Résumé de la décision
La Fondation Jérôme Lejeune a interjeté appel d'un jugement du Tribunal administratif de Montreuil qui avait rejeté sa demande d'annulation d'une décision de l'Agence de la biomédecine, autorisant un protocole de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines. La Cour a décidé d'ordonner une expertise pour vérifier si cette recherche pouvait être réalisée sans recours aux cellules souches embryonnaires, au vu des arguments conflictuels présentés par les parties sur les capacités des cellules souches pluripotentes induites (IPS) en comparaison avec les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh).
Arguments pertinents
1. Sur la légalité de la décision de l'Agence de la biomédecine : La Fondation Jérôme Lejeune argue que la décision d'autoriser le recours aux CSEh a méconnu l'article L.2151-5 du code de la santé publique, qui stipule qu'une recherche ne peut être entreprise sans autorisation et que le recours à ces cellules doit être justifié par l'absence d'alternatives. Ce point est soutenu par la Fondation qui met en avant des méthodes alternatives, soulignant que "l'utilisation des cellules IPS pourrait répondre aux besoins de cette recherche".
2. Sur la spécificité des cellules souches embryonnaires : La Fondation argue que, malgré les inquiétudes concernant les cellules IPS, des techniques existent pour améliorer leur performance et réduire leurs défauts (comme la mémoire épigénétique et l'hétérogénéité), affirmant qu'il est possible de sélectionner uniquement les lignées optimales. Elle a mis en évidence que "des approches modernes permettent d'obtenir des lignées de cellules IPS standardisées et de grade clinique".
3. Sur le besoin d'expertise préalable : La Cour a reconnu qu'il existe des éléments contradictoires dans le dossier concernant la capacité des cellules IPS à substituer aux CSEh pour les objectifs de recherche, justifiant ainsi la nécessité d'une expertise pour clarifier cette question et déterminer si les conditions posées par l'article L.2151-5 du code de la santé publique ont été respectées.
Interprétations et citations légales
1. Interprétation de l’article L.2151-5 du code de la santé publique : Cet article déclare que "Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation." Il insiste également sur la nécessité d'explorer toutes les alternatives disponibles avant d'autoriser l'utilisation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires. Cela impose aux autorités de s'assurer qu'il n'existe pas de moyens de recherche viables sans recours à ces cellules. L'affirmation de la Cour concernant le besoin d'expertise repose sur cette interprétation stricte des nécessités juridiques en matière de recherche biomédicale.
2. Influence de la notion de "mémoire épigénétique" : La Fondation met en avant que la "mémoire épigénétique" présente dans les cellules IPS n'est pas insurmontable et qu'elle peut être réduite grâce à des techniques modernes. Cela conteste la narrative initiale de l'Agence sur l'inadéquation des cellules IPS, s'appuyant sur le fait que la diversité dans les lignées CSEh pourrait également être problématique.
3. Réserve sur le jugement : L'article 4 de l’arrêt stipule que "tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance." Cela souligne que la décision ne préjuge pas des questions juridiques encore en suspens et laisse ouverte la possibilité d’examiner d'autres arguments et moyens lors de la suite de l'instance.
Cette décision met en lumière la complexité des questions éthiques et scientifiques entourant la recherche sur les cellules souches, tout en indiquant que le cadre légal impose des exigences rigoureuses pour assurer le respect de l'éthique scientifique.