Par un arrêt n° 17VE03385 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par une décision n° 434972 du 9 juin 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles, renvoyé l'affaire à cette cour et mis à la charge de l'État le versement à M. A... d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et une note en délibéré, enregistrés les 15 novembre 2017, 11 septembre 2018 et 24 mai 2019 et, après cassation, les 26 août et 3 décembre 2020, M. A..., représenté par Mes Dauchez et Turot, avocats, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution partielle de retenue à la source sollicitée, pour un montant de 540 804,49 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'administration a méconnu les stipulations de l'article 4 de la convention franco-chinoise du 30 mai 1984 en estimant qu'il ne pouvait pas être regardé comme un résident de Chine au sens des stipulations de cet accord et bénéficier, à ce titre, du taux de retenue à la source sur les dividendes de 10 %, prévu par cette dernière, alors qu'il y résidait habituellement, avec sa famille, depuis 2005, que ses enfants étaient scolarisés, qu'il y exerçait son activité principale en dirigeant une usine localisée en Chine et qu'il y a donc été assujetti à l'impôt sur le revenu des personnes physiques en conséquence.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Deroc,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Turot, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 187 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 30 % pour tous les autres revenus / (...) ". En vertu de l'article 9 de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine, alors applicable : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. 100 du montant brut dans tous les cas. (...) ".
2. M. A..., qui réside à Shanghai, a perçu en 2013 et 2014 des dividendes de sociétés françaises, qui ont, conformément aux dispositions du code général des impôts citées ci-dessus, été soumis à la retenue à la source qu'elles prévoient, au taux de 30 %. L'administration fiscale a, le 21 avril 2016, refusé de faire droit à sa demande tendant à la restitution d'une fraction de ces retenues à la source par application du taux de 10 % prévu par les stipulations conventionnelles citées ci-dessus. Par jugement n° 1604725 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande présentée devant lui par M. A... tendant aux mêmes fins. Par un arrêt n° 17VE03385 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé ce rejet. Par une décision n° 434972 du 9 juin 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 20VE01379.
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " Aux termes de l'article 4 B du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".
4. Il n'est pas contesté que M. A..., qui travaillait en Chine, à Shanghai, en tant que dirigeant d'une usine et y résidait avec son épouse et ses enfants, au cours des années en litige, ne pouvait être regardé comme ayant son domicile fiscal en France en application des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts. Par suite, l'administration était fondée sur le fondement de la loi nationale, à appliquer un taux de 30 % aux dividendes versés à M. A... par deux entreprises françaises cotées.
5. Toutefois, aux termes de l'article 1er de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine, alors applicable : " Le présent accord s'applique aux personnes qui sont des résidentes d'un Etat contractant ou des deux Etats contractants ". Aux termes de son article 4 : " 1. Au sens du présent accord, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction générale ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ".
6. Il résulte des stipulations de l'article 4 de cette convention que, pour son application, la qualité de résident d'un État contractant est subordonnée à la seule condition que la personne qui s'en prévaut soit assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus y trouvant leur source. L'étendue de l'obligation fiscale à laquelle le contribuable est tenu dans cet État est, par elle-même, sans incidence sur la qualification de résident, ces stipulations n'excluant pas, dans leur rédaction applicable, que puissent être regardées comme résidents des personnes dont les seuls revenus pris en compte pour leur assujettissement à l'impôt dans cet État sont, en application des règles d'assiette applicables, les revenus qui y trouvent leur source.
7. M. A... fait valoir, sans être contesté par le ministre et en produisant à l'appui de ses allégations un mémorandum établi par le cabinet Gide Loyrette Nouel " Beijing ", que, conformément à la loi sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques - Décret présidentiel n° 48, modifié et adopté par le Parlement populaire le 30 juin 2011 et entré en vigueur le 1er septembre 2011 - et aux règlements d'application - Décret n° 600 du Conseil d'Etat, modifié et promulgué le 19 juillet 2011 et entré en vigueur le 1er septembre 2011 - applicables pour les années 2013 et 2014, sont notamment résidents fiscaux chinois personnes physiques (a) les personnes de nationalité étrangère (c'est-à-dire les expatriés) qui sont domiciliées sur le territoire de la République populaire de Chine (RPC) - à l'exclusion de Hong-Kong, Macao et Taïwan -, le terme "Domicilié" faisant référence aux personnes qui résident habituellement en Chine à raison de leur déclaration de domicile, leur famille ou leurs intérêts économiques ainsi que (b) les personnes de nationalité étrangère qui ont résidé en RPC pour une durée supérieure à un an, ce qui fait référence aux individus qui résident en RPC une année civile complète, une absence temporaire n'étant pas déduite de la période de calcul d'une telle année complète et le terme "Absence temporaire" fait référence à une absence unique dont la durée n'excède pas 30 jours ou à des absences multiples dont le cumul des durées n'excède pas 90 jours au cours d'une année civile. Il précise qu'en principe, les résidents fiscaux de la RPC sont soumis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques sur leurs revenus mondiaux, à savoir les revenus de source chinoise et les revenus qui ne sont pas de source chinoise.
8. Dans ces conditions et dès lors qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas davantage contesté par le ministre que M. A... résidait habituellement, avec sa famille, en Chine au cours des années en cause, qu'il y disposait d'ailleurs d'un domicile depuis le mois de février 2010 à Shanghai (200040), que ses enfants y étaient scolarisés, et qu'il y exerçait son activité principale en tant que dirigeant d'une usine, de sorte qu'il y a été assujetti à l'impôt sur de revenu en raison de ses liens personnels avec ce pays, quand bien même ses dividendes de source française en étaient exonérés, ce dernier est fondé à soutenir qu'il revêtait la qualité de résident chinois au sens et pour l'application du 1. de l'article 4 de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine et à se prévaloir, en conséquence, des stipulations de l'article 9 de cette dernière pour solliciter la restitution partielle des retenues à la source auxquelles les dividendes de sociétés françaises qu'il a perçus ont été soumis, restitution égale à la différence entre l'application à ces dividendes du taux de 30 % et du taux de 10 %.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604725 du 19 septembre 2017 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Il est accordé à M. A... la restitution partielle des retenues à la source qui ont été prélevées sur les dividendes de source française qu'il a perçus en 2013 et 2014, à concurrence de la somme totale de 540 804,49 euros.
Article 3 : L'État versera la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 20VE01379