Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2017, et un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, la commune de Trappes, représentée par la SCP A...- Colin - Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 403 772 euros en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant jusqu'au décret du 30 avril 2015 de prendre les mesures d'application de l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales disposant de la compensation par l'Etat de l'exonération de taxe foncière prévue à l'article 1384 C du code général des impôts instaurée par l'article 46 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 ; la loi posait le principe de compensation intégrale au moment où la commune a conclu le 19 décembre 2003 la cession de son parc social immobilier ; la seule circonstance que, par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le législateur a décidé explicitement que les pertes de recettes pour les communes résultant de l'allongement de la durée des exonérations de taxe foncière seraient compensées intégralement, ne permettait pas d'en déduire que, dans le silence de la loi, la compensation n'était antérieurement que partielle ;
- le vide juridique quant aux modalités de compensation et les affirmations du préfet lui ont laissé présumer que le législateur envisageait la compensation intégrale de taxe foncière ce qui l'a conduite à conclure un protocole avec l'Etat et la société SAREPA ;
- le tribunal n'a pas tenu compte de l'acquiescement aux faits par l'Etat sur l'engagement de ce dernier en 2003 de compenser intégralement les baisses de rentrées fiscales ;
- le préjudice subi par la commune du fait de cette carence fautive de l'Etat à prendre les mesures réglementaires d'application de l'article L. 2335-3 dans un délai raisonnable est constitué par la différence entre les sommes qu'elle aurait perçues de l'Etat si ce dernier avait intégralement compensé l'exonération de taxe foncière bénéficiant à la société SAREPA et les sommes qu'elle a effectivement perçues en application de l'article R. 2335-4 du code général des collectivités territoriales ; ainsi, c'est une perte de 12 403 772 euros qui a été enregistrée par la commune de Trappes pour les années 2004 à 2017.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Trappes.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Il appartient alors seulement au juge administratif de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier. Si le ministre de l'intérieur et le secrétaire général du gouvernement n'ont pas produit de mémoire après les mises en demeure qui leur ont été adressées le 6 mars 2015 par le tribunal, cette absence de mémoire ne dispensait pas le tribunal d'examiner les pièces du dossier de première instance avant de tenir les faits allégués par la commune de Trappes comme établis. En l'espèce, les pièces produites par la commune, notamment la copie de l'arrêt n° 11VE01061, contredisaient la situation de fait invoquée par la commune s'agissant de l'existence d'une assurance donnée ou d'un engagement pris par l'Etat vis-à-vis de la commune quant au montant de la compensation qui lui serait versée du fait de l'exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie dont a bénéficié la société SAREPA. En conséquence, et en tout état de cause, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'une irrégularité dans l'application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de l'article 46 de la loi du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001 : " Lorsque les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, prévues aux articles 1384 et 1384 A, et 1384 D du code général des impôts et aux I et II bis de l'article 1385 du même code, entraînent pour les communes une perte de recettes substantielle, ces collectivités ont droit à une compensation par l'Etat dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2335-4 du même code : " Lorsque les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues aux articles 1384, 1384 A et 1384 D du code général des impôts et aux I et II bis de l'article 1385 du même code entraînent pour les communes une perte de recettes supérieure à 10 % du produit communal total de la taxe foncière sur les propriétés bâties, ces collectivités reçoivent une allocation de l'Etat égale à la différence entre ladite perte de recettes et une somme égale à 10 % du produit de la taxe précitée ". Alors que l'article 46 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 a étendu le champ d'application des dispositions de l'article L. 2335-3 précité en insérant, après la référence à l'article 1384 A du code général des impôts, une référence à l'article 1384 C du même code, les dispositions de l'article R. 2335-4 précitées n'ont pas été modifiées, l'administration s'étant néanmoins référé aux règles de cet article R. 2335-4 pour déterminer, à compter de l'année 2004, la perte de ressources communales due à l'exonération de taxe sur la propriété foncière bâtie bénéficiant à la société SAREPA à la suite de la vente du patrimoine de logements de la commune à cette société de HLM.
3. Il résulte de l'instruction que l'Etat n'a pas adopté dans un délai raisonnable le texte réglementaire d'application expressément prévu par l'article 46 de la loi du 28 décembre 2001, l'article R. 2335-4 n'ayant été modifié à cette fin que par le décret n° 2015-502 du 30 avril 2015. Si cette carence fautive est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des termes de l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales modifié, éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 2001-1276 dont la modification est issue, qui étendent aux " logements acquis en vue de leur location, avec le concours financier de l'Etat, en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation " le droit à " une " compensation en cas d'une perte de recettes " substantielle " pour les collectivités, que la commune aurait été en droit de bénéficier d'une compensation intégrale. Par suite, le préjudice invoqué par la commune de Trappes ne présente pas de lien direct et certain avec la faute de l'Etat.
4. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que, d'une part, l'absence de décret en Conseil d'Etat aurait été de nature à laisser espérer une compensation intégrale distincte des compensations prévues par l'article R. 2335-4, d'autre part, que l'Etat se serait engagé vis-à-vis de la commune de Trappes sur un principe de compensation intégrale des exonérations de taxe foncière sur la propriété bâtie dont devait bénéficier la société SAREPA à compter de l'année 2004. Enfin, si la commune requérante soutient que l'Etat a commis des fautes, en consentant irrégulièrement en 2003 des avantages à la société SAREPA pour lui permettre de se porter acquéreur du parc immobilier de la commune et faisant subir à la commune les conséquences de cette vente par son refus de compenser les pertes financières subies du fait de l'exonération de taxe foncière octroyée à la société SAREPA, elle n'apporte ni les précisions suffisantes, ni les éléments de nature à les établir. Dans ces conditions, la commune requérante ne peut utilement soutenir qu'en l'absence de tels agissements, elle n'aurait pas signé le 19 décembre 2003, le protocole de cession de son patrimoine.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune n'ayant pas été privée d'un droit de bénéficier d'une compensation intégrale de taxe foncière sur les propriétés bâties cédées à la société SAREPA, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 12 403 772 euros correspondant pour les années 2004 à 2017 à la perte de recettes résultant de l'abattement appliqué à la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties consentie à la société SAREPA augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts doivent être rejetées.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Trappes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Trappes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Trappes est rejetée.
N° 17VE00539 4