Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2014, M. C...et
MmeD..., représentés par Me Drié, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...et Mme D...soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce qu'il ne comporte aucune signature en méconnaissance des dispositions des articles R. 741-7 et suivants du code de justice administrative, d'autre part, en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la charge de la preuve incombait à l'administration ;
- la proposition de rectification du 16 novembre 2011 est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle n'individualise pas les sociétés en participation, qui sont dotées de la personnalité fiscale et n'étaient pas occultes, à raison desquelles l'administration a remis en cause le crédit d'impôt prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
- l'administration était tenue, sauf à commettre un détournement de procédure et à violer de manière déloyale les droits de la défense, de contrôler lesdites sociétés en participation afin d'étayer le rehaussement litigieux, sans pouvoir se borner à utiliser les informations recueillies dans le cadre de son droit de communication ;
- l'administration ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et manquer à son devoir de loyauté, s'abstenir de communiquer la proposition de rectification adressée à la société DTD, gérante des SEP, dès lors qu'il n'est pas établi que, contrairement à ce qui est très probable, les éléments relevés lors du contrôle de cette société n'auraient pas été utilisés pour fonder le rehaussement en litige ;
- si, pour ouvrir droit à réduction d'impôt, l'investissement doit avoir un caractère productif, ce qui est le cas des centrales photovoltaïques, il n'est pas nécessaire qu'il soit entré en production ; le droit à réduction naît donc de la livraison du bien ; ainsi, en exigeant que l'investissement ait obtenu l'agrément du Comité national pour la sécurité des usagers (Consuel), ait fait l'objet d'une demande d'autorisation préalable ou soit raccordé au réseau EDF, l'administration a ajouté des exigences non prévues par les articles 199 undecies B du code général des impôts et 95 K et 95 Q de l'annexe II à ce code, tels qu'interprétés par la doctrine des 12 septembre 2012 référencée BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 et 7 octobre 2013 référencée
BOI-SJ-AGR-40 ; au surplus, l'argument tiré du non-raccordement au réseau est inopérant dès lors que cette absence de raccordement n'est pas imputable aux SEP mais à la société EDF ;
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de tenir compte de ce que les chiffres obtenus dans le cadre du droit de communication étaient à la fois incohérents et contradictoires avec les éléments communiqués par la société EDF.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant qu'en leur qualité d'associés de sociétés en participation (SEP), dont la gestion était assurée par la SARL Dom Tom Défiscalisation (DTD), M. C...et
Mme D...ont bénéficié au titre de l'année 2008 d'une réduction d'impôt sur le revenu, d'un montant de 8 280 euros, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs consistant en l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques en vue de leur exploitation par des sociétés situées en Martinique ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces mené à la lumière des éléments recueillis dans le cadre de son droit de communication et aux termes d'une proposition de rectification du
16 novembre 2011, l'administration, a remis en cause cette réduction d'impôt au motif de l'absence de réalisation des investissements concernés ; que M. C...et Mme D...relèvent appel du jugement du 4 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes qui leur ont été assignées au titre de l'année 2008 en conséquence de cette rectification ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est revêtue des signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. C...et
Mme D...ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
5. Considérant que M. C...et Mme D...reprochent au tribunal de ne pas s'être prononcé sur le moyen soulevé devant lui et tiré de ce que la charge de la preuve incombait à l'administration ; que, toutefois, en relevant expressément qu'il appartenait au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B, le tribunal, qui a ainsi retenu un régime de preuve objective a, par une motivation suffisante, nécessairement écarté ce moyen ; que, par suite, le moyen sus-analysé manque en fait ; qu'en outre, la circonstance, même à la supposer établie, que les premiers juges se seraient mépris sur les règles de dévolution de la charge de la preuve applicables à l'espèce a trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et est, dès lors, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant, en premier lieu, que les suppléments d'impôt sur le revenu assignés à
M. C...et Mme D...procèdent non du rehaussement de leur quote-part des résultats des SEP dont ils étaient associés mais exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt dont il s'étaient prévalus sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que l'administration n'étant tenue par aucune disposition législative ou réglementaire de procéder à un contrôle sur place des SEP concernées avant d'opérer une telle rectification, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute d'un tel contrôle, ils auraient, au prix d'un prétendu détournement de procédure, été indirectement privés des garanties attachées à la vérification de comptabilité des sociétés en participation ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
8. Considérant que la proposition de rectification du 16 novembre 2011 mentionne que M. C...et Mme D...ont, sur la base d'un certificat délivré par la société DTD, porté dans leur déclaration de revenus de l'année 2008 une somme de 8 280 euros correspondant à des investissements outre-mer ouvrant droit à réduction d'impôt ; qu'après avoir décrit le mécanisme de défiscalisation mis en oeuvre en l'espèce, notamment au vu de la brochure d'information éditée par cette société et du dossier de souscription puis rappelé la législation applicable, notamment s'agissant de la notion de réalisation des investissements productifs, ladite proposition indique, en s'appuyant explicitement sur les renseignements obtenus par l'exercice du droit de communication auprès de la société EDF, de l'administration des douanes, et des transitaires antillais Geodis Wilson et Pompière SA, les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour opérer la remise en cause de l'avantage fiscal litigieux ; qu'à cet égard, il est ainsi précisé que ces renseignements, outre qu'ils ont mis en évidence une disproportion entre les fonds collectés et les livraisons de matériels et panneaux photovoltaïques en Martinique, ont permis d'établir que les investissements en cause, qui, en 2008, n'avaient fait l'objet d'aucun certificat de conformité ni d'aucun raccordement au réseau électrique, étaient incapables de fonctionner de manière autonome ; qu'enfin, la proposition de rectification comporte un tableau récapitulant les conséquences financières du redressement envisagé, pour les intéressés, en matière d'impôt sur le revenu ; que, si M. C...et
Mme D...font valoir que ce document ne précise pas le nom de la ou des sociétés en participation dont ils étaient associés, il n'en demeure pas moins qu'il mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle des requérants au regard des investissements concernés ainsi que les motifs pour lesquels ces investissements ne remplissaient pas les conditions prévues par l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont les contribuables avaient entendu demander le bénéfice ; que, par suite, la proposition de rectification litigieuse qui, ainsi, a mis à même M. C...et Mme D...de formuler utilement leurs observations est suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance, à la supposer établie, que l'administration aurait inexactement apprécié la portée des textes applicables et ainsi entaché son raisonnement d'erreur de droit ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que cette obligation s'impose à l'administration pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ;
10. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du
16 novembre 2011 que, pour établir l'imposition litigieuse, l'administration s'est uniquement fondée sur les renseignements obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès de la société EDF, les 14 décembre 2010 et 17 mars 2011, de l'administration des douanes,
le 25 mars 2011, et des transitaires en douanes antillais Géodis Wilson et Pompière SA,
le 21 mai 2011 ; que, si l'administration a, par ailleurs, diligenté une vérification de comptabilité de la société DTD, il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce que les requérants se bornent à affirmer, elle aurait utilisé des éléments issus de cette vérification pour asseoir l'imposition litigieuse, et ce d'autant qu'il n'est nullement contesté que les renseignements obtenus dans les conditions sus-rappelées étaient à eux seuls suffisants pour fonder la rectification ; que, par suite, le moyen tiré par M. C...et Mme D...de ce qu'en ne les informant pas des renseignements ou documents obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société DTD, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ou aurait manqué à son devoir de loyauté ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer ( ...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de l'annexe II à ce code : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article. " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département d'outre-mer, l'immobilisation, au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, peut être effectivement exploitée, ce qui suppose qu'elle puisse fonctionner de manière autonome et être en capacité d'être productive ; qu'il appartient, en outre, au juge de l'impôt, d'apprécier, au vu de l'instruction, si le contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus par l'administration auprès de la société EDF, et qu'il n'est du reste pas contesté qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre de laquelle a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet, au cours de l'année 2008, d'un raccordement au réseau électrique, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations, ni même n'avait obtenu de certificat de conformité délivré par le Consuel ; que M. C...et
MmeD..., qui, au surplus, se bornent à des allégations générales, ne sauraient, en tout état de cause, utilement soutenir que cette absence de raccordement serait liée aux délais propres à la société EDF, à des grèves ayant frappé cette société ou au moratoire décidé par cette dernière - au demeurant seulement à compter du 2 décembre 2010 - dès lors qu'il est constant qu'aucune demande de raccordement n'a été formulée avant l'année 2010 ; que, dans ces conditions, dès lors qu'au 31 décembre de l'année en cause, les investissements litigieux n'étaient pas en capacité d'être productifs, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par les requérants, qui ne sauraient se prévaloir de la seule livraison du matériel, n'avaient pas été effectivement réalisés au cours de l'année 2008 et a remis en cause la réduction d'impôt correspondante ; que ce motif étant, à lui seul, de nature à fonder le rehaussement contesté, le moyen tiré d'une prétendue incohérence dans les différentes données obtenues par l'administration quant aux montants des importations de matériels photovoltaïques en Martinique est inopérant ;
14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;
15. Considérant que, si M. C...et Mme D...mentionnent les doctrines référencées BOI-BIC-RICI-201-10-10-20 du 12 septembre 2012 et BOI-SJ-AGR-40 du
7 octobre 2013, ils ne sont pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application et qu'au surplus, elles sont postérieures aux impositions en litige ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et
Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...et Mme D...est rejetée.
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N° 14VE03650