Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et des pièces complémentaires enregistrés les 12 avril 2019, 25 octobre 2019 et 8 mars 2021, la société Beicip Franlab, représentée par Me Quentin, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les redevances de source étrangère qu'elle perçoit à raison de son activité de concession de licence d'exploitation doivent être prises en compte dans son résultat imposable sous déduction des retenues à la source opérées par les Etats source y compris lorsque ceux-ci sont liés à la France par une convention fiscale ; en enregistrant ces produits nets des retenues à la source prélevées à l'étranger et les crédits d'impôt attachés à ces retenues à la source à hauteur des 2/3, elle a suivi la méthode préconisée par le paragraphe 1863-2 du memento comptable ; elle n'avait pas, en vertu du principe de connexion fiscalo-comptable, à opérer un retraitement extracomptable ; en vertu des articles 209 I et 39 I 2° du code général des impôts, les impôts acquittés à l'étranger sont des charges déductibles dès lors que la convention fiscale applicable ne prévoit pas expressément que l'impôt étranger n'est pas déductible ;
- lorsque la convention fiscale applicable fait obstacle à la déduction de la retenue à la source prélevée à l'étranger pour la détermination de l'impôt sur les sociétés, comme en l'espèce s'agissant des redevances en provenance de l'Espagne, du Gabon et du Mexique, seule la prise en compte des redevances nettes de la retenue à la source permet d'éviter la double imposition au niveau de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés ;
- pour la détermination de l'assiette de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les retenues à la source ne figurent pas parmi les produits à prendre en compte en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts ; elle a à bon droit enregistré les redevances perçues pour leur montant net, conformément aux prescriptions du BOI-CVAE-BASE-20 n° 40 du 23-09-2014, et ce quel que soit l'Etat source dès lors que la CVAE n'entre pas dans le champ des conventions fiscales ;
- ses dépenses de recherche sous-traitées à l'Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN) étaient éligibles au crédit d'impôt recherche ; la part de ces dépenses correspondant à des travaux de recherche et de développement est clairement déterminée au vu des devis des prestations sous-traitées ; alors même que les montants facturés par l'IFPEN ont été contractuellement dénommées "redevances" par le contrat de sous-traitance, ces sommes rémunèrent des coûts de développement, d'exploration et de validation ; l'expert mandaté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a constaté l'adéquation entre les montants facturés par l'IPFEN et ces opérations de recherche et de développement.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Gabon tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale, signée à Libreville le 21 avril 1966 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée à Paris le 29 mai 1970 ;
- la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Brasilia le 10 septembre 1971 ;
- la convention entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée à Tunis le 28 mai 1973 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune, signée le 18 février 1982 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de la Trinité-et-Tobago en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et d'encourager le commerce et les investissements internationaux, signée à Port d'Espagne le 5 août 1987 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République équatorienne en vue d'éviter la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Quito le 16 mars 1989 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Mexico le 7 novembre 1991 ;
- la convention entre la république française et le royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Madrid le 10 octobre 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Beicip Franlab, filiale de l'Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN), a pour activité la fourniture de prestations d'étude et de conseil dans le domaine pétrolier, et la vente de logiciels spécialisés liés à ces activités. Elle a déclaré des créances de crédit d'impôt recherche correspondant à des dépenses de recherche sous-traitées à l'IFPEN pour des montants de 1 718 223 euros en 2009, 1 631 643 euros en 2010 et 1 679 955 euros en 2011. A la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2010 et 2011, ses crédits d'impôts déclarés au titre des exercices 2009 à 2011 et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des années 2010 et 2011, des rehaussements d'imposition lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire. Ces rectifications ont été partiellement confirmées en réponse aux observations du contribuable et par la décision du 8 août 2017 d'admission partielle de la réclamation. La société Beicip Franlab relève appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires demeurées à sa charge, pour un montant total de 2 472 626 euros.
Sur la recevabilité de la demande :
2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et des droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. ". Aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) ". Il résulte de ces dispositions que la demande présentée devant le tribunal administratif n'est recevable que dans la limite des sommes contestées dans la réclamation adressée à l'administration fiscale.
3. Dans sa réclamation adressée au service le 15 septembre 2015, la société Beicip Franlab a expressément accepté les rehaussements à hauteur de 147 946 euros en matière d'impôt sur les sociétés et de 33 euros en matière de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés. La demande présentée devant le tribunal de décharge de la somme totale de 2 472 626 euros mise en recouvrement le 16 mars 2015 est par suite irrecevable à hauteur de la somme acceptée de 147 979 euros.
4. En réponse à la réclamation préalable du 15 septembre 2015, l'administration fiscale a partiellement admis le 8 août 2017, le bien-fondé de cette réclamation, à concurrence de la somme de 61 242 euros de droits et 7 808 euros de pénalités. Ces sommes n'étant plus en litige avant même l'introduction de la requête de première instance, la demande de la société Beicip Franlab est également irrecevable dans cette mesure.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la déductibilité des retenues à la source prélevées à l'étranger des bases imposables à l'impôt sur les sociétés :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale effectue, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat entre dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément aux dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, être déterminé sous déduction de "toutes charges" ayant grevé la réalisation desdites opérations. Doivent, notamment, être regardées comme telles, à moins d'une stipulation conventionnelle spécifique y faisant obstacle, les impositions, de toute nature, que l'entreprise a supportées, du fait de ces opérations, dans ledit Etat.
6. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires.
7. La société Beicip Franlab précise pour la première fois en cause d'appel que les redevances d'exploitation de licences de source étrangère qu'elle a perçues au cours des exercices considérés, dont elle a enregistré les produits pour leur montant net des retenues à la source prélevées par les Etats source et imputé corrélativement les crédits d'impôt correspondants sur ses impositions à hauteur des deux tiers, proviennent du Brésil, d'Espagne, du Gabon, du Maroc, du Mexique, de Trinité et Tobago, de Tunisie, d'Arabie Saoudite et d'Equateur.
S'agissant des redevances de source espagnole, gabonaise, mexicaine et trinidadienne,
8. Aux termes de l'article 24 de la convention entre la république française et le royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Madrid le 10 octobre 1995 : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : / a) Les revenus qui proviennent d'Espagne, et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet État, conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt espagnol n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. ".
9. Aux termes de l'article 26 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Gabon tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale, signée à Libreville le 21 avril 1966 : " Il est entendu que la double imposition est évitée de la manière suivante : (...) 3. Les revenus visés aux articles 13, 15, 18 et 20 provenant du Gabon et perçus par résidents de France sont imposables en France pour leur montant brut. L'impôt gabonais perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt gabonais perçu mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus ".
10. Aux termes de l'article 21 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Mexico le 7 novembre 1991 : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : a) Les revenus qui proviennent du Mexique, et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet Etat conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation française. Dans ce cas, l'impôt mexicain n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français ".
11. Aux termes de l'article 24 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de la Trinité-et-Tobago en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et d'encourager le commerce et les investissements internationaux signée à Port d'Espagne le 5 août 1987 : " (...) 2. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : (...) b) Les revenus visés aux articles 10 (Dividendes), 11 (Intérêts), 12 (Redevances), 14 (Frais de direction), 17 (Tantièmes), 18 (Artistes et sportifs) et 23 (Autres revenus) provenant de la Trinité-et-Tobago sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut. L'impôt de la Trinité-et-Tobago perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt de la Trinité-et-Tobago perçu mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus. Ce crédit est imputable sur les impôts visés à l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 2 (Impôts visés), dans les bases d'imposition desquels les revenus en cause sont compris ".
12. Il résulte des termes même de ces stipulations que les conventions fiscales franco-espagnole, franco-gabonaise, franco-mexicaine et franco-trinidadienne, qui prévoient expressément que les revenus de source étrangère sont imposables pour leur montant brut ou que l'impôt acquitté à l'étranger n'est pas déductible de ces revenus, s'opposent à ce que le contribuable français prenne en compte, pour la détermination de son résultat fiscal, les redevances provenant de ces Etats pour leur montant net des impositions prélevées dans l'Etat source.
S'agissant des redevances de source brésilienne, saoudienne et équatorienne :
13. Aux termes de l'article 12 de la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Brasilia le 10 septembre 1971 : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et payées à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ". L'article 22 de la même convention stipule que : " La double imposition est évitée de la façon suivante : (...) 2. Dans le cas de la France : (...) c) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus ".
14. Aux termes de l'article 15 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune, signée le 18 février 1982 : " (...) 2. En ce qui concerne la France, (...) les autres revenus visés par la Convention perçus par un résident de France peuvent être imposés en France, mais l'impôt saoudien prélevé sur ces revenus ouvre droit à un crédit imputable sur l'impôt français afférent à ces revenus. Toutefois, l'impôt français est calculé sur les revenus imposables en France en vertu de la présente Convention au taux correspondant au total des revenus imposables selon la législation française ".
15. Aux termes de l'article 23 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République équatorienne en vue d'éviter la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Quito le 16 mars 1989 : " La double imposition est évitée de la manière suivante : / 1. En ce qui concerne la France : Quand une personne résidente de France perçoit un revenu qui, d'après les dispositions de la présente convention, peut être imposé dans les deux Etats contractants, la France accorde à cette personne, à titre d'imputation sur son impôt, une somme égale à l'impôt payé en Equateur. Toutefois, cette imputation ne peut excéder la part de l'impôt français, calculé avant d'opérer l'imputation, correspondant au revenu imposé en Equateur. "
16. Ces stipulations prévoient que l'impôt acquitté au Brésil, en Arabie saoudite et en Equateur sur les revenus des résidents fiscaux français donne lieu à compensation par imputation d'un crédit d'impôt sur l'impôt français. En vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, en ce compris les sommes ouvrant droit à crédit d'impôt. Il s'ensuit que les conventions fiscales franco-brésilienne, franco-saoudienne et franco-équatorienne s'opposent à la déductibilité des retenues à la source prélevées à l'étranger.
S'agissant des redevances de source marocaine et tunisienne :
17. Aux termes de l'article 16 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée à Paris le 29 mai 1970 : " (...) 2. Les redevances non visées au paragraphe 1 provenant d'un Etat contractant et payées à une personne domiciliée dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes de l'article 25 de la même convention : " (...) 2. En ce qui concerne les revenus visés aux articles 13, 14 et 16 ci-dessus, l'Etat contractant sur le territoire duquel le bénéficiaire a son domicilie fiscal peut, en conformité avec les dispositions de sa législation interne, les comprendre dans les bases des impôts visés à l'article 8 pour leur montant brut ; mais il accorde sur le montant des impôts afférents à ces revenus, et dans la limite de ce montant, une réduction correspondant au montant des impôts prélevés par l'autre Etat sur ces mêmes revenus ".
18. Aux termes de l'article 29 de la convention entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée à Tunis le 28 mai 1973 : " La double imposition est évitée de la manière suivante : / 1. Dans le cas de la France : (...) b) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 18, 19, 23 et 24 ci-dessus, la France peut, en conformité avec les dispositions de sa législation, les comprendre dans la base des impôts visés à l'article 9 pour leur montant brut ; mais elle accorde sur le montant des impôts afférents à ces revenus une réduction correspondant au montant des impôts prélevés en Tunisie sur ces mêmes revenus (...) ".
19. Les conventions fiscales franco-marocaine et franco-tunisienne, qui prévoient l'élimination de la double imposition des revenus de source étrangère par la réduction des impositions dues en France pour un montant correspondant à l'imposition acquittée à l'étranger, s'opposent également à ce que l'imposition acquittée à l'étranger constitue une charge déductible du résultat fiscal du contribuable établi en France.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 19 que les conventions fiscales applicables aux redevances perçues par la société Beicip-Franlab dont le service a remis en cause la prise en compte pour leur montant net excluent la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans l'Etat source. L'administration fiscale était par suite fondée à réintégrer dans les bases d'imposition de la société Beicip-Franlab à l'impôt sur les sociétés, les retenues à la source acquittées en Espagne, au Gabon, au Mexique, à la Trinité-et-Tobago, au Brésil, en Arabie saoudite et en Equateur, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe de connexion fiscalo-comptable, dès lors que, si l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts dispose que " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général ", c'est " sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ".
En ce qui concerne la base imposable à la contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés :
21. Aux termes de l'article 235 ter ZC du code général des impôts : " I. Les redevables de l'impôt sur les sociétés sont assujettis à une contribution sociale égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) ".
22. La société Beicip-Franlab soutient, s'agissant de la contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés, qu'à défaut de crédit d'impôt correspondant à la retenue imposée dans l'Etat source, le seul moyen d'éliminer la double imposition est de limiter la base taxable au montant net des redevances perçues. Toutefois, dès lors que la double imposition est éliminée par l'imputation de crédits d'impôt d'un montant équivalant à l'impôt acquitté à l'étranger, dont l'administration a d'ailleurs rétabli le bénéfice en intégralité au profit de la société Beicip-Franlab par compensation, le moyen ne peut qu'être écarté.
23. La société Beicip-Franlab ne peut par ailleurs soutenir que l'assujettissement à la contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés du montant des retenues à la source conduit à l'imposer sur un revenu fictif, dès lors les capacités contributives des entreprises peuvent être appréciées par le législateur sur des critères objectifs indépendants des sommes réellement perçues par le contribuable.
En ce qui concerne l'intégration des retenues à la source prélevées à l'étranger dans les bases imposables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :
24. Aux termes de l'article 1586 sexies du code général des impôts : " I.- Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : (...) - des redevances pour concessions, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires ; (...) / 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, (...) b) Et, d'autre part : (...) - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; (...) ". Les dispositions de cet article fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il en résulte que les "taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées" désignent la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise.
25. Ces dispositions ne prévoient pas l'exclusion des retenues à la source prélevées à l'étranger de la base taxable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, quelles que soient les stipulations des conventions fiscales conclues avec les Etats source. C'est par suite à bon droit que, pour la détermination de l'assiette de la CVAE due par la société requérante, le service a pris en compte les redevances de source étrangère pour leur montant brut, y compris les redevances en provenance d'Angola, pays avec lequel la France n'est pas liée par une convention fiscale. La société Beicip-Franlab n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir du paragraphe 40 de la doctrine administrative référencée BOI-CVAE-BASE-20 du 23-09-2014, postérieure aux impositions en litige.
En ce qui concerne l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses de sous-traitance à l'IFPEN :
26. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, (...) ; b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) d) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à : / 1° Des organismes de recherche publics ; (...) / d ter) Les dépenses mentionnées aux d (...) entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. (...) ".
27. La société Beicip-Franlab a pris en compte, pour la détermination du crédit d'impôt recherche auquel elle prétend, des dépenses de sous-traitance à l'IFPEN d'opérations de recherche et développement de logiciels spécialisés pour des montants de 2 711 309 euros en 2009, 2 035 403 euros en 2010 et 2 917 987 euros en 2011, plafonnées à 2 millions d'euros en application du paragraphe d ter) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. L'administration fiscale, qui ne remet pas en cause l'éligibilité au crédit impôt recherche du coût de recherche et développement des projets TemisFlow, FracaFlow et PumaFlow, en refuse le bénéfice au motif que ces coûts ne peuvent être identifiés au vu des factures de sous-traitance adressées par l'IFPEN à la société requérante.
28. Aux termes de la convention n° 28 341 " relative au développement, à la commercialisation et à l'utilisation de logiciels IFP du domaine exploration - gisements " conclue le 28 mai 2003 entre l'Institut français du pétrole et la société Beicip-Franlab, modifiée par un avenant du 13 décembre 2005 modifiant notamment les conditions financières du contrat, les prestations sous-traitées sont rémunérées sous forme de redevances assises sur le chiffre d'affaires résultant de la commercialisation des logiciels par la société Beicip-Franlab. Si ce mode de rémunération fait participer le sous-traitant aux risques de l'opération, il n'exclut pas, par lui-même, que les redevances incluent des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt recherche.
29. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment du rapport réalisé par l'expert mandaté, sur la demande du ministre des finances et des comptes publics, par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que l'expert a, au vu des descriptifs techniques des projets, des factures émises par l'IFPEN, de la comptabilité de la société Beicip-Franlab valorisée ventilée par projet et par année, et de la planification des projets, vérifié que, pour chaque facture, chaque poste était en adéquation avec le projet, validé les postes en adéquation et fait la somme des postes éligibles année par année. Il conclut que la somme des postes facturés en adéquation avec les opérations de recherche et développement de la société requérante s'établit à 2 000 631 euros pour 2009, 2 030 851 euros pour 2010 et 2 365 078 euros pour 2011, soit au-dessus de la limite globale de deux millions d'euros par an rappelée au point 26. Ces constatations, qu'aucune pièce du dossier ne contredit, sont corroborées par les attestations du directeur financier de l'IPFEN. Dans ces conditions, la société Beicip-Franlab est fondée à revendiquer le bénéfice des crédits d'impôt recherche qu'elle a déclarés au titre des années 2009 à 2011.
30. Il résulte de ce qui précède que la société Beicip Franlab est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge à hauteur du crédit d'impôt recherche afférent à ses dépenses de recherche et développement sous traitées à l'IFPEN déclaré aux titres des années 2009, 2010 et 2011. Il y a en outre lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Beicip-Franlab en l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La société Beicip Franlab est déchargée des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie à raison de la remise en cause de ses crédits d'impôt recherche déclarés au titre des exercices 2009, 2010 et 2011.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Beicip-Franlab au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 1708995 du 14 février 2019 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 19VE01281