Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 mars 2017, la SAS JABIL CIRCUIT, représentée par Me Kapp, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3° à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la retenue à la source et des pénalités calculées du 22 février 2011 au 31 août 2012 ;
4° à titre infiniment subsidiaire, de limiter à la somme de 81 637 euros la base de calcul de la retenue à la source et de prononcer la décharge de l'excèdent ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien entre le prêt qu'elle a consenti et celui que lui a consenti la société Jabil Circuit Netherlands est établi et elle doit donc se voir accorder la décharge de la retenue à la source qui a été calculée sur le montant des intérêts excédant ceux qu'elle a elle-même déduits à raison du prêt qui lui a été consenti, les conditions de ces deux prêts devant être appréciées de la même manière, compte tenu du lien incontestable qui les unit ; elle n'a commis aucun acte anormal de gestion en ne comptabilisant aucun intérêt à raison du prêt qu'elle a consenti dans la mesure où elle a appliqué à son emprunteur les mêmes conditions que celles qui lui ont été consenties par son prêteur ; si des produits à recevoir ont été comptabilisés au titre de l'exercice clos le 31 août 2010, il ne s'agissait que d'une position de prudence comptable ;
- le taux d'intérêts de 6,38 %, qui n'a en définitive jamais été appliqué, ne pouvait être retenu ;
- en tout état de cause, elle a été victime d'un détournement des sommes prêtées initialement destinées à réindustrialiser les sites lui appartenant, ce qui est incompatible avec la notion de libéralité ;
- aucun acte anormal de gestion ne peut être retenu entre le 22 février 2011 et le 31 août 2012, dès lors que le prêt litigieux a été annulé par un accord transactionnel intervenu le 21 février 2011 entre les groupes Jabil et Mercatech prévoyant l'abandon par la société Jabil Circuit Netherlands NV de la totalité des prêts que cette dernière lui a consentis, ainsi que des intérêts courus, et, au bénéfice de la société GPI, l'abandon du prêt que la société Jabil Circuit lui a accordé, ainsi que ses accessoires, accord qui matérialise au demeurant les liens entre les deux prêts ;
- le calcul des intérêts retenu est erroné car l'endettement moyen appliqué ne tient pas compte des variations des taux de change mensuels, voire journaliers.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la convention, conclue le 31 août 1994, entre la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société JABIL CIRCUIT, filiale intégrée de la société Jabil French Holdings, est devenue filiale de la société de droit américain Global Power Industrie (GPI), appartenant au groupe Mercatech, à la suite d'un protocole de cession conclu le 16 juillet 2010 entre les groupes Jabil et Mercatech, portant également sur d'autres sociétés du groupe Jabil. A la suite d'un désaccord intervenu entre les deux groupes sur les conditions d'exécution de ce protocole, les sociétés objet de celui-ci ont de nouveau été cédées au groupe Jabil dans le cadre d'un accord transactionnel conclu le 21 février 2011. La société JABIL CIRCUIT a, par la suite, fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 à l'issue de laquelle, au titre des exercices clos au 31 août 2011 et 2012, l'administration fiscale a remis en cause, sur le terrain de l'acte anormal de gestion, l'absence de facturation d'intérêts sur le prêt de 15 millions de dollars qu'elle a accordé le 16 juillet 2010 à la société GPI. Le service, après avoir évalué les intérêts que la société JABIL CIRCUIT aurait dû percevoir à 602 232 euros au titre de l'exercice clos le 31 août 2011 et à 603 987 euros au titre de l'exercice clos le 31 août 2012, a réintégré ces sommes dans les résultats imposables de la société JABIL CIRCUIT. Le service a par ailleurs regardé ces sommes comme constitutives de revenus distribués à l'étranger, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et du 2 de l'article 119 bis du même code, pour leur appliquer la retenue à la source, plafonnée, à la suite de la réclamation préalable formée par la société JABIL CIRCUIT, au taux de 5 % prévu à l'article 10 de la convention fiscale franco-américaine, au lieu du taux de 15 % initialement appliqué sur une partie de la période. Par jugement du 29 mars 2016, dont la société JABIL CIRCUIT relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Aux termes de l'article 119 bis du même code : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ".
3. D'autre part, en vertu des dispositions des articles 38 et 209 du code général des impôts le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les prêts sans intérêt ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
4. En premier lieu, il est constant que la société JABIL CIRCUIT a consenti le 16 juillet 2010 à la société GPI un prêt d'un montant de 15 millions de dollars, qu'elle a
comptabilisé pour un montant de 10 055 224 euros à l'actif du bilan de l'exercice clos le 31 août 2010. S'il est également constant qu'elle a comptabilisé des intérêts à recevoir au titre de ce prêt pour un montant de 80 276 euros au titre du même exercice, elle n'a facturé à la société GPI aucun intérêt sur la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2012. La société JABIL CIRCUIT soutient qu'en consentant un prêt non assorti d'intérêts à la société GPI, elle s'est bornée à servir d'intermédiaire dans le cadre des accords conclus entre les groupes Jabil et Mercatech aux termes desquels le premier devait consentir au second des prêts destinés à la ré-industrialisation des sites Jabil. Elle en conclut qu'elle justifie ainsi l'avantage consenti à la société GPI par l'existence d'un prêt d'un même montant que lui a accordé le même jour la société Jabil Circuit Netherlands NV, société soeur, et au titre duquel seuls des frais financiers de 80 000 euros lui ont été facturés. L'absence de facturation d'intérêts dans le cadre du prêt qu'elle a consenti à la société GPI trouverait ainsi sa justification dans l'absence d'intérêts facturés par sa société soeur au titre du prêt d'un même montant qu'elle lui a consenti le même jour dès lors que les fonds n'auraient fait que transiter par elle pour des motifs techniques. Pour établir la réalité du lien entre ces deux opérations, la société requérante met aussi en avant le fait que dans le cadre du protocole transactionnel conclu le 21 février 2011 entre les groupes Jabil et Mercatech à la suite du litige né de l'absence d'affectation des sommes prêtées à la ré-industrialisation des sites industriels, elle aurait bénéficié d'un abandon de sa dette envers la société Jabil Circuit Netherlands NV et qu'elle-même aurait elle-même abandonné la créance de prêt qu'elle détenait sur la société GPI, la comptabilisation d'intérêts n'étant dès lors plus justifiée. Toutefois, alors même que les deux opérations de prêt sont contemporaines, la société requérante, qui s'est notamment abstenue de produire, y compris en appel, tant le protocole de cession du 16 juillet 2010 que les deux contrats de prêt qu'elle a conclus et dont il est constant qu'elle n'a pas enregistré dans ses comptes des exercices clos des années 2011 et 2012 un abandon de sa créance envers la société GPI mais seulement une dépréciation de celle-ci, n'établit ni le lien de connexité entre ces deux opérations de prêt que les stipulations du protocole transactionnel conclu le 21 février 2011 et l'article de presse versés au dossier ne suffisent pas à eux seuls à corroborer, ni, en tout état de cause, l'intérêt propre qu'elle avait à dispenser la société GPI de régler des intérêts sur le prêt qu'elle lui consentait. Dans ces conditions, elle n'apporte pas de justification probante à sa renonciation à percevoir des intérêts au titre du prêt d'un montant de 15 millions de dollars qu'elle a consenti à la société GPI. L'administration fiscale doit, par suite, être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion.
5. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, la société requérante n'a pas apporté de justification probante à l'abandon de recettes qu'elle a consenti à la société GPI. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas agi avec l'intention libérale de favoriser une société tierce bien que les fonds versés à la société GPI n'auraient finalement pas servi à la ré-industrialisation des sites du groupe Jabil du seul fait du " détournement de ces sommes " par la société GPI ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, la société requérante soutient que le maintien par l'administration fiscale, comme base de calcul des intérêts, de l'endettement moyen calculé entre l'ouverture et la clôture des exercices en litige est vicié dans la mesure où il ne tiendrait pas compte des variations des taux de change mensuels voire journaliers. Cependant, il est constant que, malgré une demande du vérificateur, la société qui disposait seule des données en cause, n'a pas fourni les éléments qui auraient pu permettre au vérificateur d'affiner ses calculs.
7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le service a retenu un taux annuel de 6,38 % pour le calcul de l'avantage consenti à la société GPI en prenant pour base la comptabilisation par la société requérante, au titre de l'exercice clos au 31 août 2010, de produits à recevoir à hauteur de 80 276 euros, à raison du prêt consenti à la société GPI, correspondant à un mois et demi d'intérêts au taux de 6,38 %. C'est inutilement que la société JABIL CIRCUIT fait notamment valoir que ce taux ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe, ni même n'allègue, que ce taux serait excessif au regard de celui qui aurait été alors appliqué par un établissement de crédit pour un prêt de même importance, de même nature et de même durée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fins de décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des exercices clos les 31 août 2011 et 2012 et à fins de réduction, à titre subsidiaire, de celle-ci en limitant à la somme de 81 637 euros la base de calcul de la retenue à la source. Elle n'est pas davantage fondée à demander, également à titre subsidiaire, la décharge de la retenue à la source, en droits et pénalités, au titre de la période du 22 février 2011 au 31 août 2012, en application de l'accord transactionnel du 21 février 2011, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, elle n'a pas enregistré dans ses comptes des exercices clos des années 2011 et 2012 un abandon de sa créance envers la société GPI mais seulement une dépréciation de sa créance et qu'elle n'établit pas en l'absence d'autres éléments probants, ainsi qui lui incombe, l'existence d'une erreur comptable involontaire sur ce point.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société JABIL CIRCUIT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société JABIL CIRCUIT SAS est rejetée.
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16VE01434