Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 janvier 2015, le 6 avril 2016 et le
28 octobre 2016, la SA SODICA CARRIERES, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté.
Elle soutient que :
- la convocation des conseillers généraux a été irrégulière :
- la mise en compatibilité des PLU est irrégulière ; une seule réunion s'est tenue à ce sujet ; il n'est pas établi que les organismes indiqués à l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme ont été convoqués, notamment s'agissant des représentants de la profession agricole et qu'il n'y a pas eu de véritable procédure d'examen conjoint ;
- le commissaire enquêteur n'a pas formulé un avis personnel sur la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des quatre communes concernées ;
- le commissaire enquêteur ne peut sérieusement avoir analysé l'impact économique du projet sans avoir répondu à ses observations ;
- le projet est incompatible avec le SDRIF en ce qu'une protection rigoureuse de l'environnement et notamment des espaces paysagers n'est pas assurée ;
- l'utilité publique du projet n'est pas établie en ce que le projet serait divisible en deux tronçons distincts et indépendants, la liaison RD 22-RD 55 étant dépourvue d'utilité publique ;
- le projet empiète sur les terrains sur lesquels elle souhaite développer son activité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016 et un mémoire enregistré le
4 octobre 2016, le département des Yvelines, représenté par son président en exercice, et ayant pour avocat MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SA SODICA CARRIERES le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA SODICA CARRIERES ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la voirie routière ;
- le schéma directeur de la région d'Ile-de-France ( SDRIF) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agier-Cabanes,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., pour la SA SODICA CARRIERES et de Me C...pour le département des Yvelines.
1. Considérant que par un arrêté du 8 février 2013, le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique, au profit du département des Yvelines, le projet d'aménagement de la liaison départementale entre les routes RD 30 et RD 190 sur les territoires des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes, Poissy et Triel-sur-Seine, avec construction d'un franchissement de la Seine par un pont à Achères ; que cet arrêté vaut également mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de ces communes ; que la SA SODICA CARRIERES a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision du 7 juin 2013 par laquelle le préfet des Yvelines a rejeté son recours gracieux ; que par un jugement du 7 novembre 2014 dont la société requérante relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la procédure antérieure à la déclaration d'utilité publique
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales : " Douze jours au moins avant la réunion du conseil général, le président adresse aux conseillers généraux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises. Les rapports peuvent être mis à la disposition des conseillers qui le souhaitent par voie électronique de manière sécurisée ; cette mise à disposition fait l'objet d'un avis adressé à chacun de ces conseillers dans les conditions prévues au premier alinéa " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'une attestation selon laquelle les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ont été respectées lors de la convocation des séances des 8 et 13 juillet 2012 du conseil général au cours desquelles ont été respectivement approuvés le dossier soumis à enquête publique et le projet définitif a été produite par l'administration ; que cette attestation fait foi jusqu'à preuve du contraire ; que la société requérante n'apportant aucune précision à l'appui de ses allégations, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 3121-19 de ce code n'est pas fondé et doit être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) b) L'acte déclaratif d'utilité publique ou la déclaration de projet est pris après que les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint du représentant de l'Etat dans le département, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, du maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé le projet, de l'établissement public mentionné à l'article L. 122-4, s'il en existe un, de la région, du département et des organismes mentionnés à l'article L. 121-4, et après avis de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, du conseil municipal. (...) " ; que, d'une part, aucune règle n'interdit d'organiser l'examen conjoint des dispositions visant à assurer la mise en compatibilité de plusieurs plans locaux d'urbanisme avant l'édiction d'une déclaration d'utilité publique par la tenue d'une unique réunion avec les divers organismes et personnes publiques mentionnés à l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, il ressort de la liste jointe à la convocation de cette réunion que les personnes énumérées à l'article L. 121-4 du même code ont également été convoquées ; qu'enfin, un représentant de la profession agricole était présent ; que, dès lors, l'examen conjoint des plans locaux d'urbanisme d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes et
Triel-sur-Seine ayant fait l'objet de cette réunion n'est pas entaché d'irrégularité ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme n'est pas fondé et doit être écarté ;
Sur l'enquête publique
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent article sont applicables à la déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec un plan local d'urbanisme. (...) L'enquête publique est organisée dans les formes prévues par les articles R. 11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-23 du même code : " La déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : a) L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; (...) " ; que l'article L. 131-4 du code de la voirie routière dispose que, lorsque l'opération comporte une expropriation, l'enquête d'utilité publique tient lieu de l'enquête exigée pour le classement et déclassement des routes départementales ; qu'aux termes de l'article R. 11-14-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors en vigueur : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête examine les observations consignées ou annexées aux registres d'enquête et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à la déclaration d'utilité publique de l'opération. (...) " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, si le président de la commission d'enquête ou le commissaire enquêteur n'a pas à répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, il doit indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable au projet et un avis favorable, à la page 27 de son rapport, à la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des quatre communes concernées ; que par une telle motivation, laquelle était succinte, aucune observation du public n'ayant porté sur cette mise en compatibilité, le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant entendu énoncer que, quel que soit par ailleurs son avis sur l'utilité publique du projet, et notamment même dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, il rendrait un avis défavorable sur celle-ci, les modifications réglementaires proposées en vue de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec le projet d'opération soumis à déclaration d'utilité publique étaient effectivement induites par ce projet et nécessaires à sa mise en oeuvre ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence d'avis personnel du commissaire enquêteur sur la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme de ces communes ne peut être accueilli ;
6. Considérant que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à toutes les observations du public, et, en particulier, à celles de la SA SODICA CARRIERES, a suffisamment analysé, dans son rapport, l'impact économique du projet ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'étude d'impact n'est pas fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté en toutes ses branches ;
Sur la compatibilité avec le SDRIF
7. Considérant qu'il résulte de l'article L. 141-1-2 du code de l'urbanisme qu'une déclaration d'utilité publique ne peut intervenir si elle n'est pas compatible avec les dispositions du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, qui doit le cas échéant, être mis en compatibilité pour que la déclaration d'utilité publique puisse être prononcée ; que la SA SODICA CARRIERES soutient que l'objectif du SDRIF de protection des espaces paysagers et de l'environnement a été méconnu dès lors que des espaces naturels et agricoles seront endommagés, que divers corridors faunistiques seront détruits portant atteinte aux oiseaux et aux chauve-souris, des animaux pouvant entrer en collision avec les véhicules et le sud de la boucle de Chanteloup se trouvant isolée, que la construction du pont d'Achères détruira diverses formations végétales composant des herbiers aquatiques ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, si le SDRIF prévoit notamment que, si la plaine centrale de la boucle de Chanteloup doit comporter un espace paysager sans discontinuité d'une grande superficie, cet objectif doit se combiner avec celui du désenclavement routier de la boucle de Chanteloup, en vue du développement de celle-ci en matière d'habitat et d'activités économiques également prévu par ce schéma ; que, notamment, ce désenclavement suppose la réalisation du projet de liaison entre les routes départementales RD 30 et RD 190 ; que, d'autre part, aucune zone bénéficiant d'un statut de protection au titre des milieux naturels n'est répertorié sur le site et ses abords immédiats, les secteurs intéressants d'un point de vue écologique se regroupant dans une ZNIEFF située à l'écart des secteurs prévus par le projet ; que le paysage de plaine est protégé des engazonnement des abords de la voie, des plantations et une insertion discrète dans l'environnement rural ; que diverses mesures permettent de minimiser les impacts sur les berges du fleuve (absence de pile dans le bras secondaire de la Seine, conservation d'un linéaire boisé sous le viaduc) ; que la société requérante n'établit pas, ni même n'allègue, que les mesures compensatoires prévues pour réduire les effets dommageables sur le paysage, la faune et la flore de la réalisation de cette liaison routière seraient insuffisantes ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le SDRIF n'est pas fondé et doit être écarté ;
Sur l'utilité publique du projet
9. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
10. Considérant que la SA SODICA CARRIERES soutient que le projet est divisible en deux tronçons distincts et indépendants et que celui reliant les routes départementales RD 22 et RD 55 et empiétant sur les terrains sur lesquels elle souhaite développer son activité serait dépourvu d'utilité publique, ce moyen, déjà soulevé en première instance, est repris sans changement en appel : qu'il y a, dès lors, lieu de l'écarter par les motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA SODICA CARRIERES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement au département des Yvelines une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA SODICA CARRIERES est rejetée.
Article 2 : La SA SODICA CARRIERES versera au département des Yvelines une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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