Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier et 4 août 2017, la SA BLUE SOLUTIONS, représentée par Me A...et MeB..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en ce qu'il rejette en partie sa demande ;
2° de réintégrer dans l'assiette de son crédit d'impôt pour les dépenses de recherche au titre des années 2010 et 2011 les sommes correspondant aux versements opérés au profit au Fonds national d'aide au logement, les subventions versées au comité d'entreprise, les contributions versées au titre de la taxe spéciale sur les contributions patronales de prévoyance, les cotisations versées au titre du forfait social institué par l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, les contributions au versement de transport, ainsi que la décote forfaitaire de
5 % appliquée par l'administration fiscale au montant des salaires du personnel encadré affecté à des opérations de recherche éligibles ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme permettant de couvrir les frais exposés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au sens des dispositions du b) du I de l'article 49 septies de l'annexe III du code général des impôts, la contribution au fonds national d'aide au logement, le versement des subventions pour le fonctionnement du comité d'entreprise, la taxe spéciale sur les frais de prévoyance, le " forfait social " et le versement destiné au financement des transports publics sont des accessoires à la rémunération des salariés ou des cotisations sociales obligatoires et doivent donc être pris en compte dans l'assiette du crédit impôt recherche ; ils sont d'ailleurs comptabilisés en charges de personnel et recouvrés selon les règles applicables aux cotisations de sécurité sociale ;
- l'administration fiscale ne peut appliquer, en l'absence de disposition légale le lui permettant, une décote forfaitaire de 5 % sur les salaires des salariés pris en compte pour le calcul de l'assiette du crédit impôts recherche, ces derniers consacrant l'intégralité de leur temps de travail à la recherche et n'ayant aucune activité administrative sachant que les fonctions de support étaient assurées contre paiement d'un prix, pour son compte, par la société S.A. Bolloré dans le cadre d'une convention de fourniture de prestations d'assistance administrative ; par ailleurs, la méthode arbitraire retenue par l'administration pour fixer forfaitairement une décote qui n'est pas prévue par les textes est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SA BLUE SOLUTIONS, qui a notamment pour activité la recherche de nouveaux modes de conception et de production de batteries lithium-métal-polymère pour les véhicules électriques ou hybrides, disposait d'un crédit d'impôt pour les dépenses de recherche non imputé sur l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur ce crédit d'impôt, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 13 décembre 2012, a notifié à la SA BLUE SOLUTIONS une réduction en base de son crédit d'impôt pour les dépenses de recherche au titre des années 2010 et 2011, en écartant de l'assiette de celle-ci un certain nombre de subventions et de contributions calculées sur la masse salariale de la société et acquittées par cette dernière, et en appliquant une décote forfaitaire de 5 % sur le montant des salaires versés aux employés affectés à des travaux de recherche, que la société avait inclus dans leur intégralité dans l'assiette de son crédit d'impôt. La SA BLUE SOLUTIONS relève appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir réintégré dans l'assiette de son crédit d'impôt pour les dépenses de recherche au titre des deux années en cause les sommes qu'elle a versées au titre de l'intéressement et de la participation de ses salariés ainsi que celles engagées pour l'achat de titres-restaurant, a rejeté le surplus de sa demande tendant au rétablissement de la base de calcul de son crédit d'impôt.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies I de l'annexe III au même code : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : (...) b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ".
Sur la prise en compte de certaines dépenses en tant qu'accessoire de la rémunération des salariés de la société ou de cotisations sociales obligatoires dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche :
En ce qui concerne les versements effectués au Fonds national d'aide au logement :
3. Aux termes de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors en vigueur : " Le financement de l'allocation de logement relevant du présent titre et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation. Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à : 1° Une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de sécurité sociale ; 2° Une contribution calculée par application d'un taux de 0, 40 % sur la totalité des salaires et recouvrée suivant les règles applicables en matière de sécurité sociale. (...) ".
4. Si les sommes versées par la SA BLUE SOLUTIONS en application de l'article
L. 834-1 du code de la sécurité sociale ont un caractère obligatoire, il résulte des dispositions de cet article qu'elles sont destinées au financement de l'allocation-logement et que leur versement ne conditionne pas l'ouverture d'un droit ou d'une prestation sociale au profit des salariés de l'entreprise, auxquels elles ne bénéficient donc pas directement. Ces versements ne sont, dès lors, pas des cotisations sociales obligatoires au sens des dispositions de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts précité et ne peuvent, par suite, être inclus dans les dépenses de personnel éligibles au crédit d'impôt pour les dépenses de recherche. Les conditions dans lesquelles ces sommes sont comptabilisées et recouvrées sont sans incidence sur cette qualification.
En ce qui concerne les versements effectués au titre de subventions versées au comité d'entreprise :
5. Aux termes de l'article L. 2325-43 du code du travail : " L'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute. Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute ".
6. Il résulte de ces dispositions que les subventions versées pour le fonctionnement d'un comité d'entreprise, alors même qu'elles sont comptabilisées dans un compte de charges de personnel, ne sont pas versées directement aux salariés de l'entreprise, à l'égard desquels elles ne constituent pas une rémunération. Bien qu'elles bénéficient au personnel sous la forme d'avantages divers, notamment en matière sportive ou culturelle, elles ne constituent pas davantage un accessoire de la rémunération au sens des dispositions précitées de l'article
49 septies I de l'annexe III au code général des impôts. Cette subvention, enfin, n'a pas le caractère d'une cotisation sociale, à défaut de correspondre à un versement obligatoire à un régime de sécurité sociale. Par suite, ces versements ne peuvent être inclus dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche.
En ce qui concerne les versements au titre de la taxe spéciale sur les contributions patronales de prévoyance :
7. Aux termes de l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Il est institué à la charge des employeurs une taxe sur les contributions des employeurs et des organismes de représentation collective du personnel versées, à compter du 1er janvier 1996, au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance. Toutefois, ne sont pas assujettis à la taxe les employeurs occupant neuf salariés au plus tels que définis pour les règles de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ".
8. La taxe spéciale sur les contributions patronales de prévoyance prévue par ces dispositions constitue une imposition de toute nature et n'a pas le caractère d'une cotisation sociale obligatoire pouvant être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche en application des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts. Sa comptabilisation en charges de personnel et les conditions de son recouvrement sont, là encore, sans incidence sur ce point.
En ce qui concerne les versements effectués au titre du forfait social :
9. Aux termes de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale : " Les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur (...) ".
10. La contribution mentionnée à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est destinée, comme le précisait au titre des années en litige l'article L. 137-16 du même code, à assurer le financement des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale et des organismes concourant au financement de ces régimes et ne constitue pas une cotisation ouvrant des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes. Elle a donc le caractère d'une imposition de toute nature et non celui d'une cotisation sociale obligatoire pouvant être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche en application des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts. La circonstance que ce forfait social est assis sur des éléments de la rémunération des salariés, notamment les sommes versées à ces derniers au titre de l'intéressement qui, pour leur part, sont inclus dans l'assiette de ce crédit d'impôt est sans incidence sur ce point. De même, sont sans incidence les modalités de comptabilisation et de recouvrement de ce forfait social.
En ce qui concerne les versements destinés au financement des transports :
11. Aux termes de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales : " En dehors de la région Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient au moins onze salariés ".
12. Le versement transport, perçu en application de ces dispositions au profit des collectivités territoriales ou de leurs établissements exerçant une compétence en matière d'organisation des transports publics en vue de contribuer au financement de ces services publics, ne constitue pas un accessoire de la rémunération des salariés et n'a pas non plus la nature d'une cotisation sociale obligatoire au sens des dispositions de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts précité mais est constitutif d'une imposition. Il ne peut, par suite, être inclus dans les dépenses de personnel éligibles au crédit d'impôt recherche, sans qu'y fassent obstacle, ainsi qu'il a été dit précédemment, les conditions de sa comptabilisation et de son recouvrement.
Sur la décote forfaitaire de 5 % appliquée au montant des salaires versés au personnel affecté à la recherche et retenu dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche :
13. L'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts précise : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux (...) 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental (...) Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ".
14. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts subordonnent l'inclusion de ses dépenses de personnel dans l'assiette du crédit d'impôt qu'elles instituent.
15. Il résulte de l'instruction que la société SA BLUE SOLUTIONS a imputé la totalité de ses dépenses de personnel affecté aux opérations de recherche pour le calcul de son crédit d'impôt pour les dépenses de recherche, sans produire de documents permettant de s'assurer de la composition du personnel dont les rémunérations ont ainsi été prises en compte et de la nature exacte de son activité. Pour ce motif, l'administration a estimé que le personnel de la SA BLUE SOLUTIONS avait nécessairement consacré une fraction de son temps de travail à des activités qui ne relevaient pas des opérations de recherche, et a appliqué une décote forfaitaire de 5 % au montant des salaires retenus par la société requérante, cette quotité étant destinée à représenter le temps de travail des salariés consacré à des tâches administratives.
16. Contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition ou principe ne s'oppose à une évaluation forfaitaire du temps consacré aux activités éligibles au crédit d'impôt recherche. Toutefois, d'une part, l'administration fiscale, qui n'a, à aucun moment de la procédure, invoqué l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts, ne fait état d'aucun élément, et ne fait d'ailleurs pas valoir, que les salariés dont la SA BLUE SOLUTIONS revendique la prise en compte intégrale des salaires dans l'assiette de son crédit d'impôt, n'auraient pas été exclusivement affectés au département de la société consacré aux opérations de recherche. Au demeurant, la SA BLUE SOLUTIONS produit une " convention relative à des opérations de prestations d'assistance, de mise à disposition de personnel et de moyens, et de reclassement d'actif intragroupe " conclue au cours de l'année 2001 avec la société Bolloré SA, aux termes de laquelle cette société fournit à la société requérante des prestations de gestion administrative, comptable, fiscale, juridique et financière, pour laquelle elle est d'ailleurs régulièrement rémunérée par la SA BLUE SOLUTIONS. La société requérante justifie ainsi de manière probante de ce que ces différentes tâches ne sont pas effectuées par les salariés qui sont affectés en son sein aux opérations de recherche. Enfin, si l'administration fiscale soutient qu'il y a lieu de tenir compte du temps de travail consacré par les chercheurs et techniciens de recherche à la formation, à la tenue de réunions d'information et de suivi, et à la rédaction de rapports, ces activités constituent l'accessoire nécessaire et indispensable des opérations de recherche et doivent être regardées comme relevant du temps de travail consacré, par les salariés concernés, à la recherche. Par ailleurs, il n'y a pas davantage lieu de tenir compte d'éventuelles autorisations d'absence accordées aux salariés concernés ou d'arrêts de travail pour maladie. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration fiscale a appliqué, pour ces motifs, aux rémunérations inclues dans l'assiette du crédit d'impôt la décote forfaitaire de 5 % en litige.
17. Il résulte de ce qui précède que la SA BLUE SOLUTIONS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au rétablissement en base du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont elle disposait au titre des années 2010 et 2011 en ce qui concerne la réintégration de la décote forfaitaire de 5 % appliquée aux salaires du personnel affecté à la recherche.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions, d'ailleurs non chiffrées, présentées à ce titre par la SA BLUE SOLUTIONS.
DÉCIDE :
Article 1er : Il y a lieu de réintégrer dans l'assiette du crédit d'impôt pour les dépense de recherche dont disposait la SA BLUE SOLUTIONS au titre des années 2010 et 2011 la décote forfaitaire de 5 % appliquée par l'administrations fiscale aux salaires du personnel affecté à la recherche pris en compte pour le calcul de ce crédit d'impôt au titre des années 2010 et 2011.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1509742 en date du
17 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA BLUE SOLUTIONS est rejeté.
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N° 17VE00189