Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier 2018 et 2 février 2018, Mme D...épouseA..., représentée par Me Kati, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de sa situation ;
4° de mettre à la charge de l'État a profit de Me Kati la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, en contrepartie de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, en ce que l'entretien tenu en préfecture ne s'est pas déroulé dans les conditions prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'elle n'a pas été informée, notamment, de ce qu'elle pouvait apporter des indications relatives à son état de santé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en ce qu'il ne prend pas en compte son état de santé ;
- il est entaché d'un défaut de base légale au regard des dispositions, d'une part, de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, d'autre part, des dispositions combinées des articles 3 et 13 du même règlement ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Livenais a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...épouseA..., ressortissante iranienne née le 21 mars 1964, fait appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2017 du préfet du Val-d'Oise par lequel il a décidé son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ". L'article 18 de ce règlement dispose, en outre : " 1. L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre; (...) ". L'article 29 dudit règlement précise enfin que : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18 paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant (...), au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 /(...)// 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) ; aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert (...) ". L'article L. 742-6 du même code dispose : " (...) La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office (... ) avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités néerlandaises a été interrompu par la présentation, le 28 novembre 2017, de la demande de MmeD..., épouse A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a couru de nouveau à compter du 14 décembre 2017, date du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait, soit décidé de suspendre l'exécution de la décision de transfert, soit décidé de porter à dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que l'intéressée aurait pris la fuite, ou qu'elle aurait été emprisonnée. Par suite l'arrêté en litige est devenu caduc à la date du 14 juin 2018. Cette circonstance, postérieure à l'introduction de la présente requête, a pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Il n'y pas, par suite, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
7. Eu égard au motif ayant conduit la Cour à constater qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., épouseA..., à savoir la circonstance que la France est désormais l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale procède à une nouvelle instruction de sa demande tendant à son admission au séjour en France aux fins d'y déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de la situation de MmeC..., épouse A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loin° 91-647 du 10 juillet 1991 :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'État la somme qui est demandée à ce titre par le conseil de MmeD..., épouseA....
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 14 novembre 2017 portant transfert de Mme D...épouse A...aux autorités néerlandaises.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise au réexamen de la situation de Mme D...épouseA..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de MmeD..., épouse A...est rejeté.
2
N° 18VE00204