Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 23 mars et 15 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1910743 du 10 mars 2020 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet des Hauts-de-Seine a ajouté une condition non exigée par la loi dans sa décision en lui reprochant de ne pas posséder de carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) afin d'exercer son activité professionnelle alors même qu'aucun texte ne l'impose ; le tribunal administratif ne pouvait considérer que le préfet des Hauts-de-Seine aurait pris la même décision à l'encontre de l'intéressé s'il n'avait pas estimé qu'il était obligé de posséder une telle carte ;
- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et professionnelle ;
- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision attaquée est intervenue en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lepetit-Collin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 15 janvier 1971, est entré en France le
7 septembre 2002 sous couvert d'un visa court séjour selon ses affirmations. Le 4 juin 2019, il a sollicité, auprès des services de la préfecture des Hauts-de-Seine, son admission au séjour sur le fondement des stipulations des articles 6-5 et 7b) de l'accord franco-algérien susvisé. Par un arrêté du 12 août 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1910743 du 10 mars 2020 dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et de la mesure d'éloignement :
2. Aux termes, d'une part, des stipulations de l'article 7b) de l'accord franco-algérien : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 9 du même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises.(...) ".
3. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (... ) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ".
5. En premier lieu, si M. A... reprend en appel son moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet des Hauts-de-Seine qui aurait ajouté une condition non exigée par la loi dans sa décision en lui reprochant de ne pas posséder de carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) afin d'exercer son activité professionnelle alors même qu'aucun texte ne l'impose, ainsi que l'énonce la décision attaquée, qui n'est pas contestée sur ce point, l'intéressé ne justifie d'aucun visa de long séjour non plus que d'aucun contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi ainsi que l'exigent les stipulations citées au point 2 du présent arrêt pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ". Les premiers juges ont ainsi pu, à bon droit, neutraliser l'illégalité du motif tiré de ce que M. A... ne justifiait pas être en possession d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité pour juger que le préfet des Hauts-de-Seine aurait pris la même décision à l'encontre de M. A... en ne retenant que la seule absence à son dossier du visa de long séjour et du contrat de travail visé exigés par les stipulations de l'accord franco-algérien.
6. En deuxième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titre de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet, qui a opposé le fait que la situation de M. A... était régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, ne lui a pas fait application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... ne peut donc, et en tout état de cause, utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
8. En troisième lieu, M. A... soutient résider sur le territoire national depuis 2002, soit depuis 17 ans à la date de la décision attaquée, disposer d'attaches familiales en France où résident ses deux soeurs, l'une étant titulaire de la nationalité française, l'autre d'un certificat de résidence algérien. Il soutient n'avoir jamais troublé l'ordre public et être parfaitement intégré à la société française. M. A... se prévaut également de son insertion professionnelle en France où il a obtenu le diplôme de SSIAP 1 (Services de sécurité d'incendie et d'assistance à personne), son certificat de sauveteur secouriste du travail et où il a été embauché en septembre 2018 par la société Eve Security au poste d'agent SSIAP1. Toutefois, M. A..., dont la résidence continue en France n'est établie que depuis 2014, est entré en France à l'âge de 31 ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine. Il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire national et n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie où résident notamment sa mère ainsi que deux de ses frères et soeurs. Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à la date de la décision attaquée, l'insertion professionnelle de M. A... était récente. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait, par les décisions attaquées, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Le paragraphe 1 de l'article 51 de la charte précise que : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ". L'article 41 précité de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressant non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, le moyen tiré de sa violation est inopérant.
10. Toutefois, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
11. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. A... a pu exposer les éléments relatifs à sa situation personnelle et professionnelle sur le territoire national à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et n'établit pas, ni même n'allègue, avoir été dans l'impossibilité de faire valoir une circonstance nécessaire à l'appréciation de sa situation par l'autorité administrative à cette occasion. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance du respect de son droit à être entendu.
12. En second lieu, aux termes de l'alinéa 4 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'alinéa 8 du III de l'article L. 511-1 du même code : " (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
13. M. A... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire national serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis 17 ans, qu'elle aura pour effet de faire obstacle à toute possibilité de voir ses deux soeurs pendant deux ans et pour conséquence la rupture de son contrat de travail. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 8 du présent arrêt, alors que l'insertion professionnelle de M. A... en France est récente, qu'il ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis 17 ans ni de l'intensité particulière des liens qu'il entretiendrait avec ses deux soeurs vivant en France, l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dont serait entachée la décision attaquée ne peut être regardée comme établie.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. La requête d'appel de M. A... doit, par conséquent, être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
N°20VE00985 2