Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 décembre 2021 et 7 février 2022, le comité social et économique de la société Akka High Tech, représenté par Me Nevouet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 30 juin 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Île-de-France homologuant le document unilatéral et le document unilatéral modificatif portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de la société Akka High Tech ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'a pas contrôlé le respect par l'employeur de son obligation en matière de prévention des risques psychosociaux ;
- l'administration n'a pas contrôlé les catégories socio-professionnelles définies illégalement ;
- la procédure d'information-consultation a été irrégulière dès lors que l'expert-comptable n'a pu rendre un avis éclairé, que le comité économique et social européen n'a pas été consulté, ni les représentants de l'unité économique et sociale.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- les observations de Me Roubaud pour le comité social et économique de la société Akka High Tech, et celles de Me Joste pour la société Akka High Tech.
Considérant ce qui suit :
1. La société Akka High Tech, appartenant au groupe Akka Technologies, est spécialisée dans l'ingénierie et les études techniques et développe majoritairement des prestations informatiques. Elle compte vingt-et-un établissements en France dont trois en région Grand Est, deux en région Grand Ouest, huit en Ile-de-France et sept en Occitanie. Confrontée à une forte baisse d'activité de son principal secteur d'activité, l'aéronautique, résultant de la crise sanitaire, la société Akka High Tech a élaboré un projet de réorganisation prévoyant le redimensionnement des équipes liées à ce secteur et impliquant initialement la suppression de 167 emplois, présenté au comité social et économique le 17 décembre 2020. Elle a informé la DIRECCTE (devenue DRIEETS le 1er avril 2021) d'Ile-de-France, le 13 janvier 2021, d'un projet de licenciement économique collectif. A compter des 14 et 20 janvier 2020 et jusqu'au 25 mai 2021 se sont tenues les réunions d'information et de consultation du comité social et économique. Lors de la dernière réunion, le comité a refusé de rendre un avis sur le projet de licenciement collectif (dit Livre I), l'opération projetée et ses modalités d'application (dit Livre II) et les conséquences de la réorganisation en matière de santé, sécurité et conditions de travail (dit Livre IV). Le 27 mai 2021, la société Akka High Tech a déposé une demande d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi établi le 26 mai 2021 et visant à la suppression de cinquante-huit postes pouvant conduire à un maximum de cinquante-huit licenciements pour motif économique et/ou départs volontaires. Par une décision du 30 juin 2021 le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a homologué le document unilatéral et le document unilatéral modificatif portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de la société Akka High Tech. Le comité social et économique (CSE) de la société Akka High Tech relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cette décision d'homologation du 30 juin 2021.
Sur les conclusions en annulation :
2. Il résulte des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail que, pour les entreprises qui ne sont pas en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon le motif pour lequel cette annulation est prononcée. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui n'est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer, s'il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, même lorsqu'un autre moyen est de nature à fonder l'annulation de la décision administrative, compte tenu des conséquences particulières qui, en application de l'article L. 1235-11 du code du travail, sont susceptibles d'en découler pour les salariés. En outre, compte tenu de ce que l'article L. 1235-16 de ce code, prévoit que l'annulation d'une telle décision administrative, pour un autre motif que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, est susceptible d'avoir des conséquences différentes selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen, il appartient au juge administratif de se prononcer ensuite sur les autres moyens éventuellement présentés à l'appui des conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, en réservant, à ce stade, celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative. Enfin, lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative lorsqu'il est soulevé.
En ce qui concerne les obligations de l'employeur pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés :
3. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L 'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, conformément aux dispositions précitées.
4. Le CSE soutient que l'administration n'a pas contrôlé le respect par l'employeur de ses obligations en matière de prévention des risques psychosociaux (RPS) dès lors qu'aucune analyse des risques psychosociaux n'a été effectuée, aucun diagnostic sur l'évolution de la charge de travail n'a été posé, la société Akka High Tech se contentant d'affirmer que la réorganisation n'aurait pas d'impact dessus compte tenu de la baisse d'activité, alors que le rôle des managers va être accru pour l'accompagnement des salariés, entraînant ainsi une surcharge de travail, que le document ne comprend aucune cotation réelle des risques, la cotation utilisée de 0 à 3 n'étant pas crédible, et enfin, que les acteurs censés prévenir les risques psychosociaux sont inexistants ou inadaptés.
5. Concernant l'analyse des risques, il ressort du rapport de l'expert, que ce dernier a estimé que l'évaluation de l'évolution de la charge de travail était trop partielle, que la baisse d'activité ne justifierait pas de conclure à une absence d'évolution de cette charge de travail, alors que le simple fait de changer d'organisation, d'équipe de travail, de périmètres de compétences, implique déjà en soi une charge plus importante de travail. L'expert a également pointé le manque d'acteurs en matière de prévention. Toutefois, le livre IV comprend l'analyse des impacts du projet de réorganisation sur les conditions de travail, selon les fonctions, et une identification des facteurs de risque précise et détaillée, ainsi qu'une cotation des risques, la plus forte cote étant attribuée au risque lié à " la charge émotionnelle " pour les consultants comme pour les managers. Si le projet tend à considérer que la baisse d'activité justifie cette réorganisation et ne devrait pas à terme entrainer une augmentation de la charge de travail, il identifie néanmoins comme facteur de risque dans l'organisation et le contenu du travail, une rubrique " adéquation objectifs/ressources ", ce risque étant coté 2 sur une échelle de 3, et admet que le nouveau dimensionnement des équipes pourrait générer une fluctuation de la charge de travail. Le projet met également en avant l'intérêt de réguler la charge de travail pendant la phase de transition, en prenant en compte le niveau réel d'activité, les départs effectifs, et les actions de formation en cas de changement de mission.
6. Concernant les mesures prévues pour pallier ces risques, elles sont nombreuses et précises, notamment par la mise en place de cellules d'écoute, de soutien psychologique, d'information des salariés sur l'actualité du projet de réorganisation, de mesures de formation des managers, de leur sensibilisation à la question des RPS en raison du rôle qui leur est dévolu en matière de prévention de ces risques. Un rôle de prévention de ces risques est également attribué aux médecins du travail et infirmiers, la société disposant de son propre service de médecine du travail. Si le CSE invoque le manque d'implication de ce service et le manque de communication avec la société en raison de l'absence de rapport annuel de la médecine du travail de Toulouse alors que les effectifs de la société sont importants sur ce site, cet élément ne permet pas pour autant de conclure à un manque d'implication de ce service. Si les infirmières du travail n'ont été associées à la procédure à l'initiative du CSE qu'à partir du 25 juin 2021, ainsi qu'il le soutient, et non à l'initiative de la société, il n'est pas contesté que les deux infirmières concernées ont pu exposer leur mission et les modalités de leur intervention. Si le CSE soutient que ces mesures ne seront pas effectives, cette allégation ne permet pas de conclure que les mesures prévues par le projet présenté par la société ne prendraient pas en compte de manière suffisamment concrète et précise la prévention des risques psychosociaux. Enfin, le CSE de la société ne peut se prévaloir de réactions de l'inspection du travail de la Haute-Garonne constatant une insuffisante mise en œuvre par l'employeur des mesures de prévention des risques, postérieures à la décision attaquée. Ainsi, en dépit des réserves formulées par l'expert sur l'évaluation de l'évolution de la charge de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des mesures en matière de RPS figurant dans le livre IV et des recommandations adressées en cours de procédure à la société par l'administration, que cette dernière, dont la décision est par ailleurs longuement détaillée et motivée sur la prévention des RPS, n'aurait pas vérifié le respect par la société Akka High Tech de ses obligations en la matière.
En ce qui concerne le contrôle de l'administration sur la définition des catégories professionnelles concernées par le licenciement :
7. L'article L. 1233-24-2 du code du travail auquel renvoie l'article L. 1233-57-3 s'agissant des points sur lesquels l'autorité administrative doit porter son contrôle avant d'homologuer un document unilatéral dispose : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / (...) 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées (...) ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.
8. Le CSE soutient que l'administration n'a pas suffisamment contrôlé la définition des catégories professionnelles dès lors que cette définition est artificielle et ne correspond pas aux fonctions réellement exercées, qu'il existe des incohérences et qu'elles ont été définies de façon trop restrictive permettant d'identifier les salariés qui seraient licenciés.
9. Il ressort des pièces du dossier que le nombre de catégories professionnelles est passé, au cours des échanges avec les représentants du personnel et la DRIEETS, de 56 à 37 pour 1151 salariés, et que la méthodologie suivie définissait les catégories professionnelles selon les fonctions réellement exercées et non selon les intitulés figurant sur les fiches de paie. Si le CSE soutient qu'elles ont été définies en concertation avec les managers alors que certains salariés ont indiqué qu'ils ne connaissaient pas leur manager, cet élément ne permet pas de considérer pour autant que leurs managers auraient pris en compte d'autres critères que les fonctions réellement exercées. Si le CSE critique également la méthodologie appliquée du fait qu'une permutabilité des fonctions a été respectée alors que les parcours professionnels peuvent correspondre à plusieurs catégories professionnelles, cet élément ne permet pas d'en déduire que les fonctions exercées à titre principal n'auraient pas été retenues pour les salariés pouvant relever de plusieurs catégories professionnelles. Si le CSE a entendu critiquer le classement de certains salariés au sein de leur catégorie professionnelle, cette critique est sans incidence sur la légalité de la définition des catégories professionnelles. Le fait que la DRIEETS ait demandé à la société des explications sur la définition des catégories professionnelles dès lors que, " les regroupements métiers qui ont présidé aux choix portent à confusion ", ne permet pas de considérer que les catégories professionnelles auraient été définies par secteur d'activité. Concernant des incohérences alléguées, si le CSE soutient que certaines catégories professionnelles auraient dû être regroupées, telles que celle d'" ingénieur conception mécanique " et celle de " technicien conception mécanique ", ou celle d'" ingénieur gestion/planification de production " avec celle de " technicien gestion/planification ", ou celle de " managers opérationnels engineering et software " avec celle de " managers customer support et manufacuring ", il ne ressort toutefois pas des pièces produites que les fonctions de ces catégories seraient permutables ni que la formation initiale serait la même, alors même que certains salariés classés dans une catégorie professionnelle de technicien bénéficieraient d'une expérience professionnelle plus longue que des ingénieurs. Concernant l'aspect trop restrictif des catégories professionnelles, il n'est pas contesté que sur les 37 catégories définies, 11 sont impactées par des licenciements, parmi lesquelles seules deux catégories ne contiennent qu'un salarié. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les catégories professionnelles auraient été déterminées sur le fondement de considérations étrangères aux fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et en tenant compte des acquis de l'expérience, ni que le choix des catégories professionnelles aurait eu pour but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation dans un secteur plus touché par la baisse d'activité. Il ne ressort pas davantage des éléments produits au dossier que l'autorité administrative n'aurait pas exercé son contrôle, notamment au regard des remarques formulées par courriel du 7 avril 2021 sur le découpage retenu et les regroupements opérés et rappelant la définition jurisprudentielle de la catégorie professionnelle ou du courriel du 20 mai 2021 demandant à la société de préciser la notion de métier, les catégories professionnelles ne se regroupant pas par filière, et demandant de vérifier des erreurs de positionnement signalées par le CSE. Le moyen tiré de l'insuffisance de contrôle de l'administration sur la définition des catégories professionnelles du fait de leur illégalité doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe. " et aux termes de l'article L. 1233-30 de ce code : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / (...) Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (...) ".
11. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application, et d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. À ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
12. Enfin, aux termes de l'article L. 1233-34 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider, lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30, de recourir à une expertise pouvant porter sur les domaines économique et comptable ainsi que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail. / Les modalités et conditions de réalisation de l'expertise, lorsqu'elle porte sur un ou plusieurs des domaines cités au premier alinéa, sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat./ L'expert peut être assisté dans les conditions prévues à l'article L. 2315-81./ (...) Le rapport de l'expert est remis au comité social et économique et, le cas échéant, aux organisations syndicales, au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 1233-30. ". Lorsque l'assistance d'un expert a été demandée selon les modalités prévues par cet article, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause. La circonstance que l'expert n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d'information et de consultation du comité si les conditions dans lesquelles l'expert a accompli sa mission ont néanmoins permis à ce comité de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.
13. Il ressort des pièces du dossier que l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi débutée le 17 décembre 2020 s'est déroulée jusqu'au 26 mai 2021, date du dépôt de la demande d'homologation du plan à l'administration, et a donné lieu à 24 réunions du comité social et économique au cours de cette période. Il ressort également des pièces du dossier que le CSE s'est fait assisté d'un expert dès la première réunion, et que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi a été modifié tout au long du déroulement de la procédure pour tenir compte des échanges avec les représentants du personnel. Si le CSE soutient qu'il a fallu avoir recours à la procédure d'injonction de la DRIEETS pour que la société communique à l'expert les documents nécessaires à son information, ce dernier a toutefois considéré qu'il avait pu avoir accès à la grande majorité des documents demandés, a refusé le report de délai proposé et a pu rendre un rapport volumineux de plus de 450 pages. Concernant en particulier le livre IV, portant sur les risques psychosociaux pour lesquels le CSE soutient que la version finale n'a été remise que trois jours avant la réunion prévue, il ressort toutefois des pièces du dossier que le document remis le 26 avril 2021 a été établi afin de répondre aux interrogations des membres du CSE mais ne peut être regardé comme une refonte, ainsi que cela est allégué, du livre IV initial précédemment remis pour information au CSE qui comportait déjà une analyse des conditions de travail par région et présentait le plan de prévention et d'accompagnement. Il ressort également de la lecture du rapport de l'expert, portant notamment sur l'évaluation de la charge de travail, l'information des salariés, les mesures d'accompagnement des licenciements, les moyens de la société en matière de prévention des risques psychosociaux, qu'il a pu mettre en évidence les insuffisances du livre IV, formuler des critiques ou propositions dans ces différents domaines et proposer des améliorations à apporter, notamment en matière d'évaluation de l'évolution de la charge de travail, qu'il jugeait trop partielle, voire absente. Il a également pointé le manque d'acteurs en matière de prévention des risques psychosociaux et a pu analyser longuement les mesures de prévention. Ce rapport permettait ainsi d'avoir un point de vue sur l'ensemble des aspects essentiels pour les salariés du projet, et de formuler utilement des propositions ou critiques. Par suite, alors même que la DRIEETS a dû enjoindre à la société de communiquer certains documents, le CSE n'est pas fondé à soutenir que l'expert aurait été empêché dans sa mission d'assistance pour lui permettre de rendre un avis éclairé, ni que la procédure d'information-consultation des membres du CSE aurait été irrégulière pour ce motif.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.2341-8 : " La compétence du comité d'entreprise européen ou la procédure mentionnée à l'article L. 2341-4 porte sur les questions transnationales. Sont considérées comme telles les questions qui concernent l'ensemble de l'entreprise ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire ou au moins deux entreprises ou établissements de l'entreprise ou du groupe situés dans deux Etats membres. ".
15. En appel, le CSE de la société Akka High Tech soutient que la consultation de l'ensemble des institutions représentatives du personnel n'a pas été complète dès lors que le comité social et économique européen n'a pas été informé ni consulté. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi de la société Akka High Tech homologué par la décision attaquée concernerait des salariés d'au moins deux pays européens alors même que le groupe Akka aurait décidé de mettre en œuvre un plan social en Allemagne.
16. En dernier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure pour défaut de consultation des représentants élus du personnel de l'unité économique et sociale Akka France doit être écarté dès lors qu'il est constant que cette unité économique et sociale ne disposait pas encore de représentants élus.
17. Dans ces conditions, et alors même que le CSE a demandé à l'administration de faire usage de son pouvoir d'injonction auprès de la société pour transmettre les documents nécessaires à l'information des représentants du personnel, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure d'information-consultation des représentants du personnel aurait été irrégulière ni que l'autorité administrative aurait omis d'exercer son contrôle sur la régularité de cette procédure.
18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que le CSE de la société Akka High Tech n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 30 juin 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France homologuant le document unilatéral et le document unilatéral modificatif portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de la société.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du CSE d'Akka High Tech une somme de 1 500 euros à verser à ce titre à la société Akka High Tech. En l'absence de tous dépens dans la présente instance, il n'y a pas lieu de les mettre à la charge de la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du comité social et économique de la société Akka High Tech est rejetée.
Article 2 : Le comité social et économique de la société Akka High Tech versera à la société Akka High Tech une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 21VE03435 2