Procédure devant la cour :
I, par une requête enregistrée le 6 novembre 2018 sous le n° 18VE03681, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 janvier 2019, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Gall, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions de transfert et d'assignation à résidence ;
3° d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut de lui enjoindre le réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de cet examen ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient qu'il y a lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
S'agissant de la décision de transfert :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- en l'absence de démonstration de la qualité de l'agent ayant mené l'entretien individuel, il y a méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 dit Dublin III ;
- l'entretien individuel a méconnu cet article 5 dès lors qu'aucune question ne lui a été posée sur sa situation personnelle et les raisons pour lesquelles elle refuse de retourner en Espagne ;
- l'article 17 du règlement Dublin III a été méconnu, dès lors qu'elle risque d'être victime en Espagne d'un acte de vengeance par un membre de sa famille ;
- la décision méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle vit avec sa tante ;
S'agissant de l'assignation à résidence, elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière, dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un logement dans les Yvelines en l'absence de CMA.
II, par une requête enregistrée le 6 novembre 2018 sous le n° 18VE03682, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 janvier 2019, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Gall, avocat, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative :
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus à l'audience publique :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès,
- et les observations de Me Gall, pour MmeA....
Mme A...a produit deux notes en délibéré, enregistrées le 30 janvier 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18VE03681 et 18VE03682 de Mme A...présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
2. MmeA..., de nationalité guinéenne (Conakry), a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture des Yvelines. Le 9 juillet 2018, le préfet a saisi les autorités espagnoles d'une demande de reprise en charge de l'intéressée et, ces autorités ayant donné leur accord explicite à ce transfert le 12 juillet 2018, par deux arrêtés du 24 août 2018, le préfet a décidé du transfert de Mme A...aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence. Mme A...relève appel du jugement du 21 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre Mme A...au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".
5. La décision attaquée, qui vise les considérations de droit qui en constituent le fondement et les principaux éléments relatifs à la situation personnelle de MmeA..., précise que la demande de prise en charge de l'intéressée a été adressée aux autorités espagnoles en application de l'article 13-1 du règlement UE n° n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'hypothèse où le demandeur d'asile a franchi irrégulièrement la frontière d'un Etat membre en venant d'un Etat tiers. L'arrêté litigieux indique ainsi le motif pour lequel l'Espagne a été retenue comme Etat responsable du traitement de la demande d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "
7. D'une part, il ressort du " résumé d'entretien individuel " signé par la requérante que cet entretien a été mené le 21 juin 2018 par un agent de la préfecture des Yvelines qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées du règlement n° 604/2013. La circonstance que le résumé ne comporte pas la mention de la qualité de l'agent ayant conduit cet entretien n'est pas à elle seule de nature à établir que ce dernier ne serait pas une " personne qualifiée en vertu du droit national ".
8. D'autre part, il ressort du " résumé d'entretien individuel " que Mme A...a pu présenter ses observations sur sa situation personnelle.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
10. Si Mme A...soutient qu'en application de ces dispositions, l'Etat français doit examiner sa demande d'asile, dès lors qu'elle risque d'être victime en Espagne d'un acte de vengeance de la part de l'un des membres de sa famille, et que l'une de ses tantes réside en France, elle n'apporte en tout état de cause aucun élément probant au soutien de ces allégations, alors même qu'elle a déclaré pendant l'entretien individuel n'avoir aucune famille dans un Etat membre de l'Union.
11. En quatrième lieu, il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Enfin, Mme A...se prévaut de la présence de l'une de ses tantes sur le territoire français. Toutefois, l'intéressé, qui est célibataire et sans enfants, ne démontre aucune intégration sur le sol français. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
13. Mme A...reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 août 2018 décidant de son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
Sur la requête n° 18VE03682 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :
15. Le présent arrêt rejetant les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 21 septembre 2018, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne le sursis à exécution de ce jugement.
DECIDE :
Article 1er : Mme A...est admise au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE03682.
Article 3 : La requête n° 18VE03681 de Mme A...est rejetée.
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N°S 18VE03681-18VE03682