Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, la société Alagöz, représentée par Me Boutboul, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 16 mai 2017 et la décision du 25 février 2016 l'assujettissant aux contributions spéciale et forfaitaire ;
2° de la dégrever de ces contributions ;
3° subsidiairement, de la décharger de l'obligation de payer ces contributions pour Mme D...et de limiter le montant de la contribution spéciale à 14 080 euros pour les deux autres salariés concernés ;
4° de prononcer le sursis de paiement des contributions mises à sa charge ;
5° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- elle n'a pas dissimulé l'emploi des deux salariés dépourvus de titre de séjour et d'autorisation de travail ;
- elle entendait, pour ces deux salariés et avec leur accord, faire application des dispositions de la circulaire Valls, permettant la régularisation du séjour au titre du travail après huit mois de travail effectif ;
- la tolérance permise par cette circulaire doit être prise en compte, sous peine de rupture d'égalité ;
- la contribution spéciale ne peut être mise à sa charge pour Mme D...qui disposait d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ;
- elle doit être réduite à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti pour les deux autres salariés, en application de l'article R. 8252-6 du code du travail, dès lors que leurs salaires ont été versés spontanément et mensuellement et ont donné lieu à déclarations aux organismes et à l'établissement de fiches de paie ;
- le tribunal a fait une lecture erronée de cet article en considérant qu'un cumul d'infractions était établi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2015-1688 du 17 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Alagöz, qui exploite un salon de coiffure à Drancy, a fait l'objet d'un contrôle par l'inspection du travail, le 19 juin 2015, au cours duquel il a été constaté que trois personnes en situation de travail étaient dépourvues d'autorisation de travail et que deux d'entre elles n'étaient pas déclarées à l'URSSAF. Par décision du 25 février 2016, l'OFII a assujetti la société, à raison de l'emploi de trois ressortissants étrangers démunis de titre les autorisant à séjourner et travailler en France, à la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 52 800 euros, et à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à hauteur de 7 016 euros. La société Alagöz ayant justifié de ce que l'une des salariés en cause était en situation régulière au titre du séjour, l'OFII a, par décision du 12 septembre 2016, maintenu à la charge de la société les contributions spéciale et forfaitaire pour les deux autres salariés, et a en conséquence réduit le montant de ces contributions respectivement à 35 200 et 4 707 euros. La société Alagöz relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision de l'OFII maintenant partiellement les contributions spéciale et forfaitaire à son encontre et à la décharge de ces contributions, et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre les contributions dues pour l'employée dont la régularité du séjour a été justifiée.
Sur les conclusions présentées à titre principal :
2. Le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que nul ne peut, directement ou indirectement, " embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...). ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal établi le 19 juin 2015, que la société Alagöz a employé deux ressortissants étrangers, Mme B... C... et M. A...E..., dépourvus de tout titre de séjour et d'autorisation de travail en France. Ces faits, qui ne sont pas contestés par la société requérante, justifiaient à eux seuls l'application des contributions spéciale et forfaitaire qui sont dues à raison de ces deux emplois quand bien même la société a déclaré ces deux embauches et les salaires qu'elle a versés aux intéressés. La société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour tenter d'échapper à ces contributions, de la circulaire du 23 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de tout caractère réglementaire et, en tout état de cause, ne comporte aucune tolérance sur le respect des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail. Elle ne peut pas plus utilement alléguer, sur le fondement de cette circulaire, une rupture d'égalité de traitement.
Sur les conclusions subsidiaires :
5. L'article L. 8253-1 du code du travail dispose que le montant de la contribution spéciale : " (...) est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". L'article 2 du décret du 17 décembre 2015 portant relèvement du salaire minimum de croissance fixe le montant du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail à 3,52 euros pour l'année 2016.
6. L'article R. 8253-2 du code du travail, dans sa version issue du décret
n° 2013-467 du 4 juin 2013, réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti " 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 " ou " 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. (...) ". L'article R. 8252-6 du même code ajoute que : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. /Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. ". Le délai mentionné à l'article L. 8252-4 est " un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ".
7. La société Alagöz demande que le montant de la contribution spéciale mise à sa charge au titre de l'emploi de Mme C...et de M. E...soit ramenée à 2 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti en application des dispositions du II de l'article R. 8253-2 du code du travail.
8. Si la société fait valoir qu'elle a versé à Mme C...et M. E...l'intégralité de leurs salaires et leur a remis leurs bulletins de paie, elle ne justifie pas avoir, dans les
trente jours suivant la constatation de l'infraction, satisfait à l'ensemble des obligations auxquelles est subordonnée la réduction de montant prévues par les dispositions de l'article
L. 8253-1 et celles du II de l'article R. 8253-2 du code du travail, notamment en ce qui concerne la délivrance d'un certificat de travail et du solde de tout compte et la justification de ces obligations auprès de l'OFII.
9. Par ailleurs, concernant l'emploi de MmeC..., le procès-verbal d'infraction mentionne non seulement l'infraction de travail non autorisé prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8251 du code du travail, mais également celle, distincte, de travail dissimulé prévue à l'article L. 8221-5 du même code. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le montant de la contribution spéciale due à raison de l'emploi de Mme C... devait être fixée à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti.
10. En revanche, en ce qui concerne l'emploi de M.E..., le procès-verbal d'infraction ne mentionne que la seule infraction de travail non autorisé, sans faire référence à l'infraction d'emploi d'un ressortissant étranger en situation irrégulière au regard du droit au séjour dont les décisions des 25 février et 12 septembre 2016 font état. La société requérante est donc fondée à demander que la contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier de M. E...soit réduite à 2 000 fois le montant du minimum garanti, c'est-à-dire, compte tenu du montant du minimum garanti fixé au titre de l'année 2016 par l'article 2 du décret du 17 décembre 2015, au montant de 7 040 euros.
11. Par la décision du 12 septembre 2016, l'OFII n'a maintenu à la charge de la société Alagöz que les contributions litigieuses dues à raison de l'emploi irrégulier des deux personnes démunies d'un titre de séjour, et a annulé les contributions initialement mises à la charge de la société à raison de l'emploi de MmeD..., dont la régularité du séjour a été justifiée. C'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires en décharge des contributions relatives à l'emploi de MmeD....
12. Il résulte de ce qui précède que la société Alagöz est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas réduit à 24 640 euros le montant global de la contribution spéciale mise à sa charge.
Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :
13. Dès lors qu'il est statué sur les conclusions à fin d'annulation, les conclusions à fin de sursis de paiement doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Alagöz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande l'OFII au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 000 euros au bénéfice de la société Alagöz sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la société Alagöz est ramené de la somme de 35 200 euros à la somme de 24 640 euros.
Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à la société Alagöz une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Alagöz et les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont rejetés.
Article 4 : Le jugement n° 1605354 du 16 mai 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 17VE02235