- l'entretien individuel du 5 février 2019 a été conduit par un agent du bureau de l'asile de la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture des Hauts-de-Seine, lequel a compétence pour le traitement des demandes d'asile conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; l'absence de la mention du nom et de la qualité de l'agent de la préfecture ayant conduit l'entretien dans le résumé n'a privé l'intéressé d'aucune des garanties liées à cet entretien ; la circonstance que le résume de l'entretien individuel mentionne uniquement les initiales de l'agent instructeur ne saurait entacher d'irrégularité la procédure, la mention du nom de l'agent ayant conduit l'entretien sur le résumé de ce dernier n'étant pas imposée par les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été respectées ;
- la demande de prise en charge de M. B... a été adressée aux autorités espagnoles dans les délais indiqués aux alinéas 1er et 2 du 1 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 ;
- c'est sans erreur de droit qu'il a estimé que l'Espagne était responsable de l'examen de cette demande d'asile en application des dispositions du 1 de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lepetit-Collin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1996, déclare être entré irrégulièrement en France le 19 novembre 2018. Concomitamment à l'introduction de sa demande d'asile le 14 décembre 2018, la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été préalablement enregistrées par les autorités espagnoles. Une demande de prise en charge a, par conséquent, été adressée aux autorités espagnoles le 17 décembre 2018, acceptée implicitement le 17 février 2019. Par arrêté en date du 4 mars 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné le transfert de M. B... aux autorités espagnoles. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement en date du 8 avril 2019 dont le Préfet des Hauts-de-Seine relève appel, a fait droit à sa demande.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...). 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. Il ressort du " résumé d'entretien individuel " signé par le requérant que cet entretien a été mené par un agent du bureau de l'asile de la direction de l'immigration de la préfecture des Hauts-de-Seine qualifié, à ce titre, pour y procéder en application des dispositions de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en présence d'un interprète. L'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit cet entretien individuel n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Le préfet des Hauts-de-Seine est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sur ce fondement son arrêté en date du 4 mars 2019.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les autres moyens de la demande :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B... s'est vu délivrer, le 14 décembre 2018, les deux brochures d'information dites " A " (J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande d'asile ') et "B" (Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie '). Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Les deux brochures ont été remises à l'intéressé en langue soninké, langue qu'il comprend. En outre, M. B... a déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre et, sur le résumé de l'entretien mené en préfecture qu'il a signé, a coché la case indiquant que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Les brochures mentionnées ci-dessus lui ont été délivrées dès le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile en France, soit en temps utile avant qu'intervienne l'arrêté litigieux. Ainsi, le moyen doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée (...) ".
8. Contrairement à ce que soutient M. B..., et ainsi que cela ressort des pièces du dossier et notamment de l'accusé de réception généré par le point d'accès national espagnol, l'autorité administrative a effectivement saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge de l'intéressé le 17 décembre 2018, soit dans les délais imposés par les dispositions précitées. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 manque en fait et ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".
10. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas sérieusement contesté, que M. B... a franchi irrégulièrement les frontières du territoire espagnol le 14 novembre 2018. Dès lors, à la date de l'arrêté attaqué, le 4 mars 2019, il ne pouvait être regardé comme ayant franchi cette frontière depuis plus de douze mois. Ainsi, l'autorité administrative n'a pas méconnu les dispositions de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 précitées, en décidant du transfert de M. B... aux autorités espagnoles. Le moyen doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à demander l'annulation du jugement n° 1903431 du 8 avril 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. B... doit par ailleurs, dans toutes ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1903431 du 8 avril 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Margerit, premier conseiller,
Mme Lepetit-Collin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
H. LEPETIT-COLLIN
Le président,
S. BROTONSLe greffier,
S. de SOUSALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 19VE01661 2