Par un jugement no 1746014 du 27 septembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2018, un mémoire en réplique, enregistré le
3 décembre 2019, M. A... et Mme C..., représentés par Mes Ménard et Vail, avocats, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification qui leur a été adressée est insuffisamment motivée ;
- l'avis d'imposition complémentaire est irrégulier ;
- le deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales est contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ;
- les impositions supplémentaires contestées ne sont pas fondées compte tenu de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2015 ; si celle-ci est qualifiée de retrait d'agrément, acte créateur de droit, elle ne pouvait intervenir au-delà du délai de quatre mois prévu par la décision Ternon (n° 197018) du 26 octobre 2001 du Conseil d'État ; si elle est qualifiée de refus d'agrément, la société ne s'est pas vue notifier la possibilité de consulter la commission consultative ; si elle est qualifiée de retrait d'agrément, elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission consultative ; cette décision est entachée d'une erreur de droit, le service ayant ajouté à la loi, et est, en tout état de cause, entachée d'une erreur d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C... ont bénéficié, sur le fondement de l'article 199 undecies C du code général des impôts, d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 à raison d'investissements réalisés en Guyane par l'intermédiaire de la SAS Saint-Maurice III dont ils sont associés. L'administration fiscale a remis en cause cet avantage fiscal motif pris de l'absence d'agrément de cette société, à la suite du retrait de ce dernier par une décision du
12 novembre 2015. M. A... et Mme C... font appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont, en conséquence, été assujettis au titre des années 2012 et 2013, à hauteur de 50 298 et 26 022 euros.
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.
3. Il résulte de l'instruction que, pour procéder aux redressements contestés, le vérificateur s'est fondé sur la circonstance que les requérants ne pouvaient bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts du fait du retrait, par une décision du 12 novembre 2015, de l'agrément accordé à la
SAS Saint-Maurice III sur le fondement de l'article 217 undecies du même code. En se bornant à faire état, dans la proposition de rectification datée du 10 décembre 2015 et adressée aux intéressés, de ce retrait et à indiquer, en termes excessivement généraux, les motivations de ce retrait à savoir le " non-respect des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôt ", " l'inexécution de plusieurs engagements souscrits en vue d'obtenir la décision du 2 avril 2012 ", c'est-à-dire l'agrément, le " non-respect de plusieurs des conditions auxquelles l'octroi de cet agrément a été subordonné " et le " non-respect par l'un des bénéficiaires directs de la décision du 2 avril 2012 de ses obligations fiscales ", sans annexer cette décision de retrait, ni même l'agrément retiré, sans en reproduire, même succinctement, les termes et donc les motifs de fait la fondant, alors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu par le ministre en défense que cette décision aurait été reçue par ailleurs par les intéressés peu avant la notification de la proposition de rectification et alors même qu'ils pouvaient en demander la communication, le vérificateur ne peut être regardé comme ayant mis les contribuables à même de formuler utilement leurs observations. Ainsi, la proposition de rectification ne satisfaisait pas aux exigences de motivation découlant des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont le respect constitue une garantie pour le contribuable. Est sans incidence à cet égard le principe d'indépendance des procédures menées à l'encontre de la société et de ses associés, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés aient fait l'objet d'une vérification de comptabilité et qu'en tout état de cause, ce principe fait obligation à l'administration de réitérer au niveau de chaque associé les motifs de la rectification établie à son encontre et qui procèdent de la situation de la société dans laquelle il a investi. Enfin, si le ministre de l'action et des comptes publics se réfère à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, il n'assortit cette référence d'aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé d'un éventuel moyen en défense. Dans ces conditions, M. A... et Mme C... sont fondés à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière, qu'ils ont été privés d'une garantie, et à demander, pour ce motif, la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis, ainsi que des majorations correspondantes, et qui ont effectivement été mises en recouvrement.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État le versement aux intéressés d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... et Mme C... sont déchargés, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.
Article 2 : Le jugement n° 1746014 du Tribunal administratif de Montreuil du
27 septembre 2018 est annulé.
Article 3 : L'État versera à M. A... et Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE03539