Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, la SAS Stocking Corp, représentée par Me Guillot, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 413 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Stocking Corp soutient que :
- les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- la garantie liée au débat oral et contradictoire n'a pas été respectée ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- son activité devait lui ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt recherche qui lui a été accordé à bon droit puis repris à tort ;
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui lui ont été infligées ne sont pas fondées, l'administration n'apportant pas la preuve dont la charge lui incombe de la réalité des manoeuvres alléguées.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Stocking Corp, dont le capital est détenu à parts égales par MM. Evrard etMeimoun, a pour objet la création, la fabrication, la commercialisation et la vente de vêtements. Elle s'est installée dans des locaux que lui louait la SCI Foncière Cartier, en exécution d'un contrat de bail de location conclu le 29 octobre 2010. Elle avait auparavant conclu, le 16 septembre 2010, un contrat de collaboration avec la société AMS Studio en vue de la création pour l'année 2011 d'une collection de 300 modèles, ramenés à 100 par avenant du
15 novembre 2010. Un contrat de licence de fabrication et de distribution a parallèlement été conclu, le 16 décembre 2010, avec la Sarl Body One pour fabriquer et commercialiser ses modèles sous la marque " Body One ", la fabrication étant sous-traitée, notamment, à une quatrième société, la société tunisienne SMTC. La requérante a obtenu, par une décision du
15 mars 2011, le bénéfice d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de
500 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010. Elle a ensuite fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 21 janvier 2013, a remis en cause le crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié et procédé à la rectification correspondante en matière d'impôt sur les sociétés. Cette rectification a été a assortie d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales :
" I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la vérification de la comptabilité de la société requérante s'est déroulée sur place du 4 novembre 2011 au 24 janvier 2012, soit dans le délai de trois mois prévu par les dispositions susvisées. Si la SAS Stocking Corp soutient que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet aurait eu une durée supérieure à trois mois, et même à six mois, en raison de visites domiciliaires opérées dans ses locaux et chez son dirigeant en avril 2012, à la suite de quoi des documents ont été saisis, qui ne lui ont été restitués qu'en juin 2012, ainsi que de visites domiciliaires dans les locaux des entreprises AMS Studio et Body One, avec lesquelles elle est en relation d'affaires, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, à qui aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'interdisait de procéder à une visite domiciliaire par application de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales postérieurement à la vérification de comptabilité, ait utilisé des informations recueillies au cours de ces visites domiciliaires pour fonder la reprise du crédit d'impôt accordé à la société requérante. Au contraire, dans le seul cadre des opérations de contrôle sur place dont la requérante a fait l'objet, l'administration a pu constater que la
SAS Stocking Corp ne fabriquait pas de marchandise, ni n'en réceptionnait ou n'en vendait, qu'elle n'exerçait aucune activité qui lui soit propre, et qu'aucun flux financier n'avait été inscrit en comptabilité à l'exception du crédit d'impôt recherche qui lui a été alloué. Hormis ce crédit d'impôt, la société requérante n'avait aucune recette, les charges, uniquement constituées de charges constituées d'avance, se résumant à trois factures, l'une pour la location d'un local et deux autres émanant des sociétés AMS Studio et Body One. Par suite, les éléments obtenus lors des visites domiciliaires étaient surabondants, aucun d'eux n'ayant été opposés par l'administration pour fonder les rectifications. Aucune prolongation de la procédure de vérification n'ayant résulté des visites domiciliaires opérées, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
4. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que ci-dessus, la SAS Stocking Corp n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu du fait que des informations obtenues dans le cadre des visites domiciliaires auraient été utilisées pour fonder les rectifications sans donner lieu à un débat oral avec le vérificateur.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Ces dispositions mettent à la charge de l'administration une obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers en vue de fonder l'imposition, et une obligation de lui communiquer, à sa demande, ces renseignements afin de le mettre à même d'en discuter l'authenticité et la teneur.
6. D'une part, s'agissant de l'obligation d'information, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification adressée à la société requérante qu'elle a été clairement informée de l'origine et de la teneur des informations obtenues de tiers par l'indication des informations susceptibles de lui être opposées.
7. D'autre part, s'agissant de la communication de ces renseignements, le service a repris, dans cette même proposition de rectification, avec suffisamment de précision pour que la société puisse les discuter et ce, malgré des passages occultés, les termes de celle adressée à la Sarl AMS Studio, en outre annexée à la réponse aux observations de la société requérante. Le moyen tiré de ce que, faute de communiquer l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la Sarl AMS Studio, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article
L.76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
8. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration aurait refusé de lui communiquer, malgré la demande qu'elle a faite en ce sens, les documents obtenus dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, pour soutenir que les dispositions de l'article L.76 B ont été méconnues, la communication des documents obtenus dans le cadre d'une visite domiciliaire ne relevant pas du droit de communication de pièces obtenues de tiers.
9. En dernier lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative qu'elle invoque pour contester la régularité de la procédure d'établissement des impositions supplémentaires en litige.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
10. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. / Le taux de 30 % mentionné au premier alinéa est porté à 50 % et 40 % au titre respectivement de la première et de la deuxième année qui suivent l'expiration d'une période de cinq années consécutives au titre desquelles l'entreprise n'a pas bénéficié du crédit d'impôt et à condition qu'il n'existe aucun lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre cette entreprise et une autre entreprise ayant bénéficié du crédit d'impôt au cours de la même période de cinq années. (...) ".
11. La requérante a déposé le 19 janvier 2011 une déclaration tendant à obtenir, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010, le remboursement d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 500 000 euros pour des dépenses de collection exposées par les entreprises industrielles du secteur textile habillement cuir. Il résulte de l'instruction que cette demande est exclusivement fondée sur les factures établies par la SARL AMS Studio, lesquelles présentent un caractère fictif ainsi comme exposé au point 3 ci-dessus. Cette circonstance faisait à elle seule obstacle à ce que la société requérante puisse prétendre au crédit d'impôt pour dépenses de recherche sollicité. Par suite, l'administration était fondée à en réclamer la restitution à la SAS Stocking Corp.
Sur les pénalités :
12. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ".
13. La société requérante soutient que la majoration prévue par les dispositions citées au point précédent n'est pas applicable, à défaut pour l'administration de démontrer le caractère fictif des factures émises par la SARL AMS Studio. Il résulte toutefois des éléments rappelés
ci-dessus que l'administration a suffisamment démontré l'existence d'un schéma frauduleux dont a fait usage la société requérante pour justifier du remboursement d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche injustifié. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses en ce qui concerne son application aux rehaussements à l'impôt sur les sociétés.
14. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir de ce que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Stocking Corp est rejetée.
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N° 19VE02799