Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, Mme D... épouse E..., représenté par Me C..., avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de la Seine-Saint-Denis de justifier que l'avis médical du 26 février 2018 satisfait aux exigences légales et règlementaires ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme D... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse E..., ressortissante algérienne née le 1er mars 1975 à Skikda (Algérie), a sollicité, le 24 mars 2017, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'alinéa 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en tant que parent d'enfant malade. Par un arrêté en date du 5 juillet 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de destination. Elle fait appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce : " (...), le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 31323 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le certificat de résidence sollicité par Mme D... épouse E... sur le fondement du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en tant qu'accompagnante d'un enfant malade titulaire d'un document de circulation pour mineur valable jusqu'au 30 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur un avis du collège des médecins de l'OFII du 26 février 2018 estimant que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et a estimé, par suite, que son maintien sur le territoire français n'était pas justifié à ce titre. Pour demander l'annulation de ce refus, l'intéressée, qui fait valoir, sans être contestée, ne pas avoir eu communication de cet avis, en conteste néanmoins la régularité, notamment la compétence de l'autorité médicale l'ayant rédigé et sa régularité formelle. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas donné suite à la lettre, qui lui a été notifiée le 21 août 2020 par le biais de l'application Télérecours, par laquelle le greffe de la Cour lui a demandé de produire la copie de l'avis litigieux. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne met pas à même le juge d'exercer son contrôle sur l'irrégularité alléguée de cet avis, qui doit, par suite, être regardé comme intervenu en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé Mme D... épouse E... d'une garantie, cette dernière est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence ainsi, par voie de conséquence, que de celle l'obligeant à quitter le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse E... est fondée à soutenir, pour ce seul motif, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
6. Eu égard au seul moyen d'annulation retenu au point 3., le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre à nouveau une décision sur la demande présentée par Mme D... épouse E..., après une nouvelle instruction, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme D... épouse E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de Mme D... épouse E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1806345 du 25 janvier 2019 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de Mme D... épouse E... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État versera à Me C..., avocat de Mme D... épouse E..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 20VE00044