Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2019, Mme D... épouse A..., représenté par Me Tchiakpe, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 70 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de son dossier dans le même délai et dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 11 juin 1986 à Kinshasa, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 18 août 2017. Par un arrêté du 18 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande en raison de l'absence de motifs humanitaires ou exceptionnels attachés à la situation de l'intéressée. Par des décisions du même jour, il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme D... épouse A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2019 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 avril 2019 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreuses pièces produites pour la première fois en appel, notamment des relevés bancaires, des fiches de paye, des courriers solidarité transport, des courriers de l'assurance maladie relatifs à l'AME, des récépissés de demandes d'asile et autorisations provisoires de séjour, ou encore des convocations et comptes rendus médicaux, que Mme D... épouse A..., entrée en France en mars 2010, établit la continuité de son séjour sur le territoire français depuis lors, soit plus de neuf ans à la date de l'arrêté litigieux. Elle s'est, en outre, mariée, le 6 avril 2018, avec un ressortissant français avec lequel elle justifie d'une communauté de vie ininterrompue depuis mars 2014. Si aucun enfant n'est né de cette union, Mme D... épouse A... justifie de démarches et d'un suivi médical en vue d'un traitement contre l'infertilité effectués dès mars 2017. Enfin, les différents documents émanant de l'UDAF et de l'ASE attestent de sa présence et de son implication auprès de sa soeur muette et sous curatelle renforcée ainsi que dans le suivi éducatif de son neveu, mineur, fils de celle-ci, placé sous la protection de l'enfance par décision judiciaire du 3 juillet 2018. Dans ces circonstances, l'arrêté attaqué a porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et l'arrêté préfectoral contesté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le motif d'annulation retenu au point 3. implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... épouse A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... épouse A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905622 du tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2019 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 18 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme D... épouse A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE03678 3