Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 29 février, 8 avril et 23 juin 2016, la SAS TERREIS VALORISATION, représentée par Me Viard, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en ce qu'il n'a réduit qu'au prix de 7 000 euros au mètre carré le montant de la valeur vénale des biens en cause et, par voie de conséquence, limité, dans cette mesure, la réduction de sa base imposable ;
2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3° subsidiairement, de prononcer la réduction des impositions restant en litige en retenant l'évaluation de la valeur vénale des deux locaux en cause qu'elle propose par le recours à la méthode dite " par capitalisation " et l'utilisation d'un taux de rendement de 8 % ou, à défaut en retenant la moyenne de la valeur déterminée par cette méthode par application d'un taux de rendement de 8 % ou, le cas échéant, de 7 %, et de la valeur vénale évaluée selon la méthode par comparaison retenue par l'administration au regard des valeurs de comparaison qu'elle propose ou, très subsidiairement, en retenant le prix au mètre carré de 6 430 euros retenu par le juge judiciaire dans le cadre du litige l'opposant à l'administration fiscale en ce qui concerne les droits d'enregistrement dus au titre de la mutation des locaux concernés ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a procédé à une évaluation exagérée de la valeur vénale des deux locaux professionnels qu'elle a vendus à sa société-mère en recourant à la méthode par comparaison, qui n'est pas adaptée à l'appréciation de la valeur des biens acquis ou vendus par des sociétés d'investissement foncier ; elle a, en l'espèce, évalué la valeur des locaux en cause en recourant à la méthode, économiquement plus réaliste, dite " par capitalisation " en appliquant un taux de rendement de 8 %, qui correspond à la moyenne inférieure du taux préconisé par les différents experts auxquels elle s'est référée ;
- subsidiairement, les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale ne sont pas pertinents, en ce qu'ils ne concernent pas le seul 1er arrondissement de Paris et qu'ils correspondent à des cessions intervenues alors que le marché était au plus haut ; elle a proposé des termes de comparaison plus réalistes recueillis auprès d'un office notarial concernant les cessions de locaux professionnels dans un périmètre de 500 mètres autour de l'immeuble où se situent les locaux cédés en litige ;
- en tout état de cause, le Tribunal de grande instance de Paris, statuant par jugement du 16 mai 2016 sur le litige l'opposant à l'administration fiscale en matière de droits d'enregistrement, a partiellement admis ses critiques en fixant à la somme de 6 430 euros le prix au mètre carré à retenir pour apprécier la valeur vénale réelle des locaux en cause.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rollet-Perraud,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS TERREIS VALORISATION, qui exerce une activité de marchand de biens, a cédé le 30 septembre 2009 à sa société-mère, la société Terreis, deux locaux à usage de bureaux d'une superficie respective de 190,30 m2 et 194,40 m2 situés dans le 1er arrondissement de Paris ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, notamment, sur l'exercice clos en 2009 ; qu'à l'issue de cette vérification, le service a estimé que les locaux ainsi cédés l'avaient été à un prix inférieur à leur valeur vénale et que cette cession caractérisait, en l'absence de toute contrepartie, l'existence d'une libéralité consentie à la société Terreis et constitutive d'un acte anormal de gestion ; qu'après avoir procédé à une nouvelle évaluation, selon la méthode par comparaison avec des locaux d'usage professionnel et de superficie similaires, de la valeur vénale des biens en cause, l'administration a notifié à la SAS TERREIS VALORISATION, par proposition de rectification du 24 juillet 2012, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et de cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de cette année, résultant de la réintégration dans sa base imposable de la différence entre le montant du prix de vente des locaux dont s'agit et de leur valeur vénale, telle que déterminée par l'administration fiscale ; que la SAS TERREIS VALORISATION relève appel du jugement
n° 1502937 du 28 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir ramené à 7 000 euros le prix au mètre carré qu'il y avait lieu de retenir pour évaluer la valeur vénale des locaux cédés par la société et avoir réduit à due proportion la base imposable de
celle-ci et prononcé la réduction correspondante des impositions supplémentaires en litige, a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décisions du 31 mars et du 21 juillet 2016, postérieures à l'introduction de la requête, et prenant en compte l'évaluation de la valeur vénale des locaux en cause arrêtée par le Tribunal de grande instance de Paris par jugement du 16 mai 2016, l'administration fiscale a accordé à la SAS TERREIS VALORISATION le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 145 066 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2009, ainsi que le dégrèvement en droit et pénalités, à hauteur de 7 116 euros, des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre de l'année 2009 ; que, dans cette limite, les conclusions aux fins de décharge présentées par la société requérante sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exclusion de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les cessions de biens consenties par une entreprise au profit d'un tiers à un prix inférieur à leur valeur vénale ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'établir l'existence d'un acte anormal de gestion en démontrant que la vente a été effectuée à un prix délibérément minoré sans contreparties, elle peut alors substituer la valeur vénale réelle de l'immeuble au prix de cession pour déterminer le montant du profit réalisé par le cédant ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour apprécier si le prix de
1 713 651 euros pour lequel la SAS TERREIS VALORISATION a cédé à sa société-mère les locaux professionnels litigieux était inférieur à la valeur vénale de ces derniers et que la société requérante a, de ce fait, volontairement renoncé à la perception de recettes et commis ainsi un acte anormal de gestion, l'administration fiscale entend désormais se fonder sur les caractéristiques de cessions de dix locaux à usage professionnels intervenues entre les mois de février et de septembre 2009, relatives à des biens immobiliers présentant, selon le service, des caractéristiques similaires à ceux faisant l'objet du litige, et situés dans le 1er arrondissement de Paris ainsi que dans les 2ème, 3ème et 4ème arrondissements qui lui sont adjacents ; que la valeur vénale au mètre carré des locaux cédés est, ainsi, évaluée à la somme de 6 430 euros, correspondant au montant arrêté par le Tribunal de grande instance de Paris dans son jugement précité ;
5. Considérant, d'une part, que la SAS TERREIS VALORISATION soutient que la méthode par comparaison retenue par l'administration fiscale pour évaluer la valeur vénale des biens en cause est insuffisamment précise et ne correspond pas aux conditions économiques des opérations de vente réalisées par les sociétés exerçant dans le secteur de l'investissement foncier locatif ; qu'elle se prévaut du recours à une méthode d'évaluation alternative dite " par capitalisation ", reposant sur l'application aux locaux vendus d'un taux de rendement de
8 %, plus pertinente selon elle pour les biens détenus par des sociétés d'investissement foncier ; que, toutefois, elle ne justifie pas du bien-fondé de ce taux de rendement moyen, ni d'ailleurs d'un taux de rendement inférieur qu'elle propose d'appliquer à titre subsidiaire, en se bornant à se référer à deux études de cession produites par les sociétés BNP Paribas Real Estate et Foncia Valorisation, ainsi que par les travaux de M. A...B..., qui ne comportent aucune précision sur la période de retour historique, la structure des cessions de biens immobiliers analysées et la zone géographique d'étude retenue qui permettrait de justifier du taux ainsi proposé ; que, dans ces conditions, elle ne démontre pas que cette méthode serait plus pertinente que la méthode par comparaison retenue par l'administration, au demeurant couramment utilisée ; qu'ainsi, elle n'établit pas, par cette allégation, que la méthode comparative aurait conduit à une évaluation économiquement non réaliste de la valeur vénale des biens cédés, eu égard aux caractéristiques du marché de locaux professionnels du centre de la ville de Paris et de la période au cours de laquelle est intervenue la transaction ;
6. Considérant, d'autre part, que les dix locaux à usage de bureaux retenus en dernier lieu par l'administration fiscale à titre de comparaison, dont quatre d'entre eux ont d'ailleurs été proposés par la société requérante elle-même, présentent, à l'exception de deux d'entre eux, des superficies comparables aux biens immobiliers cédés à la société Terreis, ont été cédés avec des locataires en place comme les deux locaux litigieux, se situent dans le 1er arrondissement de Paris ou, à défaut, dans les 2ème, 3ème et 4ème arrondissements qui présentent des caractéristiques comparables en termes de marché immobilier, et ont été vendus pour un prix de cession au mètre carré compris entre 8 046 euros et 3 359 euros ; qu'ils constituent donc, comme l'a d'ailleurs jugé le Tribunal de grande instance de Paris, statuant par son jugement précité sur le litige opposant la SAS TERREIS VALORISATION à l'administration fiscale en ce qui concerne le montant des droits d'enregistrement dus au titre de la cession des locaux en cause, un ensemble suffisamment pertinent et fiable pour déterminer, à partir de la moyenne de leurs prix de cession au mètre carré et du prix de cession des biens proposés par la société et recueillis auprès d'un office notarial, la valeur vénale de ces locaux, qui s'établit ainsi à 6 430 euros au mètre carré ;
7. Considérant que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve d'une minoration significative de la valeur vénale des biens cédés à la société Terreis, égale à la différence entre le prix de cession de respectivement 4 786 euros et 4 129 euros par mètre carré et le prix réel de 6 430 euros par mètre carré ; que l'administration fiscale était, par suite, fondée à estimer que la SAS TERREIS VALORISATION avait, en renonçant volontairement à une partie des recettes qu'elle aurait dû retirer de la vente de ces biens au profit de sa société-mère, commis un acte anormal de gestion et à réintégrer, pour ce motif la différence entre la valeur vénale estimée de ces biens et le montant de leur prix de cession dans sa base imposable à l'impôt sur les sociétés et, par suite, dans la valeur ajoutée retenue pour calculer les suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle, en application des articles 1647 B sexies et 1647 E du code général des impôts dans leur rédaction applicable au litige ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu du dégrèvement intervenu en cours d'instance qui a pris en compte l'incidence de la correction à la baisse du prix des immeubles vendus, ramené à 6 430 euros par mètre carré, la SAS TERREIS VALORISATION n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande s'agissant des impositions restant en litige ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS TERREIS VALORISATION d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge présentées par la SAS TERREIS VALORISATION en ce qui concerne, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2009, à concurrence de la somme de 145 066 euros, et les suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre de l'année 2009, à concurrence de la somme
de 7 116 euros.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS TERREIS VALORISATION une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS TERREIS VALORISATION est rejeté.
N° 16VE00669 5