Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2018, un mémoire complémentaire enregistré le 7 septembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 14 février 2019, Mme D..., représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 26 janvier 2016 ;
3° d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de réexaminer sa plainte et de la transmettre sans délai à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de la ville de Paris, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4° d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui communiquer sans délai l'analyse médicale détaillée du Dr Coste-Zeitoun visée par son courrier du 13 février 2014, le cas échéant, par l'intermédiaire du conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
5° de rejeter l'intégralité des demandes du conseil national de l'ordre des médecins ;
6° de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros à verser à Me E... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D... soutient que :
- sur la régularité du jugement attaqué : la décision des premiers juges est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- sur la légalité de la décision refusant de transmettre sa plainte : cette décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa plainte ; le conseil national de l'ordre des médecins était tenu de transmettre sa plainte conformément aux dispositions de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique et a donc commis une erreur de droit en refusant de le faire ; la décision du 26 janvier 2016 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sur la légalité de la décision refusant de communiquer l'analyse médicale détaillée du docteur Coste-Zeitoun visée dans son courrier du 13 février 2014 : c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que le refus du conseil national de l'ordre des médecins de communiquer cette analyse médicale détaillée n'était pas un acte faisant grief ; cette décision est insuffisamment motivée, méconnaît le droit d'accès aux informations concernant la santé consacré par l'article L. 1111-7 du code de la santé publique et viole le principe du contradictoire consacré par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour le conseil national de l'ordre des médecins.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D... est la mère de Nathan D..., né le 20 décembre 1995 et diagnostiqué en 2009 d'une dyspraxie visuo-spatiale et d'un syndrome de déficience posturale. Alors que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine avait initialement reconnu à son fils un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, ce taux a été revu et fixé à moins de 50 %, notamment au regard de l'avis émis le 26 septembre 2012 par le Dr Coste-Zeitoun sur la situation et les besoins de Nathan D.... Le 7 novembre 2013, Mme D... a saisi le conseil national de l'ordre des médecins d'une plainte contre ce médecin, estimant que l'avis médical violait les principes déontologiques de la profession. Le 3 décembre 2013, le conseil national de l'ordre des médecins a transmis cette plainte au conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, lequel a organisé, le 4 février 2014, une conciliation entre les parties, qui a échoué. Le Dr Coste-Zeitoun a rédigé néanmoins, le 13 février 2014, un second avis médical en prenant en compte les examens effectués par Nathan D... depuis décembre 2012. Par courrier du 21 février 2014, Mme D... a maintenu sa plainte et sollicité la communication de l'analyse médicale détaillée rédigée par ce docteur et mise à la seule disposition du conseil national de l'ordre des médecins. Le 13 juin 2014, le conseil départemental a décidé de ne pas porter plainte contre le Dr Coste-Zeitoun. Par courriers des 27 juillet, 10 octobre 2014 et 12 février 2015, Mme D... a saisi le conseil national d'un recours hiérarchique tendant à ce que le Dr Coste-Zeitoun soit déféré devant les instances disciplinaires. Par une séance d'assemblée plénière du 2 avril 2015, le conseil national de l'ordre des médecins a opposé un refus à cette demande. Cette décision a été notifiée à Mme D... le 20 novembre 2015, par deux lettres émises les 14 avril et 4 novembre 2015. Le 23 décembre 2015, Mme D... a formé un recours gracieux contre cette décision et a adressé au conseil national de l'ordre des médecins une mise en demeure de lui communiquer le rapport médical détaillé précédemment évoqué. Par un courrier du 26 janvier 2016, le président du conseil national a rejeté ce recours et a informé Mme D... qu'il n'était pas en possession de l'analyse médicale demandée. Mme D... relève appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 26 janvier 2016.
Sur les conclusions de la requête relatives à la communication de l'analyse médicale détaillée du docteur Coste-Zeitoun :
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; / (...) ". Toutefois, aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, (...) pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".
3. Le litige relatif à la légalité de la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 26 janvier 2016 en tant qu'elle a rejeté la demande de Mme D... tendant à la communication de l'analyse médicale du docteur Coste-Zeitoun entre dans le champ d'application des dispositions précitées du 2° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Les premiers juges ont donc, sur ce point, statué en premier et dernier ressort. La contestation du jugement, sur ce point, ne relève pas de la voie de l'appel, ouverte devant la Cour administrative d'appel de Versailles, mais de celle de la cassation, ouverte devant le Conseil d'Etat. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la requérante aurait saisi pour avis la commission d'accès aux documents administratifs, préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux en vertu des dispositions de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi les conclusions de sa demande de première instance étant entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, les conclusions de la requête de Mme D... relatives à ce litige peuvent être rejetées en application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient Mme D..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que la décision du conseil national de l'ordre des médecins de ne pas traduire le docteur Coste-Zeitoun en chambre disciplinaire ne serait pas suffisamment motivée. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité de ce chef.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. (...) / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ".
6. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s'agissant des " médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ", qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, un conseil départemental de l'ordre des médecins exerce, en la matière, une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le docteur Delphine Coste-Zeitoun, médecin spécialiste en pédiatrie et praticien hospitalier exerçant au service d'éducation spécialisée et de soins à domicile l'Essor, a rendu un avis médical sur la situation et les besoins de Nathan D..., fils de la requérante, à la demande de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine, laquelle est, conformément à l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles, un groupement d'intérêt public et exerce une mission de service public. Ainsi, l'avis rendu par le docteur Coste-Zeitoun à la demande de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées relevait d'une mission de service public. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 4124-2 du code la santé publique étaient seules applicables à une éventuelle procédure disciplinaire relative aux actes accomplis par le Dr Coste-Zeitoun à l'occasion de sa fonction publique, et ce alors même qu'une conciliation a été organisée par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris.
8. Par suite, Mme D... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique pour soutenir que le président du conseil national de l'ordre des médecins était tenu de saisir la chambre disciplinaire de première instance et qu'en conséquence sa décision litigieuse du 26 janvier 2016 est entachée d'une erreur de droit.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la saisine par Mme D... du conseil national ne constitue pas un recours administratif préalable obligatoire. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le président de ce conseil a rejeté sa demande tendant à ce que le docteur Coste-Zeitoun soit traduite devant la juridiction disciplinaire devait être motivée sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La motivation d'une telle décision n'étant exigée par aucun texte ni aucun principe, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 26 janvier 2016 ne peut, par suite, qu'être écarté.
10. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance, il appartient au conseil national de l'ordre des médecins, après avoir procédé à l'instruction de cette plainte, de décider des suites à y donner. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
11. Mme D... soutient que les avis médicaux du docteur Coste-Zeitoun auraient remis en cause les diagnostics établis par des centres spécialisés et de référence alors que cette praticienne ne serait pas spécialiste en neurologie et que son examen a été réalisé uniquement sur pièces, ce que critique le docteur Ducher, médecin-traitant de Nathan D.... Par ailleurs, la requérante soutient qu'en ayant produit le document qui a servi à suspendre l'allocation aux adultes handicapés reçue jusqu'alors par Nathan D... et en ayant refusé de communiquer son analyse médicale détaillée, le Dr Coste-Zeitoun aurait méconnu le principe déontologique " primum non nocere ". De plus, en ayant écarté la scintigraphie réalisée en juin 2012, elle aurait manqué au principe déontologique selon lequel il faut " toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés ". Cependant, il ressort de l'avis rendu le 26 septembre 2012 par le docteur Coste-Zeitoun, neuropédiatre, que si cette dernière a remis en cause la nécessité de poursuivre un suivi par un ergothérapeute pour l'adaptation à l'utilisation d'un clavier d'ordinateur, elle n'a pas remis en cause la réalité ou la persistance des troubles dyspraxiques de l'enfant, mais s'est interrogée sur ce diagnostic fondé sur un seul bilan réalisé en 2008. Par ailleurs ce rapport préconise également de recueillir l'avis d'un pédopsychiatre. Dans ces conditions, alors même que ce rapport a été établi sur pièces sans examen de l'enfant, et a conduit à la suppression de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le docteur Coste-Zeitoun aurait rendu son avis sans y avoir apporté le soin nécessaire. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que le président du conseil national de l'ordre des médecins a décidé, conformément à la décision prise le 2 avril 2015 lors de la séance du conseil national, de ne pas saisir la chambre disciplinaire de première instance de la plainte de Mme D....
12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 26 janvier 2016 refusant de transmettre la plainte de Mme D... à la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins, prise à la suite d'une tentative de conciliation entre la requérante et le Dr Coste-Zeitoun, aurait été prise sans examen approfondi des griefs de Mme D....
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2016 du président du conseil national de l'ordre des médecins rejetant sa demande tendant à l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre du docteur Coste-Zeitoun. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le versement d'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par le conseil national de l'ordre des médecins et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la somme que demande Mme D... soit mise à la charge du conseil national, qui n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera la somme de 500 euros au conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 18VE01695 2