Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2018 et des mémoires en réplique enregistrés les 23 août 2018, et 26 octobre et 23 novembre 2020, M. C..., représenté par Me A... et Me B..., avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2018 et la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2015 ;
2°) d'ordonner sa réintégration au sein de l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise et de la société Verde Distribution Services le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le délai de quinze jours prévu à l'article R. 2421-17 du code du travail n'a pas été respecté ; l'OGEC a transféré son contrat de travail avant même d'obtenir l'autorisation de l'inspection du travail ;
- l'inspection du travail n'a contrôlé ni la réalité du transfert ni la nature des éléments transférés ; elle n'a pu ainsi déterminer si le transfert était automatique ou volontaire ; elle aurait pu constater qu'il s'agissait d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail et, constatant qu'il n'avait pas donné son accord exprès, s'abstenir de donner l'autorisation de transfert ;
- la cour devra constater qu'il existe un lien entre la demande de transfert du contrat de travail et son mandat de représentant du personnel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... C... a été employé par l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) du lycée Saint-François d'Assise à compter du 5 novembre 2007 en qualité d'employé de service puis de responsable de l'équipe d'entretien des locaux de l'établissement scolaire. L'OGEC a décidé d'externaliser la mission d'entretien des locaux et de la confier à la société Verde Distribution Services (VDS). Afin de pouvoir transférer les contrats de travail de l'ensemble des agents de l'équipe d'entretien, l'OGEC a sollicité le 23 novembre 2015 l'autorisation de transférer à la société VDS le contrat de travail de M. C..., candidat aux élections professionnelles. Par une décision en date du 18 décembre 2015, l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale des Yvelines de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France a autorisé l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise à procéder à ce transfert. M. C... relève régulièrement appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 12241 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ". Aux termes de l'article L. 24141 du même code : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats suivants : / (...) ; / 2° Délégué du personnel ; / 3° Membre élu du comité d'entreprise ; / (...) 7° Représentant du personnel (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-9 du même code : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. ". Enfin, selon le premier alinéa de l'article R. 2421-17 dudit code : " La demande d'autorisation de transfert prévue à l'article L. 2421-9 est adressée à l'inspecteur du travail par lettre recommandée avec avis de réception quinze jours avant la date arrêtée pour le transfert. ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient d'une protection exceptionnelle instituée dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, afin d'éviter que ces salariés ne fassent l'objet de mesures discriminatoires dans le cadre d'une procédure de licenciement ou d'un transfert partiel d'entreprise. Dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, d'une part, que sont remplies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail. Cette dernière disposition ne s'applique qu'en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique autonome, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant. Il incombe, d'autre part, à l'autorité administrative de s'assurer que le transfert envisagé est dépourvu de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale du salarié transféré et que, ce faisant, celui-ci ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire.
4. En premier lieu, si les dispositions précédemment citées de l'article R. 2421-17 du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de transfert du contrat de travail d'un salarié protégé doit être adressée à l'inspecteur du travail " quinze jours avant la date arrêtée pour le transfert ", ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité de la demande d'autorisation. Dans ces conditions, s'il est constant que la demande d'autorisation n'a été adressée à l'inspecteur du travail par l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise que le 23 novembre 2015 alors que la date arrêtée pour le transfert était fixée au 1er décembre 2015, cette méconnaissance du délai de quinze jours n'interdisait pas à l'administration du travail de délivrer l'autorisation sollicitée.
5. Si, par ailleurs, M. C... soutient que son contrat de travail a été transféré à la société VDS dès le 1er décembre 2015, avant que l'inspecteur n'ait délivré son autorisation, cette circonstance, au demeurant non établie par l'ensemble des pièces versées aux débats, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail.
6. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'administration n'a contrôlé ni la réalité du transfert, ni la nature des éléments transférés et n'a pas pu ainsi déterminer si le transfert était automatique ou volontaire. Il ressort cependant des pièces du dossier et notamment des termes de la décision de l'inspecteur du travail, que ce dernier a vérifié qu'était en cause le transfert d'une entité économique entendue comme un ensemble organisé de moyens et son maintien en vue de la poursuite d'une activité similaire et, au terme de son analyse, a estimé que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient satisfaites. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision du 18 décembre 2015 serait entachée d'une erreur de droit faute pour l'inspecteur d'avoir procédé à cette vérification.
7. A supposer que M. C... ait entendu contester le bien-fondé de l'appréciation de l'inspecteur du travail quant à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs du point 10 du jugement attaqué.
8. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il n'avait pas donné son accord au transfert de son contrat de travail à la société VDS, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquent de plein droit à l'opération concernée et qu'en conséquence l'absence d'accord de l'intéressé est sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail.
9. En troisième lieu, M. C... soutient qu'il existerait un lien entre le transfert de son contrat de travail et son mandat, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'inspecteur du travail l'a relevé dans sa décision, que le projet d'externalisation des tâches d'entretien des locaux a été évoqué lors d'un conseil d'administration du lycée du 12 mars 2014 et qu'il a été annoncé au comité d'entreprise lors de la réunion ordinaire du 21 mai 2015, soit antérieurement au 28 septembre 2015, date à laquelle le requérant, qui n'établit pas avoir averti sa hiérarchie dès la fin du mois de mars 2015, a informé le chef d'établissement de sa candidature aux élections des délégués du personnel. Par ailleurs, le conflit qui oppose M. C... à l'OGEC, relatif à sa situation propre et sur lequel le conseil de Prud'hommes de Versailles s'est prononcé par un jugement du 19 décembre 2016, ne permet pas de considérer que le transfert du contrat de travail de l'intéressé à l'occasion de l'externalisation des tâches d'entretien du lycée présenterait un caractère discriminatoire. Par suite, l'inspecteur du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que le transfert envisagé du contrat de travail de M. C... était dépourvu de lien avec sa candidature aux élections professionnelles.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. L'OGEC du lycée Saint-François d'Assise et la société VDS n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 750 euros à verser tant à l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise qu'à la société VDS au titre des frais qu'ils ont exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera une somme de 750 euros à l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise et une somme de 750 euros à la société VDS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OGEC du lycée Saint-François d'Assise et la société VDS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 18VE01938 2