Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018, M.B..., représenté par Me Monconduit, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet qui a considéré que la présence de l'intéressé au-delà du second trimestre 2015 n'était pas justifiée ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et présente un défaut d'examen particulier ;
- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de sa durée de présence en France ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les termes de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- le préfet a dénaturé sa demande de titre de séjour en l'examinant sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié, en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guével a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant marocain, né le 14 novembre 1976 et entré en France le 23 juillet 2009 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour en France le 26 septembre 2017 sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 3 avril 2018 du préfet du Val-d'Oise portant refus de délivrance de titre de séjour, faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait au regard de la justification de la présence en France après l'année 2015 que M. B...avait invoqué en première instance à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de séjour. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a omis de statuer sur ce moyen invoqué à l'appui des conclusions en annulation de la décision de refus de séjour et doit être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur les conclusions présentées par M. B... à l'encontre la décision de refus de titre de séjour par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté du 3 avril 2018 du préfet du Val-d'Oise que, s'agissant de la décision de refus de séjour, il mentionne que M. B...n'est pas en mesure de justifier du visa de long séjour en qualité de " salarié " exigé de l'étranger désireux de s'installer en France plus de trois mois en vertu de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne produit pas le contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-1 du code du travail pour exercer en France une activité professionnelle, que l'intéressé ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale qu'il peut bénéficier d'une mesure de régularisation à titre exceptionnel. Dès lors, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée même si elle ne mentionne pas l'ensemble des éléments dont l'intéressé entend se prévaloir. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.B....
7. M. B...soutient que la décision de refus de séjour que le préfet du Val-d'Oise lui a opposée est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où c'est à tort que l'autorité préfectorale a considéré que l'intéressé ne justifiait pas de sa présence en France à partir de l'année 2016.
8. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 3 avril 2018 en litige du préfet du Val-d'Oise qu'il mentionne, contrairement à ce que soutient M.B..., que la présence de celui-ci en France n'est avérée que depuis le second semestre 2015.
9. En admettant que M.B..., qui a déclaré être entré en France le 23 juillet 2009, ait entendu soulever le moyen tiré de l'erreur de fait sur la justification de durée de sa présence en France au titre de la période précédant le second semestre 2015, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a produit, au titre de chacune des années 2010 à 2014 et du premier semestre 2015, des pièces éparses, en particulier quelques documents médicaux et paramédicaux, des reçus de transferts de fonds et relevés bancaires, ainsi que des courriers relatifs aux droits à la réduction Solidarité Transports STIF et à l'aide médicale d'Etat, des attestations de domiciliation administrative Inser-Asaf et des avis d'impôt sur les revenus, qui, par leur nombre et leur nature, ne sont pas suffisamment probants pour établir la résidence habituelle en France de l'intéressé au cours des années précitées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
10. L'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " /(...). ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...). ". Selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). ".
11. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la fiche établie à l'occasion du dépôt de la demande de titre de séjour, que M. B...a sollicité l'obtention d'un titre de séjour en vue de l'exercice d'une activité professionnelle en qualité de " salarié ". Dans la mesure, d'une part, où l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale soit au titre d'une activité salariée en se voyant attribuer l'une des cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions du code précité, et, d'autre part, où l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé prévoit la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", M. B...ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui de sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", s'agissant d'un point traité par l'accord franco-marocain. Pour les motifs exposés ci-dessus, c'est à bon droit que le préfet du Val-d'Oise a examiné cette demande de titre de séjour à l'aune des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait " dénaturé " la demande de titre de séjour doit être écarté.
12. Certes, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Si M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2009 avec son frère de nationalité française et sa demi-soeur, il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne démontre pas, comme il est dit au point 9, résider en France depuis juillet 2009 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où, selon ses propres déclarations, résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12.
15. M. B...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire doit être écarté comme étant inopérant.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
16. En l'absence d'illégalité de la décision de refus de séjour qui lui a été opposée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision relative au séjour.
17. Pour les motifs exposés aux points 9, 12 et 14, les moyens tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804510 du 8 octobre 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2018 du préfet du Val-d'Oise portant refus de séjour.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N° 18VE03722