Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M. A....
Le préfet du Val-d'Oise soutient que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré des mauvais traitements qu'aurait subis M. A... en Bulgarie alors qu'il ne les avait pas signalés lors de son entretien à la préfecture et qu'il n'est pas avéré que la Bulgarie connaitrait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement en date du 7 juin 2019 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 10 mai 2019 portant transfert de M. A..., de nationalité pakistanaise, aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
3. Il résulte des dispositions et stipulations précitées que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
4. M. A... a soutenu en première instance avoir été victime d'exactions de la part des autorités de police bulgare, avoir été détenu arbitrairement et privé de nourriture et avoir été menacé d'être placé en détention en cas de retour en Bulgarie. Ces allégations ne sont toutefois pas étayées par les pièces versées au dossier alors que M. A... n'a pas fait état de ces circonstances lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié à la préfecture du Val-d'Oise.
Par suite, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 pour annuler l'arrêté attaqué.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
6. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 12 novembre 2018 les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", traduites en ourdou et que M. A... a paraphées. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait méconnu le droit de l'intéressé à être informé dans une langue qu'il comprend doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
9. Il ressort du " résumé d'entretien individuel " signé par M. A... le 12 novembre 2018 que cet entretien a été mené par un agent de la préfecture du Val-d'Oise qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013. La circonstance que le résumé ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent ayant conduit cet entretien n'est pas à elle seule de nature à établir que ce dernier ne serait pas une " personne qualifiée en vertu du droit national ". L'entretien a été réalisé en ourdou, langue que M. A... a déclaré comprendre. Par suite, M. A... ne saurait valablement se prévaloir de ce que l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 aurait été méconnu.
10. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906354 du 7 juin 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
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N° 19VE02276