propriétaire n'étant pas suffisante pour caractériser de tels liens. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu en Russie jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans et que si elle soutient n'y avoir plus d'attaches, son fils y vit encore avec son enfant. Enfin, Mme D... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012, qui se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation, et dont les dispositions sont dépourvues de tout caractère impératif et ne constituent pas des lignes directrices susceptibles d'être utilement invoquées devant le juge par un étranger en situation irrégulière. Ces circonstances ne sont, dès lors, pas de nature à caractériser un motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation. Mme D... n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Pour les motifs présentés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D....
8. En dernier lieu, si la requérante fait valoir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait au motif qu'elle disposait non pas de onze bulletins de paie, comme le retient la décision attaquée, mais de vingt bulletins pour le seul emploi de garde d'enfants à domicile, et que sa rémunération moyenne comme garde d'enfants était supérieure aux 303 euros mentionnés dans la décision querellée, ces circonstances sont, à elles seules, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que, au regard des développements du point 5 du présent arrêt, le préfet de police aurait nécessairement pris la même décision. Enfin, la circonstance que le préfet de police n'a pas pris en compte, dans le calcul du montant de sa rémunération, son hébergement à titre gratuit dans le cadre de son emploi d'aide à domicile n'est pas davantage de nature à avoir une incidence sur la légalité du refus de titre de séjour contesté, pour le même motif.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, le refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.
10. En second lieu, Mme D... n'est pas fondée, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés ci-dessus, à soutenir que le préfet de police aurait méconnu le droit au respect de sa vie privée et familiale et entaché la décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il résulte de ce qui précède que la décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen excipant de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, doit dès lors être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président-assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00941