Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2017, la SCI I.B.O., représentée par
Me Bouquet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a cru pouvoir soumettre au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée une partie des loyers qu'elle perçoit au titre de la sous-location de locaux à des sociétés exploitant des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; en vertu des dispositions de l'article 260 D du code général des impôts, le taux de la taxe grevant ses loyers doit, en effet, être identique au taux applicable aux prestations d'hébergement des personnes âgées dépendantes, qui est, selon la période en cause, le taux réduit de 5,5 % prévu par les articles 279, puis 278-0 bis du code général des impôts ;
- à supposer que d'autres prestations soient rendues par les sociétés auxquelles elle loue ses immeubles, ces prestations doivent être regardées, soit comme un accessoire indispensable des prestations d'hébergement de personnes âgées dépendantes, soit comme formant avec
celles-ci un ensemble indissociable, et elles doivent, par suite, se voir appliquer le même taux de taxe sur la valeur ajoutée ; elle était ainsi fondée, sans que puissent lui être opposées les clauses des contrats de crédit-bail par lesquels elle a acquis les locaux en cause, à appliquer uniquement le taux réduit, puis intermédiaire de taxe sur la valeur ajoutée aux loyers qu'elle perçoit.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI I.B.O. exerce, au sein du groupe Orpea dont elle est une filiale, une activité de sous-location de locaux nus acquis par elle par voie de crédit-bail à des sociétés exploitant des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD). Elle a régulièrement opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers qu'elle perçoit au titre de cette activité ainsi que le permettent les dispositions du 2° de l'article 260 du code général des impôts. La SCI I.B.O. a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du
1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause, d'une part la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les loyers qu'elle supporte au titre de l'acquisition par voie de crédit-bail d'un immeuble situé à Caillan (Var) et, d'autre part, l'application exclusive du taux réduit de 5,5 % aux loyers qu'elle a facturés au titre de la location aux sociétés EHPAD Corniche Fleurie et EHPAD des Oliviers de deux immeubles situés, respectivement, à Nice (Alpes-Maritimes) et Vitrolles (Bouches-du-Rhône). La SCI I.B.O. relève appel du jugement en date du 8 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants.
2. En premier lieu, il est constant que la SCI I.B.O. n'invoque devant la Cour aucun moyen à l'appui de ses conclusions aux fins de décharge, en ce qu'elles se rapportent aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de son droit à déduction de la taxe grevant les loyers dont elle s'est acquittée pour l'acquisition, par voie de crédit-bail, de l'immeuble situé à Callian.
3. En second lieu, aux termes de l'article 260 D du code général des impôts : " Pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local ". Aux termes de l'article 261 D du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ".
4. En outre, l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable du
1er au 31 décembre 2011, dispose : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de
5,50 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives (...) A la fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite et les établissements accueillant des personnes handicapées. Ce taux s'applique également aux prestations exclusivement liées, d'une part, à l'état de dépendance des personnes âgées et, d'autre part, aux besoins d'aide des personnes handicapées, hébergées dans ces établissements et qui sont dans l'incapacité d'accomplir les gestes essentiels de la vie quotidienne ". L'article 278-0 bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige pour la période postérieure au 1er janvier 2012, précise : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : (...) C. - La fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite et les établissements accueillant des personnes handicapées. Ce taux s'applique également aux prestations exclusivement liées, d'une part, à l'état de dépendance des personnes âgées et, d'autre part, aux besoins d'aide des personnes handicapées, hébergées dans ces établissements et qui sont dans l'incapacité d'accomplir les gestes essentiels de la vie quotidienne ; ".
5. Pour la détermination du taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux loyers perçus par la SCI I.B.O. au titre de la location des immeubles en cause aux sociétés EHPAD Corniche Fleurie et EHPAD des Oliviers, l'administration fiscale a distingué la fraction de ces loyers se rapportant aux surfaces des locaux affectés à la fourniture des prestations d'hébergement et de prestations para-hôtelières aux personnes âgées dépendantes, éligibles au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, et celles relatives aux surfaces affectées à d'autres utilisations, qui en revanche, selon leur nature, seraient exonérées de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, telles que les prestations de soins, ou relèveraient de l'application du taux normal de cette taxe.
6. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à
elle-même, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations.
7. D'une part, en premier lieu, les dispositions de l'article 260 D du code général des impôts précitées n'ont pour objet que d'inclure dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 261 D du même code, les locations de locaux meublés ou nus dont la destination finale est le logement meublé. Elles sont, en revanche, sans incidence sur la détermination du taux de la taxe sur la valeur ajoutée susceptible d'être appliqué aux loyers tirés d'une telle activité de location. La SCI I.B.O. n'est donc pas à fondée à soutenir que les loyers qu'elle reçoit devraient se voir appliquer exclusivement le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de ces dispositions.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des mentions des contrats de crédit-bail conclus par la SCI I.B.O. pour l'acquisition des immeubles en cause, que la surface de ces derniers est affectée, pour une première fraction des locaux, aux prestations d'hébergement et de prise en charge de la dépendance des personnes âgées au sens des articles 279 et 278-0 bis du code général des impôts, et pour une seconde fraction, à d'autres usages. Ces autres usages incluent, d'une part, la fourniture des soins médicaux et paramédicaux qui sont dispensés par les EHPAD, dans le cadre d'une tarification spécifique et en mettant en oeuvre des moyens distincts, et d'autre part, en l'espèce, la mise à disposition de locaux par les EHPAD concernés à des prestataires extérieurs proposant aux résidents l'accès à divers services à la personne tels que des soins esthétiques. Ces soins et ces prestations de services, contrairement à ce que soutient la SCI I.B.O., ne constituent pas un accessoire indispensable des prestations de fourniture de logement et de nourriture aux personnes âgées dépendantes ou des prestations exclusivement liées à l'état de dépendance de ces personnes. En outre, ils ne forment pas davantage une seule opération indissociable avec ces dernières. Il s'ensuit que ces prestations ne peuvent se voir appliquer de manière uniforme le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée et que la location aux EHPAD précités des locaux acquis par voie de crédit-bail par la SCI I.B.O. ne constitue pas une prestation exclusivement relative à la fourniture du logement dans un établissement d'hébergement. Par voie de conséquence, c'est à bon droit que l'administration fiscale a, pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée à la prestation de location des immeubles affectés à ces différents usages, estimé que seule la fraction des loyers correspondant à la surface des immeubles loués affectée à l'exécution des prestations mentionnées aux articles 279 et 278-0 bis du code général des impôts était éligible au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, le surplus de ces loyers relevant en revanche de l'application du taux normal.
9. D'autre part, dans la mesure où la SCI I.B.O. n'apporte devant la Cour aucune précision relative à l'affectation respective des surfaces des immeubles qu'elle loue aux sociétés EHPAD Corniche Fleurie et EHPAD des Oliviers à l'un ou l'autre des usages mentionnés au point précédent, elle ne saurait contester la référence faite par l'administration fiscale aux mentions des contrats de crédit-bail qu'elle a conclus avec la société CMCIC Lease pour l'acquisition de ces locaux pour déterminer, en l'absence de tout autre élément, la distribution de l'affectation de ces locaux à la réalisation de prestations relevant du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou de prestations exonérées de cette taxe ou relevant d'un autre taux et, par suite, le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable à ses propres loyers à raison de la fraction des surfaces louées dédiées à l'une ou l'autre de ces prestations.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de
non-recevoir partielle opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, que la
SCI I.B.O. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI I.B.O. est rejetée.
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N° 17VE02251