Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mars 2017 et le 24 novembre 2017 au greffe de la Cour administrative de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, la commune de Goyave, représentée par la Selarl Landot et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500949 du 31 janvier 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs en ce qu'il a constaté que M. B... avait été informé des motifs ayant conduit au déclenchement d'une procédure disciplinaire sans en tirer les conséquences en considérant que celui-ci avait été informé de ses droits à obtenir communication de son dossier et l'assistance d'un ou plusieurs conseils de son choix ;
- le moyen par lequel M. B...a soutenu devant les premiers juges que la décision et l'arrêté du 4 novembre 2015 étaient illégaux du fait de l'absence de versement à son dossier individuel des preuves d'absence était inopérant dès lors que la retenue sur traitement pour service non fait n'est pas une sanction disciplinaire mais une mesure purement comptable ;
- le moyen par lequel M. B...a soutenu devant les premiers juges que la décision du 4 décembre 2015 était fondée sur des faits matériellement inexacts était irrecevable faute d'être assorti de précisions suffisantes ;
- elle a établi l'absence de M. B... de son lieu de travail le 28 octobre 2015 et le fait que cette absence avait duré pendant toute la journée ; la matérialité de faits n'est pas sérieusement contestée par l'agent ;
- la sanction d'exclusion de trois jours du 4 décembre 2015 a été précédée de l'information de M. B...de son droit à obtenir communication intégrale de son dossier et de la possibilité de se faire assister d'un ou plusieurs conseils de son choix ;
- M. B...n'a subi ni brimades ni mauvaises conditions et ni a fortiori aucun fait constitutif de harcèlement moral ;
- dès lors que la retenue sur salaire est une mesure purement comptable, M. B...n'a pas été sanctionné deux fois pour les mêmes faits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2017, M. B...conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Goyave le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Goyave ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public
- et les observations de Me Horeau, avocat de la commune de Goyave.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., adjoint administratif territorial de deuxième classe à la commune de Goyave (Guadeloupe), a été affecté par note de service du maire de la commune de Goyave au service Actions du citoyen (Etat-civil) à compter du 26 septembre 2011 en qualité d'adjoint administratif chargé du suivi administratif du cimetière communal, son bureau étant fixé dans un mobil-home situé à proximité de ce cimetière et ses horaires de travail fixés les lundi, mardi et jeudi de 7h30 à 12h30 et de 14h00 à 17h00 et les mercredi et vendredi de 7h30 à 13h00. Au motif d'une absence injustifiée le mercredi 28 octobre 2015, il a fait l'objet d'une retenue sur salaire d'un trentième de son traitement par décision du maire de la commune de Goyave en date du 4 novembre 2015 et d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours par décision du 4 décembre 2015 de la même autorité. M. B...a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer l'annulation de ces décisions et de condamner la commune de Goyave à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de ces décisions et de la dégradation des conditions de travail dont il a été victime depuis 2008 et son affectation au cimetière de la commune de Goyave. Par un jugement n° 1500949 du 31 janvier 2017 le Tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions du 4 novembre 2015 et 4 décembre 2015 et rejeté pour irrecevabilité ses conclusions à fins d'indemnisation. La commune de Goyave relève appel de ce jugement. Elle doit être regardée comme demandant l'annulation de ce jugement en tant seulement que les premiers juges ont annulé ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La commune de Goyave ne critique pas utilement la régularité en la forme du jugement attaqué en soutenant qu'il est entaché d'erreurs d'appréciation ou d'une contradiction entre ses motifs, de telles erreurs n'étant de nature qu'à remettre en cause son bien-fondé.
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision de retenue sur salaire du 4 novembre 2015 :
3. Il résulte des termes de l'article 87 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : "Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général (...) ", que l'absence de service fait par un fonctionnaire territorial donne lieu à une retenue sur son traitement. S'agissant des modalités d'application de la retenue de traitement pour service non fait, si l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961, applicable notamment " au personnel de chaque administration ", dispose que " (...) l'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent ", c'est-à-dire au trentième de la rémunération mensuelle pour l'application de cette disposition, les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux agents de la fonction publique territoriale. Il s'ensuit qu'à défaut de dispositions législatives applicables aux agents territoriaux précisant le régime de cette retenue pour absence de service fait, son montant doit être proportionné à la durée de l'absence de service fait, en comparant cette durée aux obligations de service auxquelles les intéressés étaient soumis pendant la période au cours de laquelle cette absence a été constatée et au titre de laquelle la retenue est opérée.
4. La commune de Goyave conteste l'annulation de la décision du 4 novembre 2015 par laquelle son maire a appliqué à M.B..., à raison d'une absence de son lieu de travail constatée dans la matinée du mercredi 28 octobre 2015, une retenue sur salaire d'un trentième de son traitement mensuel.
5. Toutefois, d'une part, la retenue du trentième indivisible n'étant pas applicable à M. B..., agent d'une collectivité territoriale, la retenue opérée par la commune de Goyave sur son traitement devait être proportionnelle à la durée de l'absence de service fait.
6. D'autre part, si la commune de Goyave se prévaut de la constatation par les supérieurs hiérarchiques de M. B...que celui-ci n'était pas présent entre 9h10 et 9h20 dans le mobil home qui lui avait été affecté comme bureau à proximité du cimetière, M. B...conteste expressément avoir été absent de son lieu de travail et fait valoir qu'il se trouvait dans le cimetière, qu'il ressort de sa fiche de poste du 20 octobre 2015 que " le travail s'effectue dans le bureau situé sur le site et à l'extérieur (cimetière) " et il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas soutenu, que ses supérieurs hiérarchiques se seraient rendus dans le cimetière pour s'assurer de la réalité de cette absence du lieu de travail. Par ailleurs, si la commune requérante se prévaut d'une attestation établie par l'auteur de la sanction litigieuse, plus d'un an après les faits, selon laquelle celui-ci aurait été informé par un appel téléphonique d'un conseiller municipal que M. B... avait été aperçu en voiture à 8h30 à distance de son lieu de travail, cette attestation ne présente pas un caractère suffisamment probant pour établir l'absence de M. B...de son lieu de travail, ni a fortiori le fait que cette absence aurait duré toute la journée comme le soutient la commune.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Goyave n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit d'appliquer une retenue de traitement à M. B....
En ce qui concerne la décision de sanction du 4 décembre 2015 :
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu infliger le 4 décembre 2015 une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours, sanction du premier groupe au motif de son " manquement (...) à ses obligations de service, de respect des consignes et des mesures prises pour l'organisation du service ". Par lettre du 17 novembre 2015, les faits reprochés avaient été décrits comme les suivants : " lors de la visite de votre responsable de service accompagnée du directeur général des services sur votre lieu de travail le mercredi 28 octobre 2015, vous n'étiez pas dans le mobile home et j'ai des éléments qui me permettent d'affirmer votre absence également dans le cimetière ".
9. Pour l'application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aux termes desquelles : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier(...) ", le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux dispose, en son article 4, que : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ".
10. La commune justifie par la production intégrale en appel de la lettre du 17 novembre 2015 du maire de Goyave à M.B..., dont il résulte des termes de la demande formée par M. B... devant les premiers juges qu'elle lui avait été notifiée le 23 novembre 2015, qu'elle a respecté les garanties de la procédure disciplinaire prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 4 décembre 2015 sur le fondement de ces dispositions au motif qu'avant que ne soit infligée à M. B...la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de trois jours, ce dernier n'avait été informé ni de son droit à obtenir la communication intégrale de son dossier ni de la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix.
11. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de la Guadeloupe et devant la Cour.
12. A cet égard, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'absence du service en date du 28 octobre 2015 reprochée à M.B..., qui en conteste expressément la matérialité, n'est pas établie par la commune de Goyave. Dans ces conditions, la commune n'était pas fondée à lui appliquer la sanction litigieuse.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Goyave n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de le Guadeloupe a annulé ses décisions.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Goyave demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Goyave une somme de 1 500 euros à verser à M.B... sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Goyave est rejetée.
Article 2 : La commune de Goyave versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Goyave et à M. A...B....
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
D. DALLE
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre des outre-mer et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA20981